- Registre de langue courant dans l’ensemble de l’œuvre; emploi de plusieurs mots nouveaux (p. ex., cancres, fainéants, acabit, tropismes, dodeline, exsangues) que le contexte et parfois les notes explicatives en bas de page permettent de définir.
« La prof de biologie nous berçait tous de sa voix, ce qui est idéal pour se chanter de douces ballades entre amis, mais très peu pratique quand il s’agit de parler de tropismes, de photosynthèse et autre biomasse. » (p. 54)
« Je jette un coup d’œil sur la rangée arrière : ma mère dort, appuyée sur la vitre, mon père a les paupières lourdes, il dodeline de la tête. » (p. 68-69)
« Et de lui rappeler que ceux qu’aujourd’hui elle qualifiait tendrement de "malheureux", elle avait coutume de les traiter de "cancres", de "fainéants", "d’irresponsables" et autres adjectifs du même acabit. Mais j’ai pensé qu’il valait mieux ne rien dire et j’ai conclu par cette phrase très sage émanant d’un esprit philosophique averti :
– Qu’est-ce que j’en sais, moi! » (p. 94)
- Texte contenant une variété de types et de formes de phrases qui ajoutent du dynamisme à la lecture.
« Quelques minutes plus tard, le père mit la voiture en marche, passa la première qui grinça un peu parce qu’il était nerveux et avait mal appuyé sur l’embrayage et, entre les feux rouges et verts, il suivit, en klaxonnant, la route qui menait à l’hôpital.
La mère qui était beaucoup plus calme que lui, dit :
– Il n’est quand même pas nécessaire que tu roules à cette allure!
Il s’indigna :
– Et si l’enfant naît dans la voiture, qu’est-ce que je fais?
– Allons bon, comme s’il allait naître dans la voiture! » (p. 16)
« Je regarde discrètement ma montre. Tout mon corps est engourdi par le voyage. A l’aller, dans le train, je pouvais me promener dans les couloirs, dans le bar, jeter des coups d’œil dans les autres wagons. Mais ici, j’ai le choix entre regarder sur le côté ou regarder devant moi. Et c’est déjà beaucoup. Si j’étais magicien, comme Bernardino, je donnerais un coup de baguette magique et nous arriverions très vite à Lisbonne. Sans les idées de ma mère ("au retour, nous ne sommes pas pressés, autant prendre le car, c’est moins cher…"), à l’heure qu’il est, l’express nous aurait peut-être déjà lâchés, sains et saufs, sacs compris, sur le quai de Santa Apolonia. » (p. 151)
- Plusieurs figures de style (p. ex., énumérations, comparaisons, métaphores) qui évoquent des images dans l’esprit du lectorat.
« D’autant plus que tous mes amis avaient des prénoms parfaitement normaux : Joao, Antonio, Felipe, Miguel, Luisa, Margarida, aucun ne pouvait me servir de victime.
A ce moment-là, j’étais sans aucun doute l’être le plus malheureux de l’école, de la rue, du quartier, de la ville, du pays, de l’Europe, de l’univers entier. » (p. 23-24)
« Ensuite, il s’est lancé dans une course folle comme s’il était poursuivi par quelqu’un, comme s’il devait éteindre un incendie… Et moi je l’appelais, Abilio, Abilio! et lui il courait comme un fou furieux! » (p. 36)
« – Elle a une santé de fer! Elle n’a jamais eu la moindre grippe, la moindre rage de dents! » (p. 78)
- Séquences descriptives qui permettent de se situer dans le temps et le lieu de l’action et qui témoignent des émotions ressenties par les personnages.
« Avant d’aller me coucher, j’ai fait un saut chez le cousin Raul. La cousine Maria Constança somnolait, son corps menu disparaissait au milieu des oreillers. La cousine Clara, assise à son chevet, a porté son doigt à sa bouche pour me demander de ne pas faire de bruit.
Sur la pointe des pieds, je me suis approché du lit de ma cousine Maria Constança, je me suis penché et lui ai donné un léger baiser sur le front.
– Bonne nuit, cousine!
Elle n’a pas répondu mais elle a ouvert les yeux et elle a souri. » (p. 183)
« L’autocar prit un tournant et entra dans le garage du terminus de Lisbonne. Je ne pensais qu’à une chose : arriver, prendre une douche froide, et me jeter sur le lit.
Les journées passées à Gafanha, le voyage de retour m’avaient profondément troublé. J’avais besoin de me reposer et de tout raconter à Luisa.
Il y a beaucoup de choses qu’elle ne croirait jamais, les histoires de la vieille dame, la naissance du veau sous mes yeux et si près de mes mains. Je me suis dit soudain que ce serait peut-être à son tour de passer pour une idiote. Il fallait bien que ça arrive une fois. Les hommes ont aussi droit à quelques victoires, tout de même ! » (p. 189)
- Séquences dialoguées qui révèlent les relations entre les personnages.
« – Mais c’est que nous ne sommes pas habitués à vous voir malade…
– Il fallait bien que cela arrive un jour, personne n’est éternel. Et moi, malgré les apparences, je traîne ici-bas depuis déjà un certain temps. On se fatigue au bout d’un moment…
– Allons bon, vous n’êtes jamais fatiguée, dit ma mère, en bordant le lit et tapotant les oreillers.
Ma cousine Maria Constança sourit. Je remarque seulement les nombreuses rides qui sillonnent son visage et comme ses mains tremblent sur le revers des draps.
– Si, je suis fatiguée. J’ai bientôt 85 ans, Maria Estela! Il est grand temps d’être fatiguée. Maintenant, c’est à leur tour.
Elle nous montre du doigt, Ana Constança et moi.
– A notre tour de faire quoi? ai-je demandé.
– De faire avancer les choses.
Elle parlait de façon amusante. Ma tante Constancinha, elle, nous aurait déjà assené un sermon.
– Mais promettez-moi de ne jamais faire de votre vie quelque chose d’ennuyeux. Il n’y a rien de pire que l’ennui, et que le laisser-aller. Autre chose : ne portez jamais de noir.
– Même quand les personnes meurent? demanda Ana Constança, stupéfaite.
La cousine Maria Constança eut un petit rire :
– Surtout quand les personnes meurent. Si nous les aimons vraiment, il faut se souvenir d’elles dans la joie, comme si elles étaient toujours auprès de nous. » (p. 100-102)