- Roman historique fictif aux nombreux événements véridiques contribuant à nourrir la trame du récit.
« Au début de décembre 1917, par un matin ensoleillé vers neuf heures, j’étais assis à mon bureau, dans la citadelle de Halifax […]. La ville et le port grouillaient d’activités ce matin-là lorsqu’un vieux vapeur bourré de munitions à destination d’Europe, […] entra en collision avec un autre navire et prit feu, puis explosa quelques minutes plus tard dans l’étroit chenal devant les quais, où une foule de curieux s’étaient attroupés, attirés par le drame du navire qui brûlait. » (p. 109-110)
« De maillon en maillon, le matériel de guerre transitait, des soutes de navires aux quais des ports, des gares aux wagons à marchandises, des postes de relais aux camions à moteurs et aux charrettes, jusqu’aux échines des mulets et aux épaules des soldats d’infanterie, se rapprochant toujours de la zone des combats où tout serait immolé avec de la chair humaine dans le creuset des batailles et des bombardements. » (p. 115)
- Œuvre ayant comme arrière-plan la Première Guerre mondiale et présentant divers thèmes et sujets y étant reliés, comme la violence, le deuil, l’amitié, l’amour, la conscription.
« Avant trop longtemps, à part les historiens, seuls ceux de ma génération se souviendront du maréchal et de ce qu’il a représenté en 1918 pour nos communautés exaspérées d’une guerre lointaine, dont on avait promis qu’elle finirait trois ans plus tôt et qui n’en finissait plus de finir, au gré des listes de tués et de disparus. » (p. 9)
« Au combat, les soldats frappés ne tombaient pas comme cela, tout simplement, à terre, comme dans les gravures des journaux. Ils étaient décapités, démembrés, déchiquetés ou hachés en morceaux par les mitrailleuses et les éclats d’artillerie. […] Nous étions conscients de tout cela, et l’important pour mes hommes, et pour moi aussi, c’était de rentrer chacun chez soi lorsque toute cette sale folie serait enfin terminée. » (p. 121)
« La cause annoncée du décès de Madeleine, inscrite par les médecins dans leurs documents officiels, fut le cancer qui l’atteignit en l’automne 1944, quelques mois seulement après la mort de notre Étienne. Mais je sais que c’est le chagrin qui l’a tuée […]. En temps de guerre, il n’y a pas que les obus et la mitraille qui blessent et tuent, et bien des victimes sont atteintes loin des champs de batailles, emportées comme Madeleine et sa mère par d’autres blessures. » (p. 192)
- Narrateur participant, Elphège Cormier, racontant des souvenirs de jeunesse, très souvent sous forme de longs monologues intérieurs.
« Il y a longtemps que je me suis attardé ici pour la première fois, mais je me souviens bien de l’année et de l’occasion. C’était sur un autre pont, en madriers de bois celui-là, celui d’avant la Première Guerre. » (p. 11)
« Je connaissais bien le passage entre Halifax et Moncton, l’ayant parcouru à plusieurs reprises depuis mon affectation à l’État-major du district militaire six mois plus tôt, au printemps 1917. » (p. 38)
« Craignant d’être appelé pour le service obligatoire et envoyé directement en Europe, il avait choisi de devancer la conscription et de se porter volontaire en demandant d’être affecté à un quelconque poste d’état-major à Moncton, ou au pire à Halifax. » (p. 119)
- Personnages secondaires nombreux, décrits simplement, tous liés à la vie professionnelle, sociale ou intime du personnage principal.
« C’était le même personnage que j’avais vu [Elphège] la dernière fois à Halifax, six mois plus tôt, au départ du bataillon : même visage bien rasé, même verres de professeur, même uniforme impeccable, même allure de frère religieux. Il semblait préoccupé toutefois, presque gêné de me voir.
– Je vais bien, mon colonel. » (p. 57-58)
« Le curé était un homme d’une quarantaine d’années, au visage robuste, bien rasé, grisonnant aux tempes; un homme de taille moyenne aussi, un peu bedonnant dans sa soutane noire. » (p. 78)
« La porte de la maison s’ouvrit au même instant et une jeune femme sortit sur le perron. Le souvenir de ce moment est gravé dans ma mémoire. La jeune femme avait les traits délicats de son âge et la peau encore bronzée de l’été. Sa chevelure brune frisée lui atteignait le bas de dos. » (p. 90)
- Descriptions imagées abondantes permettant de situer l’action dans l’espace et le temps et de bien ancrer le vécu des personnages.
« La paroisse était une des plus vieilles et donc parmi les mieux établies de la région, et cela paraissait. L’église était bardochée de cèdre elle aussi, la nef haute et carrée avec des clochetons aux quatre coins. Le clocher qui dominait la façade était sans doute le plus élevé de la côte, et le plus orné de boiseries, avec un pignon allongé en pointe, surmonté d’une croix et de clochetons enjolivés, qui devait servir d’amer pour les marins arrivant du large. » (p. 76)
« Le matin suivant se révéla sombre. Le ciel était couvert de nuées basses, grises et opaques. Il pleuvait "des clous", comme on disait encore, les trombes d’eau fouettées par les bourrasques de vent, soulevant en éclaboussures les abondantes mares d’eau qui se répandaient sans cesse sur la terre boueuse, chaque goutte lourde de cette froideur qui pénètre jusqu’à la moelle des os et marque la fin de l’été des Indiens. » (p. 107)
« Ensemble, nous eûmes plus de vingt ans d’heureuse vie de couple, malgré le déchirement ressenti lorsque la Grande Dépression détermina notre déménagement aux États-Unis, et jusqu’à la mort de notre fils, pour laquelle j’ai le sentiment que Madeleine ne me pardonna jamais. » (p. 191)