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Le Camp des justes

C'est à Camus que Gil Courtemanche a emprunté cette idée du « juste » pour décrire la position qu'il voulait être la sienne quand il abordait l'actualité politique. Le « juste », c'est celui qui fait passer l'humanité avant les idées, les personnes avant les dogmes, politiques ou autres. […]

Après avoir fait une grande carrière de reporter international et connu un succès mondial avec son roman Un dimanche à la piscine à Kigali, Gil Courtemanche a tenu une chronique, de 2002 à 2011, dans les pages du quotidien Le Devoir. Il y traitait de politique québécoise et canadienne, mais surtout de politique internationale. En plus d'un long fragment d'un essai sur lequel Gil Courtemanche travaillait au moment de sa mort, ce livre présente les meilleurs de ces textes, où le chroniqueur se révèle un extraordinaire éveilleur de consciences et où il donne l'exemple d'une pensée libre, qui pourfend tous les discours avec lesquels les riches et les puissants justifient les inégalités scandaleuses qui existent encore parmi les habitants de notre planète.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Quatre-vingt-quatre chroniques titrées, de 2 à 3 pages chacune, présentées de façon chronologique et reflétant les valeurs et les convictions de l’auteur; extrait d’un essai inachevé, L’odyssée de Youssef, placé à la fin de l’œuvre.
  • Narrateur engagé personnellement dans ses chroniques et dénonçant ou critiquant parfois durement de nombreuses situations politiques, sociales de même que plusieurs personnalités connues.

    « Je me lance sans filet dans un plaidoyer inutile qui sera sans effet et que ces bourgeois corrects, propres et en santé qui nous gouvernent trouveront ridicule. Je me fourvoie dans le totalement politiquement incorrect. » (p. 47)

    « En fait, il n’existe pas de bons ou de mauvais États, il n’y a que de bons et de mauvais gouvernements. De bons gouvernements dotés d’une vision du bien commun […] Et de mauvais gouvernements comme celui de Mme Forget, dénués de tout projet collectif… » (p. 101)

    « Le génocide de 1994 se poursuit et tue chaque jour. Pas une seule journée depuis quinze ans, le génocide n’a cessé de tuer. Le génocide voyage. Avec les deux millions de Hutus réfugiés au Kivu en 1994, encadrés par les milices et les militaires du régime déchu, le génocide rwandais a déposé ses cellules cancéreuses et ses métastases dans la République démocratique du Congo… » (p. 201)

    « Si Stephen Harper n’acquiesce pas à la demande de financement, c’est que depuis sa tendre enfance il a horreur des francophones, une sorte de haine morbide. » (p. 241)
     

  • Un personnage principal dans L’odyssée de Youssef, illustrant non seulement le malheur, mais aussi la volonté de vivre d’un être et d’un peuple.

    « Youssef, qui vit dans un village à cent kilomètres de Niamey, a vu depuis tout petit le sable avancer. […] Maintenant, il regarde le sable avancer au point qu’il atteint maintenant son lit au fond de la case qu’il habite avec ses sept frères et sœurs, sa grand-mère et ses deux parents. Les vaches maigrissent, et le prix qu’on peut en tirer au marché ne vaut même plus la peine de les y amener. Le puits du village est sec. Il faut marcher six kilomètres pour aller quérir de l’eau. » (p. 274)

    « Quand Youssef quitte son village avec son petit pécule caché dans ses baskets, il se croit investi d’une mission humanitaire. […] En plus, il est béni ou ennobli par les anciens du village. Youssef est un missionnaire qui ne veut convaincre personne. Il souhaite seulement que les chèvres possèdent un pâturage, que les vaches pissent du lait, que le manioc pousse. » (p. 286)
     

  • Procédés variés (p. ex., résumé, statistiques, conclusion frappante) servant à démontrer l’ampleur des situations commentées.

    « Qu’on le veuille ou non, toute décision politique qui touche la communauté juive est délicate et recèle un potentiel explosif. Cela est vrai dans toutes les sociétés occidentales. Des siècles d’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, les résurgences ponctuelles de gestes antijuifs, le sentiment souvent inconscient de persécution qui existe encore chez certains membres de cette communauté, tout cela transforme le terrain politique normal en champ de mines. » (p. 33)

    « En deux ans, le taux de malnutrition chronique est passé de 4,4 à 9 %. Les deux tiers des Irakiens n’ont pas d’emploi et seulement 32 % ont accès à de l’eau potable. Ancienne fierté de l’Irak, le système de santé est en ruine : 12 000 des 34 000 médecins que comptait le pays en 2003 ont quitté le pays et 2 000 ont été assassinés. » (p. 122)

    « On ne lit pas dans les écoles. Il n’y a pas de livres dans les écoles, seulement des programmes de compétences transversales et des objectifs de "diplomation". Et au nom de la nation, nous continuons à former des ignorants. Pas de mots, pas d’histoire, pas de culture générale, rien. Le Loft comme système d’éducation. » (p. 146)
     

  • Nombreux thèmes (p. ex., religion, injustice, politique, liberté), parfois délicats, mais toujours présentés en contexte.

    « Oui, les commentateurs ont raison. Ce fut un grand pape, un grand pape pour son Église. Comme on dit dans les pages financières, il a redressé la situation de son organisation, il a amélioré son image de marque et accru sa visibilité. Pour cela, pour cette détermination, il faut admirer son bilan. Pour le reste, il faut bien reconnaître qu’il a érigé une Église complètement coupée de la vie et de la douleur quotidiennes de ses fidèles. » (p. 43)

    « Malgré toutes les chartes et tous les discours sur l’égalité, la femme en politique ressemble un peu aux jeunes des cités françaises; ils sont en théorie égaux, mais pour réussir ils doivent être dix fois meilleurs que ceux qui habitent les quartiers chics. » (p. 82)

    « La liberté est un idéal et aussi le pire des pièges. La liberté de se regrouper peut mener à l’enfermement; celle de proclamer la vérité, à l’exclusion; et celle de dénoncer violemment peut entraîner la répression. La liberté est un instrument dangereux quand elle n’est pas accompagnée par la réflexion. » (p. 199)

Langue

  • Registre courant dans l’ensemble de l’œuvre; vocabulaire juste, quelquefois recherché, mais convenant au lectorat visé; expressions plus familières sporadiques ajoutant de la couleur au texte.

    « Le ministre Legault, jeudi, s’est opposé à la propagande des médecins spécialistes. J’aurais aimé qu’il le fasse plus vigoureusement et qu’il dénonce cette démagogie de bas étage, digne des politiciens les plus abjects. » (p. 16)

    « Somme toute, une crise d’eczéma de quelques ados boutonneux. » (p. 263)
     

  • Phrases parfois complexes tant par leur structure que par la densité de leur contenu.

    « Ce terrorisme est le fruit d’une implosion de l’islam, une guerre entre ceux qui croient que l’islam peut évoluer comme le christianisme l’a fait et ceux qui, comme les juifs orthodoxes, se vêtent de textes anciens et éculés pour justifier leur existence et leur marginalité psychopathe. » (p. 61)

    « Le Québec est devenu cette société dans laquelle nous souhaitons intégrer harmonieusement les immigrants en grande partie en se libérant progressivement de ses valeurs catholiques, en rejetant le discours d’obéissance à l’autorité coloniale, de la servitude acceptée, de l’obéissance aux autorités, de l’infériorité de la femme, de la prédominance de la religion sur l’État. » (p. 140)
     

  • Ton percutant et dénonciateur, souvent appuyé de sarcasme et de cynisme.

    « Des dizaines de milliers de pitoyables bouffeurs de juifs trouveront dans cette pantalonnade politique d’autres raisons de nourrir leurs préjugés et leur haine. » (p. 33)

    « Au départ, les propos anodins qu’elle tenait sur le nouveau Rwanda me paraissaient aussi importants que les piaillements des moineaux. » (p. 53)

    « Si on considère comme des "traditions" une juste rémunération, un encadrement dans un contrat collectif de l’arbitraire patronal ou la lutte contre la sous-traitance dans les services publics, je veux bien me définir comme un traditionaliste et un réactionnaire. » (p. 69)

    « Le monarque poursuit ainsi la tournée de son peuple choisi, examiné, scruté à la loupe. Il ne fréquente jamais les trottoirs ou les marchés publics, endroits dangereux où on croise parfois un méchant socialiste éloquent ou, pis encore, un diabolique séparatiste poli qui porterait un chandail des Nordiques. » (p. 258)
     

  • Figures de style variées (p. ex., allégorie, hyperbole, comparaison, métonymie) accentuant la force de frappe des propos.

    « Il avait compris que dans le parti de Robert Bourassa, trop de loups étaient en meilleure posture que lui; aussi, pressé de passer à un autre niveau, celui de petit chef, il a décidé de lancer la plomberie ADQ, qui proposerait le système de plomberie Allaire. C’était un système original qui se situait entre ceux du PQ et du Parti libéral et proposait de laisser à Ottawa le pouvoir de déterminer la couleur des tuyaux. » (p. 23)

    « Monsieur le médecin-ministre, pourquoi ne pas interdire aussi la cigarette en forêt, pour risque d’incendie de forêt […]? Pourquoi ne pas interdire le risque, pourquoi ne pas interdire de vivre puisque c’est un métier dangereux? » (p. 49)

    « On est habitué à cette langue de bois, à cet assemblage surréaliste de mots vidés de tout leur sens comme des cadavres qui ont pissé tout leur sang. » (p. 53)

    « Depuis les trompettes de Jéricho, aucune forteresse érigée sur le mensonge n’a résisté à l’insatiable soif de savoir. Aucun mur de Berlin n’a survécu à l’érosion lente mais inéluctable des mots qui portent la vérité en leur sein. » (p. 54) 

Référent(s) culturel(s)

  • Nombreux référents de la francophonie canadienne et internationale; allusions à des personnalités culturelles (p. ex., Michel Tremblay, Robert Lepage, Gilles Vigneault, André Gide) et politiques (p. ex., Pierre Elliott Trudeau, Philippe Couillard, Mario Dumont, Nicolas Sarkozy).

 

Pistes d'exploitation

  • Inviter les élèves à relever les sujets et les thèmes dont traite Gil Courtemanche; discuter des valeurs sociales qu'il fait valoir.
  • Demander aux élèves de choisir une situation sociale ou politique actuelle et de rédiger une chronique à ce sujet; leur suggérer de s'inspirer du style de Courtemanche (p. ex., ton dénonciateur et percutant, preuves à l'appui, cynisme).
  • À la suite de la lecture de la chronique Afghanistan : rester et se battre (p. 96), chronique écrite en 2006, proposer un débat aux élèves sur l'utilité des troupes de soldats canadiens en Afghanistan.

Conseils d'utilisation

  • Choisir les chroniques les plus pertinentes selon l'intérêt du groupe de même que selon les thèmes abordés; prévoir des moments de discussion et d'échange à la suite d'extraits traitant de sujets plus délicats (p. ex., génocide, religion, terrorisme).
  • Expliquer les nombreux acronymes auxquels l'auteur fait référence dans plusieurs chroniques (p. ex., OCDE, ONG, PLQ, MANUI).
  • Aider les élèves à se situer dans le temps et résumer les faits vécus pour que le groupe puisse mieux comprendre les événements passés présentés et commentés.

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 11e et 12e année, Série : Citoyens du monde, La politique de l'exclusion; Nouveau paradigme.