- Roman psychologique divisé en sept chapitres (Ouvrir les yeux, Se mouvoir, S'émouvoir, Savoir, Voir, Dire, Vivre) dont les titres illustrent fidèlement le cheminement du personnage principal, Yolande Mailloux, atteinte d'amnésie suite à un accident de voiture.
« Elle vit. Elle respire. Elle est là, étendue dans un lit anonyme, sans mémoire, sans espoir, sans douleur. Comme une roche.
Elle vit, et tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle aimerait mieux pas. » (p. 16)
« Depuis que l’amnésie a laissé échapper une mince parcelle de son passé, Yolande se sent prise dans un tourbillon d’émotions. Pas de répit. » (p. 317)
« Elle a divorcé, s’est éloignée d’Annie, mais elle ne sait toujours pas pourquoi elle s’était approchée de ces deux-là au départ.
Quand elle regarde le résultat de ses efforts, il lui semble avoir rebâti un édifice de bric et de broc, avec des bouts dont les ficelles s’échappent et d’autres au fondement instable qui vont céder dès la première tempête. » (p. 487)
- Personnages secondaires bien étoffés, apparaissant dans la vie du personnage principal après son accident ou surgissant les uns après les autres de son passé.
« Alors, le docteur Cantin, un neuropsychologue renommé, va venir vous voir et il va essayer de vous aider. Pour l’évaluation, la récupération de la mémoire, pour la parole, tout! » (p. 38)
« "Madame Mailloux… Je sais que Steve va venir vous voir tantôt. C’est un amputé qui a beaucoup de problèmes, mais on s’est aperçus que ça le calmait pas mal de vous fréquenter. Il ne parle pas. Il reste là à vous regarder et on surveille quand même de loin pour ne pas qu’il ait des gestes déplacés.". » (p. 45)
« Quelle femme étrange! Mélange d’hésitation et de détermination, de peur et de courage. Elle avance à tâtons dans son discours, en se reprenant sans cesse pour être plus précise. Précise, mais pas concise. À côté de la rafale de mitraillette qu’est le discours de Steve, sa fille a des allures d’escargot. Elle parle, et rien ne fait image, comme si elle feuilletait le livre de souvenirs de quelqu’un d’autre. » (p. 98)
- Narrateur omniscient entrant dans la tête des personnages, dévoilant leurs sentiments et leur recherche de la vérité; nombreuses séquences dialoguées ponctuant les moments forts du récit et donnant vie à ces personnages.
« Elle s’attendait à ce que sa mère soit changée, altérée par le coma et la longue convalescence, mais rien ne la préparait à cette transformation radicale où tout ce qui subsiste de la femme qu’elle a connue est l’enveloppe charnelle. Et encore… Yolande a fait couper ses cheveux qu’elle ne teint plus, et la gymnastique quotidienne a redressé son corps. » (p. 139)
« Pourquoi est-ce que se regarder après des années donne presque toujours l’impression de s’être mal estimé? Ce n’est pas l’absence de mémoire qui en est responsable – elle se doute que ce corps et ce visage, leur fraîcheur, elle ne les a jamais aimés. » (p. 198)
- Thèmes susceptibles de plaire à un lectorat ayant une certaine érudition et une grande maturité (p. ex., rôle de l’art, relation mère-fille, apprentissage de la vie).
« Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle… Ronsard, voilà Ronsard qui me revient. Je ne remercierai jamais assez la poésie d'être venue s'installer dans ma vie. J’ai vu trente-six chandelles et c’est celle de Ronsard qui me revient. Un sonnet – avec des rimes embrassées – une perfection de sonnet. » (p. 87-88)
« Qu’Annie dépende d’elle à ce point, alors qu’elle est mariée et mère d’une enfant, confirme aux yeux de Yolande un énorme échec. Comment cette Annie peut-elle être aussi peu solide? » (p. 171)
« – Je ne crois pas aux vies tranquilles. Je crois que, même sans drames, sans déchirements excessifs, la vie est un long processus d'appropriation… de soi. C'est long, apprendre à vivre bien. Même à vivre bien tranquille. Rien qu'apprendre à s'aimer, c'est long, vous le savez. À combien de gens on demande de nous aimer avant de se le demander? » (p. 589)
- Intrigue se déroulant selon l’ordre chronologique, sur une période d'environ 16 mois, mais entrecoupée de nombreux retours en arrière illustrant le recouvrement de la mémoire du personnage principal.
« "…Vous êtes à l'hôpital et nous sommes le 18 janvier 2008. À plus tard!" » (p. 16)
« Le 27 octobre, ils sont tous deux tellement malades qu'ils ne peuvent même pas manger. » (p. 324)
« 1963. Trop tôt, sans doute, le mal n’était pas encore assez connu. Ce n’était pas du lithium qu’on donnait à sa mère. Yolande ferme les yeux. Les Valium de sa mère dans de petites boîtes roses en carton qu’elle cachait de peur que Lilianne mette ses menaces à exécution et les avale toutes. Quand elle se déchaînait, sa mère la terrorisait. Yolande se souvient de lui avoir tenu tête, sans avoir éprouvé l’assurance qu’elle affichait. Dieu que ces années lui avaient paru longues! L’école, le retour à la maison, et cette solitude effroyable dans laquelle elle se débattait. » (p. 452)