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Rue des érables

Rue des Érables raconte l’histoire de Jean, fils de notaire, élevé au sein d’une famille petite-bourgeoise de Québec durant les années quarante. Tout en nuances, ce roman psychologique d’une rare pénétration propose un portrait fascinant de la société empesée et hypocrite qui dominait alors à travers le regard d’un jeune homme qui cherche à rompre avec ce milieu pour répondre à l’appel du large.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Roman psychologique prenant l’allure d’une confession intime de Jean Lefrançois, personnage principal et narrateur participant, sur sa jeunesse et son adolescence à Québec.

    « J’ai grandi en croyant que c’était vrai. Pas du tout expert en la chose, à neuf ou dix ans, et en pleine période de guerre, je comprenais que la cause avait l’air d’être entendue et que c’était bien comme ça. » (p. 16)

    « Je sais que je suis d’un tempérament réservé et que je n’ai pas la confidence facile; les quelques amis plus proches que j’ai me connaissent assez bien, mais jamais, je crois, je ne les ai laissés entrer dans mon intimité. Il n’était donc pas question pour moi de leur faire part du changement que je ressentais. » (p. 134)

    « Je marchais sur mon orgueil, moi, le grand gaillard tout fier de ses six pieds, qui voulais me croire devenu homme. […] Quand même, Esther Garneau restait belle femme. Elle continuait de m’attirer follement. » (p. 198-199)
     

  • Péripéties découlant de la relation établie entre Jean et les personnages secondaires de son entourage familial et social : son père, sa mère, ses frères et sœurs, sa grand-mère, l’amie de cœur, l’amante, les amis de classe et les enseignants. 

    « Est-il besoin de le dire : mon père était un homme tout à fait comme il faut. Il était notaire et tenait bien sa place dans la société locale. Il était notaire, et selon la tradition, il aurait été normal que je le devienne à mon tour.[…] voulais-je vraiment faire comme papa? » (p. 71)

    « C’était notre secret à nous deux, Ann et moi. Sans jamais nous être concertés, il allait de soi que personne ne devait nous accompagner quand il nous prenait la fantaisie de voguer vers l’île. » (p. 111)

    « Je ne sais trop pourquoi, cependant, cette rentrée différait des autres; le regard que je posais sur mes meilleurs copains n’était plus tout à fait le même, j’éprouvais comme une distance par rapport à eux et ne pouvais me défendre d’un certain jugement critique face à leurs habitudes et aux intérêts très limités qu’ils manifestaient. » (p. 133)

    « Est-ce que c’est ça, le bonheur, l’abbé? Est-ce qu’on est condamné à ne jamais avoir la paix, à ne jamais trop savoir sur quel pied danser, même quand on a l’impression de vivre sur un nuage? […]
    Les yeux de Maxime Fréchette se plantèrent dans les miens.
    "Serais-tu amoureux, Jean?" » (p. 219)
     

  • Nombreux thèmes, dont certains plus délicats, traitant de la société de l’époque et présentés en contexte (p. ex., femme soumise, foi et morale, autorité, société hypocrite). 

    « D’une génération à l’autre, je l’ai compris progressivement, les femmes de la famille – et sans doute celles d’à côté aussi! – devaient éviter absolument de se singulariser : elles rejoignaient la cohorte de leurs mères et de leurs aïeules, elles entraient dans le rang. » (p. 76) 

    « La foi et la morale avaient été définies une fois pour toutes par une Église qui avait établi ce qu’il fallait croire et si bien prévu ce qu’il fallait faire ou ne pas faire qu’on n’avait plus à penser par soi-même; on n’avait même plus à recourir à sa conscience. » (p. 77)

    « Oser mettre en cause l’autorité, se permettre de n’être pas d’accord avec les décisions prises par les autorités qui, elles, savaient ce qui était bien pour nous, c’était faire preuve de mauvais esprit. L’élève qui prenait trop l’habitude de poser des questions, qui ne tenait pas les choses comme allant de soi, portait en lui la graine de la sédition. » (p. 82)

    « Pour les gens bien, il n’y a jamais de fautes; ce sont les autres qui écopent. Je me refusais à admettre cette manière de penser et d’agir, qui était pour moi le comble de l’hypocrisie. » (p. 330)
     

  • Séquences narratives s’entremêlant aux séquences descriptives et permettant au lectorat de s’imaginer les personnages, les habitudes de vie ou les lieux évoqués.

    « Ma grand-mère Lefrançois vivait avec nous, ai-je déjà mentionné. En décembre 1939, plus d’un an après la mort de mon grand-père, elle était venue habiter dans notre maison; elle allait y prendre beaucoup de place. » (p. 41)

    « Mon père était un homme d’ordre, dont la vie m’avait l’air totalement réglée d’avance. Un homme rangé, dont l’emploi du temps ne souffrait aucun écart, n’admettait pas la moindre entorse à un régime aussi prévisible que le tic-tac de l’horloge grand-père qui trônait au salon. » (p. 72)

Langue

  • Registre de langue soutenu, évocateur du cours classique que suivait le narrateur participant, et, à la fois, du milieu bourgeois dont il est issu.

    « Jamais, par conséquent, je n’ai eu à m’expliquer sur l’éclat de mes caravelles à la poupe illuminée ou sur la splendeur de mon palais de doge, d’où je contemplais une mer Adriatique qui n’était aucunement mal à l’aise d’accueillir pêle-mêle tout ce que j’apprenais quotidiennement du monde. » (p. 57)

    « À les voir se pavaner si malhabilement, ces notables aux ongles noircis et aux manières lourdes, ces personnages tout au plus destinés au bas-chœur, on était moins certain de leur vertu; peut-être étaient-ils des pécheurs, ceux-là, au même titre que la plèbe anonyme des fidèles. » (p. 158)
     

  • Plusieurs mots anglais mis en italique, et anglicismes entre guillemets, montrant un narrateur (auteur) soucieux du détail de l’époque; quelques mots latins révélateurs du lieu d’étude du personnage principal.

    « "Money is never a question, when it is for the family" », avait statué papa qui ne dédaignait pas d’émailler sa conversation de phrases anglaises… » (p. 34)

    « De temps à autre, il sautait sur le triporteur pour aller "livrer les ordres" aux gens du village. »  (p. 117)

    « …à l’âge que j’avais, on veut bien être personnel, mais on tient encore beaucoup à son groupe d’appartenance, à sa "gang". » (p. 134)

    « Deo favente, haud pluribus impar, proclamait la devise conjointe de l’Université Laval et du Séminaire. » (p. 168) 
     

  • Figures de style variées et nombreuses, souvent groupées (p. ex., périphrase et métaphore, comparaison et hyperbole, euphémisme, énumération, métonymie), manifestant l’imagination jeune et fertile du narrateur; utilisation considérable de la métaphore filée.

    « Le catéchisme nous avait dit combien il avait fait de bruit pour livrer à Moïse les dix commandements, piliers de la religion, et tous les efforts qu’il avait dû fournir pour que les chrétiens cessent d’être mangés par les lions trop païens du Colisée. » (p. 25)

    « Mes parents l’appréciaient, même s’il avait un défaut des plus agaçants pour eux : il fumait comme une locomotive. À lui seul, il polluait la maison pour des heures. » (p. 31-32)

    « L’abbé Hébert n’était certes pas un intellectuel. » (p. 33)

    « Ballotté par des courants qui prenaient leur source au plus profond de mon ventre, j’étais comme un vaisseau fantôme lancé sur une mer orageuse, cherchant désespérément un port qui l’accueille. La tempête soufflait en moi, charriant des débris de toutes sortes… » (p. 277)
     

  • Passages humoristiques subtils allégeant le texte.

    « J’en reviens à ces jeunes saints dont les images nous poursuivaient dans chacun des locaux que nous fréquentions au Séminaire. Leurs mains jointes étaient là pour nous inciter à ne pas jouer avec notre corps […] nous ne pouvions nous empêcher de les plaindre un peu, ces pauvres types qui s’étaient condamnés à ne jouer qu’avec leur auréole. » (p. 24)

    « …faire montre de son patriotisme en citant le A mari usque ad mare de la devise du Canada, qu’il traduisait avec une belle assurance par "À Marie jusqu’à la mort"… » (p. 68)

Référent(s) culturel(s)

  • Nombreuses allusions à des auteurs de la francophonie québécoise, mais surtout internationale, marque d’un cours classique (p. ex., Hébert, Grandbois, Bernage, Balzac, Flaubert, Hugo, Proust, Stendhal); également, allusions aux écrits québécois de l’époque (p. ex., Revue populaire, L’action catholique, Le Soleil, Le Devoir).

Pistes d'exploitation

  • Inviter les élèves à rédiger trois suites possibles à ce roman, qui se termine par un « peut-être » (p. 342).
  • En prenant comme exemple les funérailles des pages 18 à 20 dans Rue des Érables, demander aux élèves de montrer l’évolution de la société dans d’autres domaines.
  • Proposer aux élèves de comparer les individus et la société tels que présentés dans Rue des Érables et Bonheur d’occasion, de Gabrielle Roy.
  • Inviter les élèves à rencontrer une personne âgée et à échanger des souvenirs avec elle dans le but de comparer la société d’après-guerre avec celle d’aujourd’hui.

Conseils d'utilisation

  • Avant la lecture, aborder avec les élèves les sujets délicats (p. ex., sensualité, sexualité) contenus dans l’œuvre, ainsi que les préjugés fondés sur le statut socio-économique.
  • Demander aux élèves de relever, sur une carte géographique de la ville de Québec, les déplacements nombreux de Jean Lefrançois.