- Roman psychologique opposant et réconciliant à la fois deux personnages de générations différentes dans une résidence pour personnes âgées : monsieur Salim, quatre-vingt-treize ans, compensant sa solitude par ses rêves de jeunesse, et Hassan, délinquant de vingt-trois ans, appelé à prendre soin de monsieur Salim pour payer sa dette à la société.
« Heureux sommes-nous de posséder de beaux souvenirs; arrivés à un certain âge, on n’a plus le temps de s’en forger de nouveaux. On puise dans la réserve infinie, triant l’agréable de l’amer, le pur du trouble. » (p. 38)
« – Nous ne sommes que des humains. Qui peut juger? […] Nous chutons tous un jour, dit Salim d’une voix posée. […]
– Jamais je ne serais entré dans cette maison. Résidence des joyeux marronniers! […] Il manque un peu de lumière. Non, au départ, ce n’est pas mon genre. » (p. 49)
« – Moi, je suis fils unique et vous voyez, j’ai mal tourné. […]
– …On fait le malin, on joue les durs, fréquente les mauvaises personnes, devient allergique aux études, on se croit le maître du monde, on a la vie devant soi, la santé, on ne se rend même pas compte. » (p. 51)
« Pourquoi me battre, si lui, qui a l’expérience de la vie, qui a souffert, baisse les bras? Grand-père, quand tu ne souris plus, quand tu abandonnes, c’est moi qui flanche. » (p. 109)
- Portrait typique d’un milieu pour personnes âgées, dégageant l’atmosphère dans laquelle baignent les personnages.
« – Attendez que je replace votre bavette. Allez, ouvrez la bouche. Non, plus grande, s’il vous plaît.
– Je fais ce que je peux, je n’ai pas faim. Ce n’est pas bon. » (p. 16)
« Ce que je veux, c’est vivre maintenant, avoir des forces, être libre, solide, en bonne santé! […] Cette vie de régiment, de pensionnat, me dégoûte. » (p. 33)
« Les journées, les nuits, les matinées se ressemblent; toujours les mêmes visages, commérages […]. Dehors, les gens vaquent à leurs occupations, nous, nous sommes déjà dans un autre monde, hors du temps. » (p. 71)
- Thème du vieillissement abordé avec tendresse, douceur, compassion.
« Puis, Hassan décela une étrange beauté chez monsieur Salim, de la douceur. Les mots, il les choisissait, les prononçait d’une voix à peine perceptible. C’était aussi comme un enfant, on avait envie de le protéger. » (p. 47)
« On pense parfois que je joue la comédie. Non, je ne peux agir autrement. Je désire manger, marcher, sourire! L’avenir est impossible, le présent, j’essaie de l’accepter, de l’endurer, mais ce que je possède de beau se niche dans mon passé. » (p. 96)
« Salim pleurait. Il était devant la porte à Meknès, tout recommençait, à l’inverse cette fois. Ces adoptants pouvaient être ses petits-enfants. Deux jeunes devant lui, et lui n’était pas un nourrisson, il était à l’autre bout de sa vie, et pour une deuxième fois, on allait l’adopter! » (p. 130)
- Deux narrateurs participants : monsieur Salim, dans son quotidien et dans ses rêves, puis Hassan, qui constate que Salim, après un séjour à l’hôpital, se laisse aller; quelques coupures quasi imperceptibles dans le texte par un narrateur omniprésent pour dresser le passé d’Hassan et de sa famille, présenter les personnages secondaires (Gracibella et Julie), s’imprégner du quotidien et conter le dénouement.
« Je note mes pensées dans un livre invisible. Ce livre, je le dicte à moi-même et je m’y réfugie lorsque trop d’ennui ou de peine m’assaillent. Il se nourrit de mes souvenirs, y reviennent souvent le Maroc et, surtout, mes années d’enfance dans mon pays de soleil… » (p. 11)
« Il était dans ses petits souliers, Hassan, lorsqu’il se rendit à la convocation du juge. Sa mère avait tenu à l’accompagner, son père se déclara trop malade. Son immigration en France, ses efforts, son honneur étaient balayés par cette insulte à son nom et elle venait de son fils. » (p. 43)
« Je me suis dévoué pour cet homme que j’admirais. Je l’ai encouragé dans sa lutte, sa rééducation, maintenant il se laisse glisser. Pourquoi devrais-je stimuler son désir de vivre, s’il n’y croit pas au fond de lui? » (p. 109)
« Les visites d’Hassan se poursuivirent durant des mois. Salim mangeait de meilleur appétit, était enjoué […] Il finit par remarcher seul, très lentement, avec sa canne. » (p. 137)