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Anatomie de la fiche Anatomie interactive
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2Se taire

Il y a seize ans, Alexandra a quitté son village en disgrâce. Tout comme Cassandre, elle avait le don de prophétie mais la terrible malédiction qu'on ne la croit jamais. Son départ a laissé un trou béant. 

Sa tante Marguerite a cherché à le combler en fondant un culte voué à sa mémoire. La jeune adolescente, Christine, rêve au retour d'Alexandra, « l'oracle qui dérange », la « statue géante dorée » partie le jour de sa naissance.

Aujourd'hui, Alexandra rentre, épuisée, au bercail. Celle qui, à l'époque, troublait par ses visions ne dit plus rien. Aphone, elle inquiète d'autant plus les villageois. Pourquoi être revenue après seize ans? Que cache-t-elle de si terrible qu'elle n'en dit rien?

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

3 À propos du livre

Contenu

  • Trois personnages principaux féminins (Christine dite Alex, Alexandra et Marguerite) ainsi qu’un Chœur des Silencieuses, s'exprimant principalement dans de longues tirades et dont les réactions restent généralement vraisemblables; quelques personnages secondaires dont on entend parler (p. ex., le père d’Alex, Donald, l’acolyte du père, des élèves de la classe d’Alex), mais qu’on ne voit ni n’entend sur scène.

    « Personnages
    Christine, dite Alex, 16 ans
    Alexandra, fin trentaine ou début quarantaine
    Marguerite, dite la Prédicatrice, soixantaine vigoureuse
    Chœur des Silencieuses, seize femmes de 50 à 80 ans » (p. 13)

    « Arrive Alexandra; elle a quarante ans bien fatigués. Elle porte le poids du monde sur ses épaules. Le poids de ce qu’elle devra accomplir. Depuis des mois, elle ne ferme plus l’œil. Des rêves troublants l’éveillent et lui rappellent qu’elle ne pourra pas fuir ses origines à tout jamais. » (p. 15)

    « Je te dérangerai pas longtemps. Je voulais me présenter. Tu me reconnais? Je m’appelle Alex… pour tout le monde sauf mon père. Il m’a nommée Christine. J’haïs ça. Je voulais un nom qui dérange, un nom qui rappelle mes origines, un nom qui rappelle la mort de ma mère et ma naissance associée à ton silence, à ton exil. » (p. 26)
     

  • Thèmes de l'aliénation, de la hantise, de la révolte, de l'exil et du retour, conférant aux personnages une profondeur et rendant leur vécu dramatique.

    « T’es partie à peu près au moment où je suis née. T’avais vingt ans. T’es partie sous le voile de la honte. À cause des présages, mais peut-être que c’était un prétexte… » (p. 35)

    « Qu’est-ce que je [Christine dite Alex] vais devenir? Je suis pas à ma place, ici. Mon pauvre père a essayé, mais c’est pas parce qu’il m’a essuyé la morve au nez puis qu’il m’a torché le cul qu’il me connaît. Il sait rien de ce que je suis. Il connaît rien à ce que je veux devenir. Je suis toute seule. » (p. 39-40)

    « Tu nous vois, errant, toutes les trois?
    Mon exil a été terrible puisque imposé.
    Mon retour est pire encore : je vous ai ramené les horreurs que je voulais vous éviter.
    Ce retour m’enlève ce qui me distinguait.
    Je ne suis plus rien.
    Nous ne pouvons plus rester ici.
    Nous serons bientôt intolérables pour les villageois. Nous sommes des épaves qu’il faut lancer au loin. » (p. 74-75)
     

  • Didascalies en italique, très nombreuses mais nécessaires à la compréhension de l'intrigue, des pensées et actions des personnages ainsi que des lieux de l'action.

    « Ce qu’elle veut plus que tout : revoir la petite Christine, la fille de François, celui qui l’a exilée. Christine est née l’année de son départ il y a seize ans. Qu’est-elle devenue? Connaît-elle-même l’existence de celle qui avait prédit la mort de sa mère; de celle qui avait prédit ce premier malheur? » (p. 17)

    « Alexandra, qui a déjà entendu ces propos, comprend enfin que c’est sa tante qui nargue son sommeil depuis des années. Elle enrage. Elle voudrait protester. Gueuler. Pourtant rien ne sort. Elle s’agite. » (p. 54)

    « Repart Alexandra, accompagnée de sa tante Marguerite et de cette fille par qui la naissance l’avait exilée la première fois. Les Silencieuses n’ont pas le courage de les suivre sur la route de l’exil. Elles resteront et seront affranchies de leur vœu de silence. Elles manieront la parole avec délectation et raconteront, chacune à sa façon, le récit des trois éclopées errant sur les routes, ne sachant plus revenir, seulement partir. » (p. 75)
     

  • Mise en scène originale, découlant d'une intrigue symbolique et psychologique, intégrant des éléments du théâtre avant-gardiste et de l'Antiquité.

    « Temps. Elles regardent toutes cette femme. Alexandra les reconnaît. La Prédicatrice et le chœur mettent un moment avant de comprendre qui se trouve devant elles. » (p. 22)

    « Alexandra s'est éloignée de La Prédicatrice, elle ne sait plus comment l'arrêter. Les Silencieuses interprètent son désarroi comme le résultat de la transmission de sa vision à la Prédicatrice. » (p. 55)

    « Émerge Alex, immobile, transie, debout, une langue sanglante à la main. Ses avant-bras sont recouverts de sang. Elle assiste à une vision d’horreur qu’elle seule peut voir. » (p. 73)

Langue

  • Registre de langue principalement courant, accompagné des registres familier et soutenu dans quelques extraits ainsi que des mots en italien dans certaines répliques et didascalies.

    « Mettre fin aux exordes, aux ululements indécents de cette prédicatrice qui prêche en son nom un avenir terrible. Taire celle qui, par son infecte logorrhée, transforme à chaque énoncé l’avenir des siens, le soumettant à des fantasmes destructeurs. Redonner place au murmure rassurant et bénin du village. » (p. 17)

    « Je te gage mille piastres que, dans quelques minutes, le téléphone va sonner. » (p. 32)

    « "Que faire avec la petite bambina? On la laisse auprès du gentil maire rétrograde. Elle viendra nous rejoindre quand elle sera grande. À plus tard, mi bella!" » (p. 35)

    « Je remarque le doute dans vos regards. Giselle, je sais que tu doutes. Que tu te demandes pourquoi continuer, si c’est pour être ignorée par celle pour qui nous avons tout abandonné. Le doute raffermit la foi. Sans lui, on ne peut pas vraiment croire, on suit bêtement. » (p. 54)
     

  • Figures de style nombreuses (p. ex., métaphore, répétition, comparaison et énumération) permettant au lectorat de mieux se représenter les pensées et émotions des personnages.

    « Alexandra la prophétesse; Alexandra la silencieuse. Je sais plus ce que j’avais imaginé. Une géante sans doute. Une géante de bronze; non, d’or! La sculpture vivante, éclatante, scintillante d’une revenante, de l’enfant prodigue devenue adulte, statufiée. » (p. 25)

    « Je suis peut-être comme la Vierge Marie? Comment on dit ça encore : l’Immaculée Conception? » (p. 42)

    « Y a-t-il des volontaires? Qui d'entre nous sera la plus courageuse, la plus engagée, la plus fidèle à l'exemple d'Alexandra? Qui aime le village, qui aime les siens? » (p. 56)
     

  • Langage caractérisé par des phrases de structures variées et très ponctuées, soulignant l'urgence et la confusion du monde de la pièce.

    « Chut, ma belle. C'est terminé. Viens ici dans mes bras. Ce n'est plus la peine de t'énerver. Ta tante Marguerite va s'occuper de toi. Je vais te protéger des calomnies, des mécréants. Je vais te protéger. Prendre soin de toi. Calme-toi. Tu as fait un long voyage. Tu dois être épuisée. T'es rentrée chez toi, ma belle, on t'attendait. » (p. 56)

    « Qu'avait-il à se reprocher pour ainsi la renvoyer? Quel lien y avait-il avec la petite Christine? Était-elle destinée, elle aussi, à de grandes choses si Alexandra restait? La petite a-t-elle un destin plus grand que celui que lui réserve son père? Faudra-t-il la protéger de la présence néfaste de son père? » (p. 66)

    « ALEXANDRA
    parlant avec difficulté après tant d'années
    Je ne.
        Vois plus.
        Rien.
        C'est magnifique.
        C'est terrifiant.
        Tu as bien fait, Alex…
        Elle t'aurait arraché la langue. C'était la tienne ou la sienne… » (p. 73)

Référent(s) culturel(s)

  • Référents retrouvés dans la préface, où la pièce est comparée à d'autres œuvres de la dramaturgie franco-ontarienne, notamment Lavalléville d’André Paiement, Le chien de Jean Marc Dalpé et French Town, de Michel Ouellette, qui est l’auteur de la préface (p. 7-12).

Pistes d'exploitation

  • Inviter les élèves à créer des extraits musicaux que le Chœur pourrait chanter ou jouer dans certains extraits de la pièce, à la manière du théâtre de l’Antiquité grecque.
  • Demander aux élèves de faire un travail de comparaison entre l’œuvre et l’autre œuvre majeure de Louis Patrick Leroux intitulée Rappel.
  • Demander aux élèves d'étudier le rôle de la femme à partir de l'œuvre, étant donné que tous les personnages de la pièce sont féminins.
  • Demander aux élèves d’inventer un personnage à insérer dans une scène de la pièce ou de donner une voix (des paroles) à un personnage qui n’en a pas; les inviter à représenter cet extrait dramatique à la classe.
  • Avant la lecture, commenter le thème « se taire » à l’aide des titres des dix scènes (p. ex., Prétérition : « Moins tu parles, plus j’ai besoin d’en dire », Catharsis : « Faudra-t-il lui extraire cette langue qu’elle manie avec frivolité? », Péroraison : « Tu lui enfiles une camisole de force et tu lui dis de se taire?!? »).

Conseils d'utilisation

  • Réserver cette pièce à un lectorat avisé compte tenu des thèmes abordés et de la complexité de l’œuvre.
  • Lire la préface, le prologue, les notes explicatives qui, à la fin de l’œuvre, mettent la pièce de théâtre en contexte et aident à comprendre les circonstances de sa création, ainsi que le message de l’auteur.
  • Préparer les élèves au genre symbolique de la pièce, qui allie le théâtre avant-gardiste au théâtre de l’Antiquité.
  • Dans la mesure du possible, organiser une sortie avec les élèves au Théâtre de la Catapulte à Ottawa, théâtre qu’a fondé Louis Patrick Leroux, afin de leur permettre d'assister à une représentation théâtrale.