Registre soutenu pour les séquences descriptives et narratives; registre parfois familier dans les dialogues, correspondant à certains personnages.
« Gabriel avait à peine maîtrisé l’envie de hurler, de battre, d’occire. Le jardin de Camille profané, son ciel avili, et la peau brune d’Amandine une flaque sombre au clair de lune. » (p. 197)
« -J’me tasse un peu, pour y vouère la face, à c’te vieux bonhomme, et j’me rends ben compte, ça saute aux yeux, bon sang, y voit pus rien pantoute. Y’a le regard loin, loin, comme si y pouvait vouère jusque dans un autre monde, y comprend pus rien, y’entend pus rien, veut pus rien savouère. » (p. 204-205)
Phrases de longueur et de complexité variées, souvent poétiques et parsemées d’images et de figures de style (p. ex., énumération, personnification, inversion, paradoxe, métaphore).
« Mais ils ne savaient pas encore que, lorsqu’arriverait le moment du départ, l’une partirait pour se perdre, l’autre, pour se trouver. » (p. 112)
« Mais les matins où Léopold montait la retrouver dans le colombier, les lendemains de veilles particulièrement pénibles, les soirées où il avait marché de long en large dans le salon; ou insisté qu’on éteigne les lampes et qu’on tire les rideaux, c’est la consigne, vous m’entendez, c’est la consigne; ou bien avait réveillé les petites, les enjoignant de s’habiller à toute vitesse et en silence et de le rejoindre dans la rue, où ensemble ils trouveraient leur place dans la longue procession des familles paysanes [sic], des brouettes et des charrettes tirées par des chiens belges, par des chevaux de trait, des carosses [sic] chargés de couvertures et de marmites, des amoncellements de biens sur lesquels on avait installé les petits et les grands-mères, leur parapluie tenu ferme dans la poigne de leur main, et avait attendu avec elles sur l’épaule de la rue, dans la poussière soulevée par toutes ces roues, ces pieds et ces sabots, avait pris place dans la file, avait passé devant les volets fermés des magasins, devant les usines abandonnées, devant l’heure allemande des horloges de l’hôtel de ville, avait traversé la rivière, avait vu les champs mûrs que personne jamais ne viendrait moissonner, avait vu les paysans dépouillant les chevaux morts au milieu des betteraves, avait été aveuglé par les lanternes des officiers allemands, ces yeux blancs qu’ils portaient sur la poitrine pour fendre la nuit et semer la terreur; après qu’il avait connu tout ça dans les rues tranquilles de cette ville sûre de ce pays de paix, en traînant derrière lui en pleine nuit deux petites filles endormies, ces lendemains matins, Léopold craignait de monter au colombier et d’y découvrir une Camille amère, ses yeux pleins de reproche et de mépris. » (p. 176-177)
« Elle est fascinée par l’image de ces bras blancs, longs et secs et frêles comme des roseaux, levés devant la face dure de la mort… » (p.193)
Vocabulaire riche lié aux thèmes de la nature, des animaux, de la chasse et de l’aventure.
« La mer : cette plaine d’eau, prairie sillonnée au passage du vent, survolée de goélands, de frégates et de sternes fluettes comme des hirondelles… » (p. 13)
« Sautant dans la Chevrolet, il suivait les routes qui rapetissaient et se perdaient dans la jungle ou dans l’immensité du ciel au sommet des falaises. » (p. 19)
« C’était une forêt qui s’élevait au bord des grandes étendues de neige, une vraie forêt avec des bouleaux, des pins, des mélèzes dénudés d’aiguilles, des peupliers à l’écorce tachetée. » (p. 125)