Solstices
« Je dois te dire que j’écris ceci sur mes genoux, je ne sais pas si tu sais, l’avion va partir dans quelques minutes et je ne verrai plus tes yeux pour longtemps, ni ton corps non plus, il fait froid et la buée sort des bouches et la fumée des tuyaux d’échappement et je m’ennuie déjà de toi, de ton visage dans ce grenier, sur cette rue où le temps continue de s’enfuir comme une peur qui ne démord pas, mais tout ça c’était il y a longtemps, il me semble, j’ai peine à m’en souvenir, aide-moi, il ne me revient rien, c’est à peine si j’en reviens et j’ai perdu ton adresse, je l’ai échappée dans la fragilité numérique de cette époque qui n’est plus la nôtre et je ne sais plus sur quelle rue et dans quel froid je suis retourné beaucoup plus tard dormir près de toi mais tu étais déjà si loin et le vent avait mangé ton emploi du temps et tout ça c’est du passé, je le sais, et la peine n’est pas pressée de s’en aller. »
(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)