- Registre de langue courant dans l’ensemble de l’œuvre; emploi de plusieurs mots nouveaux que le contexte ou les notes explicatives en bas de page permettent de définir (p. ex., lices, mesnies, colée, félonie, fief).
« Olivier revint vers Jordan à bride abattue, attrapa la lance qu’il lui tendait et repartit sans ralentir l’allure. Il rencontra son adversaire à mi-chemin des lices* où ils rompirent la nouvelle lance. Le combat s’éternisait. On touchait à la fin de la journée. Tout le monde était épuisé. Les chevaux, couverts d’écume, n’étaient pas en meilleur état. Quand les hérauts sonnèrent l’interruption de la joute, ce fut un soulagement général. Les chevaliers descendirent de leurs montures aidés de leurs écuyers. Ils étaient maculés de poussière et allèrent se rafraîchir à la fontaine. Les combats terminés, ils se retrouvaient par mesnies pour se détendre en commentant les péripéties de la journée. » (p. 43)
« Accompagnés d’Olivier et de Fabien, leurs parrains d’armes, les deux garçons s’avancèrent dans le chœur, vêtus d’une tunique rouge, couleur du sang qu’ils s’engageaient à verser pour défendre les causes justes. Le moment solennel de la colée** était venu. Les parrains frappèrent violemment du plat de leur épée le cou de leurs filleuls. Comme il se devait, ceux-ci ne bronchèrent pas et restèrent impassibles. Olivier et Fabien leur passèrent ensuite le baudrier*** dans lequel ils glissèrent l’épée, puis leur remirent les éperons et le bouclier. » (p. 95-96)
- Texte contenant une variété de types et de formes de phrases qui avivent la lecture, ainsi que certaines structures de phrases complexes pouvant servir à l’enseignement des manipulations linguistiques.
« Les plus sévères l’emportèrent et se chargèrent d’aller dissimuler le malheureux dans le grenier à foin. Roland les supplia de le délivrer en faisant valoir que s’il ne se présentait pas à son poste, le chevalier Arnaud ne lui pardonnerait pas cette défection.
– Comprenez-moi, insistait-il, mettez-vous à ma place!
– À ta place? répliqua Jaufré avec mépris. Jamais! Nous avons de l’honneur, nous! Comment as-tu pu faire une chose pareille?
– Parce qu’il faut absolument que le chevalier gagne. Son père, autrefois, a été le meilleur chevalier de la saison; si son fils ne l’est pas, il le jugera indigne de lui succéder, et mon avenir dépend du sien.
– Tu es encore plus méprisable que je ne pensais, cracha Jaufré en se détournant. » (p. 54-55)
« Avant de prendre un bain, ils passèrent par les mains du barbier. Il coupa ras les cheveux qu’ils portaient aux épaules comme le voulait la mode. Ainsi, ils se débarrassaient symboliquement du passé et se lavaient de leurs fautes. Le bain, qui avait commencé avec le plus grand sérieux, finit dans les éclats de rire : quand ils se retrouvèrent plongés jusqu’au cou dans des baquets d’eau tiède, ils ne purent résister au plaisir de s’éclabousser et, tandis qu’ils transformaient la salle d’étuves en mare, ils se revoyaient sur les bords du Rivas où ils barbotaient dans l’eau il n’y a pas si longtemps. Ou bien cela faisait-il des siècles? Ils avaient vécu tant d’événements depuis ce temps-là… » (p. 92-93)
- Nombreuses figures de style (p. ex., énumérations, métaphores, comparaisons) qui permettent d’apprécier le style de l’auteure.
« Jordan, trop interloqué pour réagir, resta les bras ballants, les yeux ronds, la bouche ouverte.
Le comte de Montpezat fendit la foule, reprit le sceau des mains de Damien et écrasa Jordan de son mépris. » (p. 5)
« L’homme tomba en criant de surprise et de douleur. Jordan et Paulin le clouèrent au sol. Sûrs de l’avoir maîtrisé, ils ne se méfièrent pas. Roland, car c’était bien lui, se tortilla comme une anguille et réussit à se libérer. » (p. 51)
« Dame Éléonore se précipita à sa rencontre, suivie de près par l’essaim des jeunes filles de sa suite. » (p. 65)
- Séquences descriptives qui apportent des précisions sur les lieux, les personnages et les événements.
« Le rôle des écuyers n’était pas de tout repos : pendant une joute, ils étaient toujours sur le qui-vive pour ne pas faire perdre un temps précieux au combattant qui venait prendre une nouvelle arme et, le combat fini, le maintien en état du matériel et le soin des chevaux étaient longs et fatigants. Il fallait bouchonner les chevaux, apporter les épées et les casques tordus au forgeron afin qu’il les redresse, enlever la rouille des cottes de mailles et enduire de graisse le cuir des selles et des rênes. Mais tout ce travail était accompli dans une atmosphère de fête qui faisait oublier la lassitude. » (p. 47)
« Vif-Argent était bien fatiguée, mais il se convainquit qu’elle ferait encore un effort. Il la relança au galop. Elle ne rechigna pas, mais visiblement, elle souffrait. En entendant le souffle rauque de la jument et en sentant entre ses cuisses les frémissements qui parcouraient les flancs de la bête, il se demanda si elle allait tenir jusqu’au hameau du Moulin. Il fallait absolument qu’elle y parvienne! S’il y allait à pied, il arriverait trop tard. Il se reprocha de s’être proposé. S’il n’avait rien dit, Auguste aurait envoyé Rémi, et la mission aurait été accomplie. Maintenant, par sa faute, elle était compromise. Quel serait l’avenir d’Aude si son père perdait la bataille? Il ne voulait pas y penser.
Penché sur l’encolure de Vif-Argent, il l’encouragea :
– Vas-y, ma belle, tu vas y arriver. Vas-y, il faut que tu y arrives!
Comme si elle le comprenait, elle galopait de toutes ses dernières forces. Quand le hameau du Moulin apparut enfin, Jordan poussa un soupir de soulagement. » (p. 82)
- Séquences dialoguées qui permettent de mieux comprendre les relations entre les personnages.
« Ils s’avancèrent vers leur seigneur en prenant soin de cacher leur émotion. Bien droits, sans perdre un pouce de leur taille, ils se présentèrent devant lui.
– Repos! leur dit-il en riant. Je ne suis pas en train de vous lancer un défi. Détendez-vous.
Jordan essaya de sourire sans y parvenir. Il évita de regarder Paulin qui ne devait pas être plus rassuré que lui.
– Tu vas être mon écuyer, Jordan, et toi, Paulin, celui de Fabien. Est-ce que vous vous en sentez capables?
– Oui! répondirent-ils d’une seule voix.
– À la bonne heure. Je compte sur vous. » (p. 37-38)
« Avant de quitter le champ de bataille, Gensac s’adressa à ses hommes.
– Vous vous êtes battus vaillamment, dit-il, et chacun de vous a sa part dans la victoire que nous avons remportée. Je vous en remercie. Mais cette bataille, vous le savez, nous n’aurions pas pu la gagner si nous n’avions pas été tous ensemble. C’est un jeune écuyer qui nous a réunis. Il a compris la situation et a foncé vous avertir. Cet écuyer, qui a fait preuve d’intelligence, de sagesse et de courage, c’est Jordan, de la mesnie d’Olivier de Montpezat.
– Vive Jordan! crièrent tous les vassaux de Gensac.
– Et quand le cheval de Jordan a été trop fatigué, continua le comte, c’est Paulin qui a pris la relève, le compagnon avec lequel il a déjà sauvé la forteresse de Mirambeau.
– Vive Paulin!
– Pour avoir accompli cet exploit, ils méritent tous les deux le titre de chevalier. » (p. 84-85)