- Roman décrivant de nombreuses relations humaines nouées, dénouées et renouées au fil du temps, l’intrigue passant au second plan.
« En rentrant chez nous, j’ai pris conscience qu’une vie sans Mirka s’étendait devant moi. Ce n’était pas la première fois qu’elle nous quittait. Cette fois, la fugue était définitive. » (p. 11)
« Avant la venue de Mirka, je rêvais de vacances perpétuelles : une fois l’âme sœur descendue du ciel, je ne serais plus seule. Or l’enchantement s’était mué en une vague déception que je me refusais à reconnaître. » (p. 20)
« Papa s’est avancé. "Écoute, si tu crois qu’il existe un endroit, une famille où tu serais plus heureuse qu’ici, dis-le-nous, on en discutera. Quant à retourner dans ton pays, tu sais que c’est impossible maintenant, mais quand la guerre sera finie, parce qu’elle va finir un jour cette maudite guerre, on va t’aider à retrouver les tiens, je t’en fais la promesse. En attendant, tu n’as pas d’autre choix que de rester en Amérique. Sache que nous autres, on t’aime, même si c’est pas facile tous les jours. […]" Maman a caressé le bras de Mirka à nouveau. » (p. 27-28)
« D’ailleurs, Alex aurait-il accepté que sa jeune épouse se balade en pays lointain avec Dieu sait qui, au lieu d’accueillir son bien-aimé fourbu et affamé à la fin de sa longue journée de travail? Je n’en revenais pas de voir Mirka, si volontaire, se soumettre à ses diktats avec un regard adorateur. Je ne voudrais pas noircir Alex. Son côté autoritaire était soutenu par les mœurs de l’époque et la tradition européenne. La plupart des garçons de notre âge prévoyaient épouser une ménagère accomplie qui évoluerait en mère dévouée. Alex s’attendait à beaucoup de la part de sa femme, mais il lui rendait son amour, lui achetait des roses à leurs anniversaires, des bijoux à un coût au-dessus de son budget… » (p. 94)
- Récit se déroulant de 1940 à 2008, ayant comme trame de fond principale la Deuxième Guerre mondiale.
« C’est à cause de cette guerre que, par un jour d’été de l’année 1940, ma courte vie a connu un tournant irréversible. Ce jour-là Mirka est venue vers nous, tête basse, le long d’un quai de gare, et a bousculé la tiède existence d’un triangle heureux : papa, maman et moi. » (p. 13)
« Figurez-vous que, enfin! enfin! enfin! les Tsiganes vont avoir leur mémorial à Berlin, le fameux projet dont je vous avais parlé et qui traîne depuis des années… Il est temps, après 60… C’est pas la peine de compter. Le coup d’envoi vient d’être donné, l’inauguration est prévue pour l’été. […] Ce n’est pas une tombe, mais c’est un lieu où, enfin, le martyre de ma grand-mère, de mon grand-oncle, de mes cousins, de mon grand-père sera reconnu. Maman serait heureuse… » (p. 207-208)
- Deux personnages principaux, Mirka, enfant belge reçue au Canada en temps de guerre, et Marion, sa sœur par adoption; nombreux personnages secondaires, amis et membres de la famille des deux jeunes filles jouant un rôle dans leur vie à différentes époques.
« Robert est arrivé peu après, suivi de Sophie. Enfin Martin est apparu; il tenait la main de Liane qui a demandé si sa grand-mère dormait. Nous avons formé une couronne autour de Mirka : son compagnon Martin, sa fille Clara et la petite Liane, sa nièce Sophie, Robert et moi, Marion, la sœur que les aléas de son enfance lui avait donnée. On n’entendait que nos sanglots. » (p. 9-10)
« Après les funérailles de Lisette, j’ai donc décidé de renouer avec ma race en me rapprochant de ceux qui avaient accueilli maman dans son désarroi. J’ai exposé mon projet à Rosario, qui a tenté de m’en décourager. Il était difficile de passer brusquement d’un monde à l’autre. Lui, il avait fait le saut à quatorze ans, un âge malléable, et puis Eddy avait ouvert la voie. Pour ce qui était de maman, ses motivations étaient complexes… […] Il n’était pas sûr qu’elle se soit sentie vraiment chez elle parmi les Tsiganes. » (p. 177)
- Œuvre comportant plusieurs points de vue de narration : trois narratrices participantes, parfois par le biais d’une lettre écrite, et un point de vue omniscient, ici et là dans l’œuvre.
Marion :
« Quel remous crée la mort? L’hiver a été long, ni plus ni moins que chaque année, les lilas ont embaumé au printemps, les dernières roses s’attardent, nous avons mangé au jardin tout l’été, heureux d’accueillir souvent nos enfants » (p. 12)
Mirka :
« Te souviens-tu, Marion, de mon second départ vers la Belgique de mon enfance? Vous faisiez semblant d’oublier ma fugue, mamichou m’inondait de conseils. Vous étiez conscients qu’il s’agissait d’un voyage de devoir et de fidélité : j’accourais tenir la main de tante Lisette qui se mourait. » (p. 172)
Clara :
« Vous serez surpris peut-être si je vous avoue que l’expérience vécue à Auschwitz-Birkenau ma éclairée et aidée à situer mes actions éparses dans une… démarche… – n’ayons pas peur des grands mots -, dans une vocation qui, tout en cristallisant mes aspirations profondes, se fonde sur un passé qui remonte à plus loin que moi. » (p. 192)
Point de vue omniscient :
« Depuis surtout qu’elle a failli perdre Robert, sans qui elle ne conçoit pas persister à vivre, depuis qu’elle surveille l’élasticité de son pas et le timbre de sa voix, qu’elle reste à l’affût de chaque faiblesse, depuis qu’elle-même s’essouffle à un rien et s’écrase de lassitude le soir, Marion est devenue profondément consciente de la fragilité qui l’entoure. » (p. 205)