Contenu
- Un personnage principal, la comtesse Rachel de Kergorieu, qui se distingue dans un univers d’hommes par sa domination et son esprit de vengeance.
« La comtesse de Kergorieu était méconnaissable. Sa magnifique robe brodée, sa superbe coiffure, ses parures semées de perles et de dentelles, ses bracelets et ses bijoux, tout avait disparu au profit de bottes de cuir et d’une tenue de tireuse de sabre aux couleurs sombres. Mais ses yeux, plus que tout, flamboyant d’une fureur vengeresse, imposaient un respect immédiat. Pas un mot ne s’est élevé de l’assistance.
– Vous tous qui êtes ici, a-t-elle déclaré d’une voix impérieuse, savez dans quelle entreprise vous vous êtes engagés. Vous avez tous quelque chose à défendre, quelque chose à préserver – une terre, votre indépendance, ou simplement vos gages –, et c’est ce pour quoi vous combattrez. Sachez cependant que moi, je n’ai plus rien. On m’a tout pris. Il ne me reste que ma haine et le désir de semer la mort chez ceux qui m’ont anéantie. Je chevaucherai en tête. Que ceux qui le peuvent me suivent, que les autres disparaissent. » (p. 26-27)
- Nombreux personnages secondaires, dont les deux fils de la comtesse, soit Gilles, le narrateur, et Nicolas, l’aîné, ainsi que Le Moine, son bras droit mercenaire et impitoyable.
« Le silence est retombé. La stupéfaction était générale. Personne, parmi les gens de guerre présents, ne s’attendait à une telle apparition, à une telle déclaration. Après avoir promené son regard sur l’assemblée, ma mère a repris :
– Nous partirons demain dès l’aube. Mes fils, Gilles et Nicolas, m’accompagneront. Leurs ordres vaudront autant que les miens. Si vous faiblissez, il vaudra mieux pour vous ne plus jamais chercher à m’approcher. Maintenant, il est temps encore pour les indécis de faire demi-tour. Pour les autres, soyez prêtes demain avant le lever du jour. » (p. 27)
« J’ai bien vu à son air renfrogné que l’affaire ne plaisait qu’à moitié à Amaury, pour qui Le Moine n’était qu’un aventurier sans foi ni loi. Nicolas paraissait aussi peu satisfait que lui – sans doute prenait-il ombrage de ce qu’un étranger avait la préférence de notre mère pour une opération aussi délicate. […]
Notre vie allait en effet dépendre d’un homme que nous ne connaissions pratiquement pas. » (p. 56)
- Roman inspiré d’une histoire vécue, mais transposée du XIVe au XVIIe siècle; intrigue souvent prétexte à la violence, voire au barbarisme, dans un monde de piraterie; quelques passages laissant néanmoins entrevoir l’émergence de sentiments nouveaux chez certains personnages; premier roman, dans une série de trois, dont les derniers chapitres laissent tramer à la fois le mystère et d’autres aventures à venir dans les deuxièmes et troisièmes volets.
- Mise en page aérée; œuvre répartie en 15 chapitres titrés et numérotés; éléments graphiques (p. ex., guillemets et nombreux points de suspension, ajoutant à l’ambiance mystérieuse du roman et laissant place aux sous-entendus); notes biographiques au début; notes sur la louve de mer, table des matières et liste des œuvres de l’auteur dans la même collection à la fin du livre.
Langue
- Registre de langue courant dans l’ensemble de l’œuvre, rehaussé d’un vocabulaire souvent soutenu, voire technique, relié au champ lexical maritime de l’époque; mots moins connus (p. ex., dérisoire, décuplait, dégainé, gueux, bastingage) et quelques mots du registre familier (p. ex., soulard, maudits, face de cul, morveux) compréhensibles grâce au contexte.
- Phrases de base, phrases transformées et phrases à construction particulière; variété de types et de formes de phrases (p. ex., déclarative, impérative, exclamative, négative); phrases généralement courtes dans les séquences dialoguées reflétant l’urgence d’agir; nombreuses phrases plus longues, plus complexes et remplies de détails dans les séquences narratives.
« Je me suis approché. Le Moine tentait de maîtriser sa monture affolée. La flèche dépassait de chaque côté de la cuisse de ma mère. Se mordant les lèvres, elle a saisi la partie empennée et l’a brisée, puis elle s’est affaissée contre le dos de Le Moine, les larmes aux yeux.
– Arrache l’autre morceau, a-t-elle supplié d’une voix tremblante. Vite!
J’ai tendu la main vers la tige de bois, dont la pointe sanglante frottait contre la robe du cheval. Je l’ai attrapée et, fermant les yeux, j’ai tiré d’un coup sec.
Le sang a jailli. Maman a étouffé un cri en se crispant, puis elle est retombée contre Le Moine, le front sur son épaule.
– Fichons le camp! a ordonné Nicolas. Tout est perdu! » (p. 48-49)
« Le Moine l’avait sans doute déjà mise au courant de la tension qui régnait sur le bateau et, si la décision de ne pas attaquer la flûte avait été aussi longue à prendre – alors que, pour le Dauphin, tout s’était passé très vite –, c’était certainement parce qu’ils avaient envisagé les réactions possibles de l’équipage. » (p. 126)
- Figures de style en abondance (p. ex., opposition, métaphore, répétition, personnification, hyperbole, comparaison) recréant ainsi l’ambiance dans laquelle le narrateur est plongé.
« – Je comprends ce que tu ressens, Gilles, m’avait-elle répondu d’une voix douce. Jamais je n’aurais cru moi-même en arriver à de telles extrémités. Cependant, le chien qui défend le maître qui le bat et l’exploite vaut-il mieux, au bout du compte, que ce dernier? L’homme n’est un homme que debout. Nous, nous avons brisé nos chaînes, nous n’avons plus de maître. Nous sommes devenus des loups. » (p. 45)
« À ma connaissance, nous n’y avions ni famille ni amis. » (p. 53)
« J’avais vu la mer, enfant, bien souvent, après en avoir lu les descriptions dans les livres, et j’avais rêvé devant ces forêts de mâts et ces voiles qu’avaient gonflées tous les vents de la Terre. » (p. 54)
« Lady Killimer ressemblait à une momie. Elle nous souriait à demi, comme si la peau parcheminée de ses joues avait été tendue avec des épingles. » (p. 140)
- Séquences descriptives de personnages fixés dans un moment précis, véritables images visuelles, comme des tableaux, leur conférant toute la gravité du moment.
« Tout à coup, la porte de la cabine s’est ouverte et ma mère est apparue. Les hommes se sont instantanément figés. Son accoutrement était pour le moins curieux.
Sous la ceinture, elle portait ce costume informe de matelot, large pantalon de toile grossière, mais au-dessus elle avait revêtu une sorte de corsage brodé d’une élégance qui jurait avec le reste. Sur les épaules, elle avait jeté un châle à maille serrée. Enfin, elle avait relevé ses magnifiques cheveux noirs en un chignon compliqué maintenu par des peignes ne laissant libres, sur les tempes, que deux frisettes qui lui donnaient l’air d’une gouvernante de bonne famille. » (p. 88-89)
- Séquences narratives qui évoquent le passé du narrateur, démontrant ainsi une certaine prise de conscience une fois rendu à l’âge adulte, ainsi qu’un questionnement récurrent de sa part, à travers les péripéties, pour ainsi entretenir le suspense et, à la fois, permettre au lectorat de connaître ses pensées, ses peurs, ses sentiments.
« – […] Je ne me rendais pas compte à l’époque que ces hommes, qui méprisaient la faiblesse et jouaient volontiers les matamores en se vantant de leurs exploits guerriers, ne demandaient en fait qu’à suivre le premier chef assez audacieux pour leur faire face et parler plus haut qu’eux. » (p. 27-28)
« Jamais, d’ailleurs, je ne me serais cru capable de me jeter à corps perdu dans une mêlée de combattants furieux comme un chien de guerre, et encore moins d’y survivre. Ce que m’avaient appris ces expériences, et en tout premier lieu celle du village fortifié où, pour la première fois, j’avais tué un homme, c’est que la haine et la peur peuvent déclencher un courage qui peut manquer, parfois, aux soudards les plus aguerris. » (p. 106-107)
- Quelques séquences dialoguées qui permettent de suivre les interactions entre les personnages et d’y déceler leurs sentiments.
« – Où irons-nous, maintenant? ai-je demandé.
– Je crains que nous ne puissions plus trouver la paix nulle part. Après ce qui s’est passé ici, nous serons probablement considérés comme indésirables en Angleterre.
– Sommes-nous condamnés à errer sans fin sur la mer?
– Peut-être, Gilles. Il ne nous reste plus rien, de toute façon, si ce n’est la haine de tout ce continent. Mais je me battrai jusqu’au bout, c’est le seul désir qu’on m’a laissé. » (p. 162)