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Passages américains

Grand écrivain de l'américanité, Marie-Claire Blais signe un essai portant sur les justes luttes menées par la jeunesse contre l'autoritarisme politique et toutes formes de ségrégation. Ces Passages américains saisissent trois événements, l'assassinat de Robert Kennedy le 5 juin 1968, la Marche de la paix du Canada à Guantanamo entreprise à Québec le 26 mai 1963, la mort sous les balles de la Garde nationale de quatre étudiants sur le campus de l'université Kent en Ohio le 4 mai 1970. Porté par le souffle qui mène son œuvre romanesque, cet arrêt sur images constitue une trace littéraire de ces années de révolte, d'illuminations et de souffrances.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Narratrice omnisciente retraçant avec exactitude des événements américains, imaginant ou recréant certaines réactions et intentions des personnages et dénonçant leur réalité.

    « …il entendit autour de lui qu'il s'agissait d'un revolver de calibre .22, les huit coups vibraient encore dans sa tête, pendant qu'il remuait faiblement son poignet droit, ses bras étendus, dans une inquiétante passivité. La foule était là, avec l'ambulance, lorsqu'il fut transporté au Good Samaritan Hospital, partout la foule se pressait autour de lui, les journalistes, les volontaires de la campagne électorale et ce photographe… » (p. 19)

    « …s'effondrant sur le plancher de la cuisine d'un hôtel, oui, mais tué, sacrifié pour eux, afin que ses idées soient leur legs, leur héritage spirituel, comme si le sénateur eût compris en même temps qu'aucun sacrifice n'est vain, aucune lutte, comme si dans l'illumination de son ultime regard, autour de lui, il eût perçu que tous ses rêves ne seraient pas avec lui anéantis… » (p. 47)

    « Et nous nous posons cette question, combien encore de ces innocents manifestants, combien encore seront tués par erreur? Quand ils n'ont fait que désobéir aux lois de la guerre, de façon aussi stoïque, héroïque, combien encore allongeront la liste de ces étudiants martyrs? » (p. 97)
     

  • Personnages principaux historiques, Robert Kennedy et Barbara Deming, leaders pacifistes au cœur des drames évoqués; quelques personnages secondaires les accompagnant ou les encourageant dans leurs épreuves (p. ex., Ray); mention d’étudiants victimes d’incidents tragiques.

    « Le sénateur Robert Kennedy a été assassiné, c’est la fin de celui qui symbolisait la résistance de la jeunesse, sa beauté, sa ferveur, en toute lucidité, clairvoyance. La fin de celui qui voyait toujours au-delà des imperfections du présent, vers un avenir dont il paraissait porter à lui seul la lumière, avec une modestie sereine. » (p. 53)

    « …son nom est connu parmi ses camarades militants, mais son nom, Barbara Deming, est surtout connu en ces années 1963-1964 par ses amis, les marcheurs pour la paix de cette première marche […], parce que Barbara semble être le leader de sa communauté ou de toute communauté qui risquerait sa vie avec elle pour la fin de la ségrégation dans le Sud… » (p. 57)

    « Ray, un jeune homme afro-américain très grand et qui a l’air d’un athlète, est aux côtés de Tyrone, qui lui ressemble comme un frère, ils se parlent en marchant, Ray porte sous le bras une mallette sur laquelle il est écrit Love and forgiveness… » (p. 58)

    « "Nous tous, maintenant, après tant d'épreuves traversées ensemble, nous sommes une famille", écrivit Barbara. Ray approuva, "oui, nous sommes une famille maintenant, bravo, les filles, Brad et moi vous admirons de tenir si longtemps pendant le jeûne". » (p. 82)

    « …il y aura ce jour-là, ce 4 mai 1970, quatre étudiants tués par la Garde nationale et neuf étudiants blessés, dont plusieurs seront dans un état critique. Les noms de ces étudiants martyrs assassinés sont Allison B. Krause, dix-neuf ans, Sandra Lee Scheuer, vingt ans, Jeffrey Glenn Miller, vingt ans, et William Knox Schroeder, dix-neuf ans. » (p. 95)
     

  • Thèmes parfois délicats de la violence, de la mort et de la ségrégation raciale, s'opposant à ceux de la paix et de la lutte sociale, partagés par les trois différentes intrigues et représentant fidèlement les réalités socioculturelle et sociohistorique des États-Unis pendant les années 1960 et 1970.

    « …serons-nous ennemis les uns des autres, les Blancs contre les Blancs, les Noirs contre les Noirs, haineux les uns envers les autres, nous détestant et nous méprisant, ou comme Martin Luther King nous l'apprit, ferons-nous un effort pour mieux nous comprendre, repoussant en nous toute violence, que cette tache de la sanglante violence puisse enfin disparaître… » (p. 26-27)

    « …il y avait eu en si peu de temps trop de sang versé, et comment ne pas vivre dans la peur désormais, on avait tué son frère à Dallas, Malcolm X dans une salle de bal à New York, et en ce 4 avril 1968, Martin Luther King avait été assassiné sur le balcon du motel Lorraine à Memphis… » (p. 27-28)

    « Ou ces paroles n’étaient-elles pas insultantes pour le sénateur, qui à cette époque combattait la ségrégation raciale partout où il pouvait le faire, avec une témérité sans faille, même chez les propriétaires d’une chaîne de restaurants dans le Sud où les Noirs jusqu’à présent n’avaient pas été admis au déjeuner avec les Blancs… » (p. 41)

    « …Brad écrit à Barbara qu'il faut continuer la lutte, sans défaillance, car ce n'est que le début de leur bataille, ne faut-il pas constater déjà que l'attitude non-violente [sic] des manifestants exerce sur les plus durs, même le chef de police, une sorte de pouvoir persuasif qui les transforme… » (p. 73)
     

  • Séquences narratives et descriptives constituant la quasi-totalité de l'œuvre et dont la richesse des détails contribue à la vraisemblance du vécu des groupes et des peuples évoqués; citations intégrées à la narration, donnant une voix à certains personnages et immortalisant leurs pensées et valeurs.

    « Le parcours des marcheurs pour la paix avait été éprouvant, on se souvient de leur départ de la ville de Québec le 26 mai 1963, après une marche qui devait couvrir 2 800 milles (cela avec les délais et arrestations, les sentences de prison, à Griffin, à Macon, à Albany), ils atteignirent Miami le 29 mai 1964… » (p. 59)

    « …elle se souvient de cette femme à Albany qui lui a dit, lors d'une manifestation pacifiste, "vous savez, ici, nous aimons les Noirs, nous ne les rejetons pas, ce ne serait pas chrétien d'agir autrement, nos Noirs sont bien avec nous, si vous vous opposez à la ségrégation, vous et vos amis, on vous fera beaucoup de mal", Barbara a senti que cette femme voulait la protéger… » (p. 65)

    « Quant au président Nixon, son commentaire aux journalistes est teinté d'une hypocrite compassion qui a des allures de sincérité, "À Washington, le président Nixon déplore la mort des quatre étudiants; cela doit nous rappeler, dit-il, que lorsque la dissension tourne à la violence, c'est la tragédie qui l'emporte […]" » (p. 96)

Langue

  • Registre soutenu, caractérisé par l'emploi fréquent du subjonctif imparfait, du plus-que-parfait et d'un vocabulaire étendu.

    « Dans tous ses livres, James Baldwin, bien qu'il ne cessât, comme Richard Wright qui l'avait précédé […] de dénoncer la condition des Noirs […] est malgré tout le chantre de cet espoir de l'avenir… » (p. 38)

    « …comment le sénateur, dans sa confiance, eût-il pu imaginer cela, que les sources infestées du racisme seraient encore en train de se répandre telles des tumeurs… » (p. 44)

    « Le ciel était bleu ce jour-là, avec quelques blancs nuages, en écoutant ces paroles du pasteur à la voix grave, ces paroles d'un poète au cœur illuminé comme l'était son esprit, on avait éprouvé une irrésistible exaltation de vivre, c'était peu de temps avant que l'image de la foule toute à son ravissement ne fût effacée par une autre, d'une intolérable affliction… » (p. 51-52)
     

  • Texte dépourvu de paragraphes, contenant des séries de longues phrases principalement ponctuées au moyen de virgules, contribuant à l'unicité du style de l'auteure.

    « On se souvient de ce 5 juin 1968, quand le jeune Robert Kennedy fut assassiné, qui ne fut pas hanté par ce regard, volontaire et lucide jusqu’à la fin, sous des paupières qui se fermaient, du sénateur foudroyé dans la fièvre d’une campagne électorale qui s’annonçait triomphante, exaltant les foules, laquelle devint, en ce 5 juin 1968, une veille crépusculaire, funèbre autour d’un corps blessé, étendu sur le plancher d’une cuisine, dans cet Ambassador Hotel où tous s’apprêtaient à fêter dans la nuit une victoire, mais voici que ce candidat à l’élection, autour de qui s’élevaient tant de flamboyants projets, d’espoirs, de grandioses espérances de changement, reposait humblement sur le sol, les bras étendus, tentant de soulever la tête vers un busboy qui venait de lui serrer la main… » (p. 11)

    « Les nuits de février sont froides et humides, dans les cellules des manifestants on dort très peu, les couchettes sont glacées, et la scintillante lumière jaune ne s’éteint jamais dans le corridor, Barbara écrit sur du papier hygiénique (car les prisonniers ont été dépouillés de tout objet personnel), elle écrit pendant que les autres essaient de dormir, en se tournant dans leurs inconfortables lits, les bruits sont aigus… » (p. 78)
     

  • Lexique rattaché à la politique et à la violence, conférant un caractère réaliste aux mouvements sociaux présentés.

    « …ce 15 octobre 1969, souvenons-nous, à Washington, en ce jour du Vietnam Moratorium, les pancartes se déployant dans la colère, pendant une manifestation massive (on y verra écrit, sur ces pancartes, Death to US pig politics)… » (p. 49)

    « The hole, le trou, c'était la même cellule dans laquelle tant de Noirs furent jetés, les uns sur les autres, dans d'inhumaines conditions, lors des manifestations de Martin Luther King en 1961, se souvient Barbara. Combien passèrent par cette chambre de torture… » (p. 79)

    « C’est à midi, en ce 4 mai 1970, que la Garde nationale vient rompre les rangs des manifestants, sur le campus, en lançant sur eux des bombes lacrymogènes, pour ensuite, vingt minutes plus tard, ouvrir le feu sur les manifestants qui, eux, se mettent à courir dans toutes les directions afin d’échapper à la fusillade… » (p. 94)
     

  • Comparaisons et énumérations permettant d'accentuer le tragique des situations.

    « …il ne pourrait jamais exprimer ce sentiment de pitié pour l'autre homme, et pour lui-même qu'il éprouvait en ces instants confus, tant coulait comme une source son sang, en vain, bien en vain, pensait-il… » (p. 18)

    « Ce serait, ce jour-là, l'adieu à Martin Luther King […] pendant que tout le pays se révolterait, partout dans les villes, ce serait l'éclatement de la colère des Noirs, et des Blancs, […] la douleur du deuil s'exprimerait par la destruction, le vandalisme, cela même si on envoyait à Washington 25 000 soldats afin que soient préservés les maisons, les édifices, l'orage de feu de l'indignation, de la colère… » (p. 52)

    « Barbara jeûne encore pendant plusieurs jours […] Elle éprouve un engourdissement dans les jambes, une lenteur à marcher dans la cellule, une incessante douleur à l'estomac, les crampes de la faim, de la soif. » (p. 69)

Pistes d'exploitation

  • Proposer aux élèves de rédiger, sur un événement ou un leader historique des trente dernières années, un essai rattaché au thème de la discrimination ou de la lutte pour la paix, en s'inspirant du style imagé de l'auteure.
  • Demander aux élèves de faire une recherche dans le but de trouver les photographies de Bill Eppridge, Irwin Klein et Consuelo Kanaga mentionnées dans l'œuvre, de discuter de leurs effets artistiques et de tenter d'expliquer pourquoi l'auteure s'en est inspirée.
  • Inviter les élèves à participer à un débat parlementaire portant sur une résolution à caractère social (p. ex., lois sur l'arrestation de manifestants pour la paix, lois relatives au traitement égalitaire des sexes, des races et des religions) s'appliquant à leur milieu respectif.

Conseils d'utilisation

  • Revoir les règles et conditions s'appliquant à l'emploi des temps subjonctifs imparfait et plus-que-parfait, omniprésents dans l'œuvre.
  • Revoir les structures de phrases complexes (p. ex., les subordonnées relatives, complétives et circonstancielles) ainsi que l'usage de la virgule, dans le but de préparer les élèves au style de l'auteure et de faciliter leur compréhension du texte.
  • Avant la lecture, présenter aux élèves le contexte des États-Unis pendant les années 1960 et 1970 (p. ex., situation politique et place des Noirs) et leur annoncer les thèmes délicats de la ségrégation raciale et de la violence traités dans l'œuvre.
  • Réserver la lecture de cet essai à des groupes d’élèves dont les compétences en lecture sont élevées.

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 11e et 12e année, Série : Citoyens du monde, La politique de l'exclusion.