- Registre soutenu dans l’ensemble de l’œuvre; entrelacement d’un vocabulaire riche, souvent abstrait, d'images oniriques abondantes et de rapprochements inattendus de mots témoignant de la virtuosité littéraire de l’auteur.
« Longtemps la nécrose s'attachait à mes entrailles,
longtemps mes yeux ne savaient où trouver le repos éternel
et maintenant, ils se meurent comme l'oiseau aux ailes de
corbeau, étripé et sourd » (p. 30)
« Le rêve ne peut consoler que cette rue qui attend,
j'ai brisé sa continuité sur les cristaux du monde-fable
et sur l'immense qui revient avec ses étoiles
justes polaires, livides
du maintenant. » (p. 60)
« La douceur, la condamnée, la lente,
tamise les terriers du désert
et ne cherche pas la senteur, l'horrible connaissance
de la décomposition
et de la désintégration des soupirs,
les derniers. » (p. 67)
- Poèmes de forme libre, caractérisés par une ponctuation fréquente et variée ainsi que par des jeux de décalages entre certains mots ou certains vers contribuant au rythme et à la musicalité de l’œuvre.
« – Elle attend comme un messager…
– J'arrive, j'arrive…
…le chemin était long et sans portée… » (p. 21)
« Une barque figée dans la glace de la rivière
soutenue par le souvenir d'une turbulence minutieuse
attend le manteau-reine de la plaine
dessiné par les fleurs jaunes; » (p. 25)
« Jamais,
non,
jamais
charme plus calme,
yeux pris des curiosités,
devoir onirique des paupières,
jamais… » (p. 50)
« Au départ…
Le ciel voilé tend ses souvenirs vers le bleu; et l'attente. Une
simple disparition dans l'horizon, un adieu de la mer.
Qui reprend le jour les transhumances? Balbutiements. » (p. 55)
« … insuffi, humain.
Moi!
J'attends entendre mon sang, mon sang grincer –
qui ne se plaint jamais? » (p. 59)
- Comparaisons, anaphores et énumérations abondantes provoquant des sensations et mettant en relief tantôt la peine, tantôt le désespoir ou encore la résignation du narrateur.
« mes mains tiennent la glace pour trembler de la sorte
et elles sentent les rigueurs de la pierre froide,
comme une couverture,
au fond de ce
cimetière. » (p. 15)
« Je n'ai pas de sommeil,
je n'ai jamais eu de sommeil,
j'en ai peur,
le rêve est un fait volontaire,
le rêve, c'est quand je le veux,
le rêve, c'est quand personne n'est là, personne ne peut rien… » (p. 80)
« Je rêve d’une maison pleine de souvenirs
d’objets surannés, fatigués, sans appartenance autre que mienne,
sans désordres,
et de rien d’autre que de ce soleil accroché à un toit
et de quelques lumières d’un rien tenues à la fenêtre ou à l’œil
de chaque mur. » (p. 81)
- Champs lexicaux et sémantiques liés à la nature, à la mort et au temps insufflant, dans les poèmes, une mélancolie d’une grande douceur et laissant poindre une lueur d’espoir au-delà de la douleur exprimée.
« Le ciel est bleu noir dans son désordre aimé.
Derrière ces cloisons, au sommet de ma dernière montagne, aux
pieds de ma dernière ruine
je rêve de fleuve et de chants marins,
je rêve d'être enfin un brin de soleil sur l'impuissance immobile. » (p. 14)
« Le rouge du soleil est à jamais le sang.
J'aimerais tant y rester et voir brûler à feu bas
le songe superflu sur le linceul altéré,
et mêler cette poussière endeuillée à l'innommable sentiment de
sourire; » (p. 37)
« Les longs couloirs de l'enfance, les pièces pleines de livres,
les tapis traçant tant de figures horribles,
les soleils sur les vitres,
l'été consolateur, reposé, incompris;
les années
sont mortes,
tout a été dépassé… » (p. 44-45)