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Un alligator nommé Rosa

Un coin perdu du sud de la France, entre la mer et la montagne. C’est pourtant Haïti qui est au cœur de ce roman où les dialogues prennent des allures de soliloques et où les procès n’ont pas lieu devant jury. Implacablement, Marie-Célie Agnant provoque des rencontres entre un bourreau et sa victime, entre une femme et un homme, un tête-à-tête d’où personne ne sortira indemne.

Des années après la mort du dictateur, les blessures sont toujours aussi vives. Pour les panser, certains ont choisi l’exil, d’autres, l’oubli. Chaque fois, il faut partir, partir pour un ailleurs qui est souvent en soi. Mais la mémoire veille, brûlante. Alors, il faut parler, dire la douleur, retrouver les mots. C’est ce que fera Antoine, espérant enfin trouver la paix au terme d’une longue errance.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

 

À propos du livre

Contenu

  • Trois personnages principaux, liés par le régime cruel qu’a subi Haïti sous un dictateur tyrannique, dont deux qui évoluent, Antoine et Laura, ainsi que Rosa, qui, bien que passive dans l’œuvre, constitue l’objet de la quête des deux autres.

    « – Comme tu le sais, Antoine Guibert était l’un des meilleurs journalistes de son époque, plume caustique et précise. J’ai donc été choisi pour mes aptitudes à écrire, et aussi mes trois années d’études de médecine. » (p. 55)

    « Je connais les circonstances qui ont conduit à ton embrigadement, Rosa Bosquet, nous allons donc conter, dans le menu détail, ton ascension jusqu’à ton couronnement comme reine des fillettes-lalos. […] Rosa Bosquet n’avait pas trente ans, lorsque débuta sa carrière de tortionnaire aux casernes Dessalines et au Fort-Dimanche. » (p. 78)

    « La première fois, la toute première fois où elle se réveille chez Rosa, Laura est à la veille de ses sept ans. » (p. 142) 
     

  • Intrigue entrecoupée de retours en arrière qui permettent de comprendre la situation actuelle des personnages ainsi que la nature de la quête d’Antoine et de Laura.

    « 1960, Haïti brûle d’une fièvre qu’aucune eau d’aucun fleuve ne parvient à apaiser. Ceux qui gravitent dans les coulisses du pouvoir semblent animés d’une énergie soudaine, qui les enivre et les pousse à commettre les actes les plus barbares pour s’attirer les bonnes grâces du nouveau président… » (p. 79)

    « On n’a qu’une vie. La mienne est déjà assez hypothéquée. Je l’ai passée à essayer de débusquer l’être humain chez Rosa, j’ai perdu mon temps. […] Le passé, c’est le temps mort. Rosa rejoindra bientôt ce temps-là. Une fois qu’elle aura fermé les yeux, j’aurai définitivement tourné la page. » (p. 129)

    « Maintenant qu’il a retrouvé son bourreau, qu’il vit reclus avec elle dans la même maison, respirant le même air, dormant au pied de son lit, maintenant qu’il a la certitude que ce bourreau jamais n’exprimera le moindre regret, que va-t-il faire? » (p. 157)
     

  • Narratrice omnisciente qui dévoile, dans ses descriptions, les sentiments et les états d’esprit des personnages.

    « Il se met à penser à Laura, et se sent plein d’une profonde compassion à son égard. Un pli triste et amer lui barre le visage alors qu’il se demande si elle espère de sa réclusion sur ce pic rocheux, ce Nid d’aigle, tel qu’on surnomme Gourdaix, qu’elle lui apporte la paix? » (p. 25)

    « Le voilà pris d’un tremblement fébrile. Je ne devrais pas? questionne-t-il, s’adressant à un autre lui-même. Non, Antoine, se répond-il, tu sais bien que tu ne dois pas. » (p. 28)

    « Antoine répond à peine, et Laura se dit que lui non plus ne restera pas longtemps. » (p. 43)

    « La Gorgone chauve brame, les yeux injectés du rouge de la peur mêlée à la haine. » (p. 61)

Langue

  • Registre courant dans l’ensemble de l’œuvre.

    « Entre doutes, incertitudes et ce qui se présente comme un devoir impérieux, ce face-à-face avec Rosa, Antoine se rend compte qu’il lui faut se mettre des brides, retenir de toutes ses forces une armée de spectres, qui le talonnent, réclament, commandent avec une ardeur opiniâtre un châtiment à la mesure des crimes de Rosa Bosquet. » (p. 28)

    « Étrange, ce hululement : une orfraie? » (p. 39)

    « J’étrennais un fistibal, un lance-pierre tout neuf et je me réjouissais à l’idée de rapporter à la maison deux ou trois de ces oiseaux pour montrer à mon père que je méritais bien ce cadeau. » (p. 87)
     

  • Procédés syntaxiques (phrases de longueurs variées) et figures de style (comparaison, métaphore, énumération) qui illustrent bien les émotions des personnages.

    « Terrifié, il sent qu’il se noie, assiste, impuissant, à son enlisement dans le sable brûlant des souvenirs. » (p. 31)

    « Gelées, compotes, marmelades, mélasse, miel, confitures, sirops, tout, absolument tout, sucre en grain, sucre en poudre, sucre liquide ou en cube, tout y passera. Tu seras enrobée de la tête aux pieds et je te laisserai là, abandonnée, ensevelie dans ta couche sucrée avec les fourmis et autres bestioles… » (p. 98)

    « …là, juste au bord de tes paupières fripées, quelque chose brille; c’est cristallin, clair, limpide comme des gouttes d’eau. » (p. 109)

    « Le vent se lève. Les branches des arbres s’agitent avec fureur, comme si elles voulaient quitter le tronc, leur source, pour s’affranchir. La nuit s’annonce. Laura se laisse tomber sur un banc. Un chien s’approche et renifle partout. Il ne fait pas attention à Laura, il s’en va. La nuit sera bientôt là. Elle a marché tout le jour en quête d’une réponse, d’une consolation qu’elle ne trouvera nulle part. » (p. 154)
     

  • Lexique évocateur des différents thèmes présentés dans l’œuvre (p. ex., abus, meurtre, torture.)

    « Je suis ici pour te faire expier tous tes meurtres crapuleux, même celui du pauvre chiot de Mélanie, écrabouillé sous tes talons! » (p. 59)

    « Et celle-ci, c’est ta création : Ruth Emeri, deux années plus tard, défigurée, brûlée au vitriol parce qu’elle eut le malheur d’être courtisée par trop d’hommes… » (p. 97)

    « Nous étions, Béatrice et moi, et toutes les autres femmes, violées par les hommes, non pas les prisonniers, ils n’en avaient pas la force, mais, du plus haut gradé jusqu’au moindre troufion, presque tous ont abusé de nous. » (p. 170)

Référent(s) culturel(s)

  • Repères de la francophonie internationale : France (Nice, Marseille, Paris, Gourdaix) et Haïti.

    « Elle fera passer une annonce dans Le Courrier de Nice ou même dans un quotidien de Marseille, elle versera quatre fois le salaire demandé. » (p. 43-44)

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves de créer un parallèle entre les situations vécues à Haïti au temps de la dictature duvaliériste telles que décrites dans le roman et celles d’autres dictatures rapportées dans les journaux contemporains.
  • Inviter les élèves à visionner un film ou un documentaire ayant pour sujet des atrocités semblables à celles mentionnées dans le roman (p. ex., Un dimanche à Kigali, J’ai serré la main du diable).
  • Demander aux élèves d’effectuer une recherche sur l’histoire d’Haïti.

Conseils d'utilisation

  • Faire une mise en contexte avant la lecture du roman en rappelant la nature du régime Duvalier en Haïti.
  • Aviser les élèves que cette œuvre aborde des sujets délicats qui pourraient déranger, tels la torture, le viol, le meurtre, la vengeance.