Contenu
- Personnage principal, monsieur Salim, vieillard de quatre-vingt-treize ans, qui vit à contrecœur dans une résidence pour personnes âgées.
« La résidence n’est qu’un pensionnat pour vieillards. On nous sort un peu, nous parque de nouveau, nous bourre de médicaments. Les sorties les plus longues sont celles que nous effectuons vers les hôpitaux, les rendez-vous médicaux, qui sont source d’angoisse et de fatigue. On dort mal, comme lorsqu’on appréhendait les examens, les compositions et concours. Enfant ou adulte, il fallait absolument réussir, vieux, on échoue. Certaines personnes abandonnent, se laissent glisser, dériver, je les comprends. » (p. 126-127)
- Personnages secondaires, Gracibella, une aide de vie travaillant à la résidence de monsieur Salim, qui lui offre des paroles réconfortantes et encourageantes, Hassan, un jeune délinquant contraint d’effectuer des heures de service communautaire à la résidence, et Julie, la petite amie de Hassan, qui développe un lien particulier avec monsieur Salim.
« – J’admire votre patience, Gracibella.
– Vous êtes attachant, monsieur Salim. Tout le monde vous aime.
– Moi, je ne m’aime pas ici.
– Que voulez-vous?
– Retourner chez moi!
– C’est impossible.
– Hélas. » (p. 16)
« Il était dans ses petits souliers, Hassan, lorsqu’il se rendit à la convocation du juge. […] Lorsque le juge lui demanda sèchement s’il avait quelque chose à ajouter, Hassan, d’une voix à peine audible déclara :
– J’ai fait des bêtises. Donnez-moi une chance de m’en sortir.
– Votre chance, jeune homme, la voilà. Vous êtes astreint à des travaux pour les collectivités, pendant une période de trois mois. » (p. 43)
« – On ne vous laissera pas tomber, affirme Julie en lui serrant la main.
Salim essuie une larme.
– Monsieur Salim, je pense que je vais vous adopter.
– Adopter, Julie?
– Oui, adopter!
[…]
– On vous aime, tout le monde vous aime, monsieur Salim.
– Arrêtez, je vais encore pleurer!
– Non, vous êtes un bon monsieur, vous êtes attachant. En fait, ce n’est pas cela, voulez-vous nous adopter?
– Pardon?
– Monsieur Salim, voulez-vous que nous soyons un peu votre famille, vos amis? » (p. 129-130)
- Roman psychologique opposant et réconciliant à la fois deux personnages de générations différentes dans une résidence pour personnes âgées : monsieur Salim, quatre-vingt-treize ans, compensant sa solitude par ses rêves de jeunesse, et Hassan, délinquant de vingt-trois ans, appelé à prendre soin de monsieur Salim pour payer sa dette à la société; intrigue marquée par de nombreux retours en arrière, sous la forme de souvenirs de monsieur Salim; thèmes (p. ex., vieillesse, isolement, mémoire, adaptation) aptes à capter l’intérêt du lectorat visé.
- Mise en page aérée; texte réparti en 9 chapitres titrés; éléments graphiques (p. ex., symboles indiquant un laps de temps ou un changement de scène, guillemets, italiques) qui facilitent l’interprétation du roman; remerciements et dédicace au début de l’œuvre; notes biographiques sur l’auteur au rabat de la première de couverture; table des matières et liste d’œuvres de la collection à la fin; liste des publications de l’auteur sur le rabat de la quatrième de couverture.
Langue
- Registre de langue généralement courant, ponctué d’une langue familière dans les propos d’Hassan, typique d’une éducation laborieuse; mots moins connus (p. ex., sépultures, nécropole, pitance, pérégrinations), plusieurs mots à consonance maghrébine, propres au pays d’origine des personnages principaux (p. ex., oued, souk, médersa, mihrab, muezzin, casbah), quelques mots anglais (p. ex., ticket, business) et quelques mots familiers typiques de l’Europe française (p. ex., secouer le cocotier, fringues, fric, bézef, mec) généralement compréhensibles à l’aide du contexte.
- Phrases à construction particulière, phrases transformées et phrases de base; nombreuses phrases exclamatives et interrogatives soulignant la frustration et l’isolement que ressent monsieur Salim.
« Tant de solitude épuise les nerfs. Des bruits courent dans la résidence : un monsieur se serait enlevé la vie. Dès que l’on prononce son nom, tout le monde se tait. On ne me dit rien, c’est peut-être contagieux. J’ai bien entendu l’ambulance, mais on aurait pu faire venir les pompes funèbres, ²on dit² qu’il était mort depuis plusieurs heures. Officiellement, on ne meurt pas ici. Comment s’est-il suicidé? Motus. Il ne faut pas donner des idées aux autres. » (p. 21)
« Incroyable, l’aide de vie prétend que « je joue au malade, que je n’ai rien ». Si : une extrême vieillesse! « Vous vivrez jusqu’à cent ans ou davantage! », mais je n’en ai rien à fiche! Ce que je veux, c’est vivre maintenant, avoir des forces, être libre, solide, en bonne santé! « Et je n’ai rien! », mais qu’est-ce qu’il lui faut? Pourtant, elle est si gentille avec moi, si serviable, si utile. Je me fâche contre celle qui me rend le plus de services. Oui, elle est payée, mais ce qu’elle fait, je n’aurais pas été capable de l’accomplir. Cela m’attriste de me heurter à elle. Cette vie de régiment, de pensionnat, me dégoûte. Voilà, c’est dit dans mon livre invisible; heureusement qu’il n’est pas tangible, cela engendrerait des cataclysmes ici! » (p. 33)
- Nombreux procédés stylistiques (p. ex., expression imagée, assonance, énumération, répétition, antithèse, personnification, hyperbole, comparaison) qui permettent d’apprécier le style imagé de l’auteur.
« Plus rien ne tournait rond chez cet enfant. » (p. 24)
« Cet homme vendait de tout, savait tout, voyait tout, on lui disait tout et, telle une radio de quartier, il répétait tout. » (p. 24)
« Maintenant que mes parents ont rejoint l’infini, le pays que l’on porte tous en soi, le même pour tous, pays sans passeport, sans carte d’identité, sans lois, sans soucis, le pays d’où nul n’est revenu, ce pays qui est le nôtre pour l’éternité, maintenant, je suis plus que jamais et comme au début de ma vie, orphelin et apatride. » (p. 39)
« Je négocie avec le Très-Haut pour qu’il se penche sur son très-bas! Quelques semaines, quelques jours, quelques heures, pour encore et encore absorber de cette vie qui s’obstine à couler dans mes veines usées. » (p. 68)
« Ici, plus haut dans la montagne, des peupliers bavardent dans la brise. Des rivières à l’eau claire fredonnent en caressant les prairies verdoyantes. » (p. 73)
« Chevaux de prince, prince des chevaux, terre de mille et une merveilles, pays de mon enfance, tu effaces ma peine. » (p. 74)
« L’orateur parle doucement et, malgré le tintamarre de la place, les mots sortent ronds comme des fruits gorgés de jus, et moi qui comprends à peine cette langue, je m’abreuve à sa source. » (p. 75)
- Prédominance de séquences narratives et descriptives qui précisent le temps et le lieu de l’action et aident à suivre le fil des événements; séquences dialoguées qui révèlent les traits de caractère des personnages et permettent de comprendre les relations douces et respectueuses tissées entre les personnages.
« L’automne sur les bords de la Marne, en amont du pont de Charenton, a une douceur insoupçonnée pour les Parisiens centraux. Les courbes langoureuses de la rivière offrent des panoramas verdoyants qui vous conduisent à la rêverie, à l’évasion. À quelques minutes de l’opéra, de la Bastille, des Champs-Élysées, on se trouve dans un cadre de verdure apaisant. Le long d’un méandre, passé le pont de Joinville, Hassan pousse le fauteuil roulant de Salim sur le trottoir ombragé.
– Que deviendrai-je, lorsque tu auras terminé tes travaux forcés?
– Je ne pige pas votre question, monsieur Salim.
– Après ta « pénitence », tu me laisseras tomber.
– Qu’est-ce qui vous conduit à penser cela?
– Ce serait normal, tu es jeune, je ne te vois pas perdre ton temps avec un vieux croûton comme moi.
– Je n’ai jamais perdu mon temps en votre compagnie, au contraire. » (p. 124)