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La dernière allumette

Dernière cigarette pour des soldats sur le front. Dernier recours d’une jeune mère dans un bidonville. Dernier appel d’un romancier claustrophobe. Dernières larmes versées en plein désert. Dernier repas du condamné. Dernier combat de boxe… qui se termine mal.

Qu’elles soient campées au Canada, aux États-Unis, au Mexique ou en Égypte, les onze nouvelles réunies dans ce recueil font entendre des voix parfois désespérées, souvent désemparées, ironiques ou tendres. Acculés à leurs derniers retranchements, les personnages de La dernière allumette se retrouvent en équilibre sur le mince fil du présent, prêts à basculer dans le vide.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

 

À propos du livre

Contenu

  • Nouvelles littéraires courtes, touchantes, cherchant à laisser une impression plutôt qu’à raconter une histoire, tout en relatant des tranches de vie.

    « La nuit doit être bien avancée, car il fait de plus en plus froid et humide. Je sens plus mes muscles. Encore une journée pourrie avec une bruine fine et des tirs à n’en plus finir. Douzet et Maurand ont été désignés volontaires pour vider notre tranchée des cadavres puants. Avec leurs tripes à l’air et leur cervelle dispersée à peu près partout autour de nous, on fait pas moins salubre ici. Et nous, il faut qu’on reste et qu’on résiste. Dieu sait encore combien de temps cela va durer! » (p. 10)

    « Je ploie les genoux et me laisse cueillir par un autre coup, suivi d’un autre. Petit. Vif. Mesquin. Douloureux. Les dés étaient jetés avant le match. Pas la peine de se raconter encore des histoires et de faire semblant. Je le sais. Je suis fini. En touchant le sol, ma tête s’écrasant durement après mon épaule. Je l’ai senti. Et si je n’avais pas été aussi K.O., le public aurait entendu ma plainte. Un cri primal d’animal à l’agonie. Tout ce que j’étais, tout ce que j’avais disparaît là, maintenant, devant moi. Avec moi, alors que le voile noir descend et me coupe du reste du monde. » (p. 70-71)
     

  • Personnages peu nombreux, rarement identifiés, différents dans la plupart des nouvelles et participant à leurs derniers moments, entre autres, comme soldat, prisonnier, élève ou lutteur.

    « En face, l’ennemi a visé, épaulé et tiré. Deux impacts. Deux casques qui sautent. Deux corps qui s’affaissent dans l’abîme, alors même que l’allumette s’est éteinte. Le bout rougi des deux cigarettes allumées a été balayé lui aussi avant de disparaître dans l’obscurité de la nuit. Dernière lueur de vie. » (p. 16)

    « J’entends le roulement d’un chariot qui approche. Le voilà. Mon festin. Mon dernier repas. Celui du condamné. Quelques heures pour le savourer, l’ingérer et en garder le souvenir pour les siècles à venir. » (p. 30)
     

  • Narratrice ou narrateur participant dans dix des onze nouvelles pour raconter des moments d’intériorité, voire de solitude.

    « Je dors peu ou pas, suis soumise à un stress permanent qui dépasse le cadre et l’horaire de mon travail, abuse de caféine, de nicotine et d’antianxiolytiques. Je suis incapable de poursuivre une relation affective ou sexuelle au-delà d’une semaine et je me nourris de barres protéinées et de jus instantanés. Je compte dans mon carnet d’adresses les noms de célébrités politiques, financières ou du grand écran. En revanche, je rentre chez moi pour un chat de gouttière et je discute en ligne avec quelques abonnés de deux sites personnalisés. » (p. 60)

    « Allongée sur mon lit, je regarde le plafond. À travers mes paupières closes. Je devine chacune de ses rainures. Je sais, ça paraît fou. Mais c’est un fait. Ce plafond, il est imprimé sur mes rétines. Gravé à force d’avoir été fixé. Pendant les fièvres, sous le corps de Pablo, en veillant sur mes enfants malades. Pour me calmer et m’aider à penser. » (p. 75)
     

  • Thèmes sérieux (p. ex., la solitude, la mort, l’angoisse) traités avec finesse et profondeur tout en demeurant simplement dits.

    « La solitude, j’en ai l’habitude. Je la connais et je la pratique assidûment. Elle ne me gêne pas du tout. Les gens s’imaginent que c’est ce qu’il y a de plus pénible ici. Ils se trompent. Ici, l’insupportable, c’est justement l’inverse. Une agitation constante, des bruits à n’en plus finir… Aucune paix pour ses derniers jours, ses dernières heures. » (p. 25)

    « Mais qu’est-ce que la pensée d’un meurtrier? Un écran blanc? Un poison qui n’en finit pas de couler et de tuer? Qu’importe puisque demain… que dis-je ? Dans quelques heures, les vaisseaux sanguins qui irriguent ce cerveau détraqué arrêteront de fonctionner. Un malade de moins dans notre société. » (p. 29)

    « Le soir, je m’assure juste de rentrer saine et sauve chez moi et m’endors aussitôt pour pouvoir repartir à l’orangeraie le lendemain. Ma dernière a une santé fragile. J’ai peur de la perdre. J’ai peur de les perdre tous les trois. Je veux qu’ils aient un meilleur avenir que le mien. Je veux qu’ils mangent à leur faim et qu’ils aillent à l’école. Je n’ai pas d’argent. Ils n’ont plus de père. Je dois me débrouiller. Mais il semble que je ne suis pas douée. Que je n’y arriverai jamais. À joindre les deux bouts. À nous tirer de là. Pourtant, mes enfants rient. Parfois. » (p. 73-74)

Langue

  • Registre de langue courant, vocabulaire juste, parfois recherché; quelques passages en langue populaire selon le personnage qui parle.

    « La terre craquelle et s’effrite partout, grimaçant horriblement et exhibant ses gerçures immondes. […] Dans le village, les murs se lézardent, les ruelles offrent la sécheresse de leur poussière agglomérée et les puits sont à sec. Quelques fagots de bois. » (p. 41)

    « Mais dis donc, il vole bien bas, cet avion… !!!
    Ce n’est pas possible!…
    Nom de Dieu!
    …Allez, putain de cellulaire… tu me le passes, oui? » (p. 64)

  • Juxtapositions de phrases courtes donnant au texte un rythme rapide, ponctué.

    « L’ennemi est sans pitié. Sans fatigue aussi. À eux de se montrer vigilants. De tenir jusqu’à l’aube et de reprendre le combat. De vivre et de vaincre. Voilà le leitmotiv de ces années-ci. Les composantes de l’homme. Tenir, vivre et survivre. Pour vaincre. Et tuer. » (p. 10)

    « On échange alors des mots. Des regards. C’est comme ça que j’ai su pour la maison. Pour le trafic d’organes. Comment ça se passe? On prend rendez-vous. J’ai mon contact à l’orangeraie. Qui a son contact. Qui rapporte à Ernesto. Il attend. Il sait. » (p. 77)

  • Nombreuses descriptions de gestes, de sensations et de lieux réussies par l’accumulation de détails.

    « Le jeune loup est là et me regarde. Me raille-t-il? Je bats des cils en reposant mon verre sur la table et rechausse mes lunettes de soleil. Il s’approche sans se presser et se penche pour me les remettre sur la tête.
    – Tu n’as pas besoin de ça.
    Sa voix est chaude. Son tutoiement me choque et me fait mal. Agréablement mal. Sans que je l’y invite, il s’assoit en face de moi et étend ses jambes devant lui. Son pied touche le mien. Son audace me scie. » (p. 19)

    « J’ai dressé la liste de tous ces aliments qui croquent sous la dent, ceux dont le jus et la consistance régalent les papilles, ceux dont l’arôme et l’épice font remonter à l’esprit les souvenirs d’un autre temps, ceux dont la texture fond dans la bouche. » (p. 26)

    « Retour aux sources. Escapade du quotidien. Retrouvailles tendres et réconciliations avec soi. Du bleu, de la mer, des saveurs culinaires qui me semblent être restées loin derrière depuis trop longtemps. Le chant des cigales et la course du vent sur les flots. Je [une enseignante] sens déjà l’iode blanchir sur ma peau et l’olive tendre craquer sous ma dent. » (p. 32)
     

  • Figures de style abondantes (p. ex., métaphore, énumération, personnification, inversion) permettant d’apprécier le style imagé de l’auteure.

    « Les hiboux et autres prédateurs nocturnes ont préféré la chaleur de leur nid à l’encre de la nuit. » (p. 9)

    « La violence, l’exacerbation des passions et l’ennui de toute une génération qui se cherche et s’égare nous sont coutumières et n’impressionnent plus grand monde, à part les visiteurs. » (p. 18)

    « Dehors, le soleil sourit à la vie et fait courir ses rayons sur le ciment brillant de la route. » (p. 31)

Pistes d'exploitation

  • Inviter les élèves à discuter de la description de l’œuvre qui paraît à la quatrième de couverture en portant attention à chacun des mots-clés et en relevant des exemples du texte pour illustrer leurs propos.
    « Dans une écriture vive et sensible, Aurélie Resch propose des histoires singulières et touchantes, qui rappellent la fragilité de la destinée humaine. »
  • Demander aux élèves d’expliquer comment le titre de la dernière nouvelle de ce recueil pourrait devenir le titre du recueil lui-même : Cartes postales de la misère humaine.
  • Présenter le scénario suivant aux élèves : Imaginez que, tout comme le personnage principal de la nouvelle La dernière minute, vous devez rencontrer un collègue au World Trade Center, vous êtes témoin de la tragédie du 11 septembre 2001 et vous évitez la mort par un concours de circonstances. Écrivez un texte pour remercier la vie du cadeau qu’elle vous fait.
  • Entamer une discussion après la lecture de La dernière allumette à partir de l’idée que dans chacune des nouvelles, les personnages évoluent dans un encadrement différent. Les liens entre le contexte géographique et social et les thèmes abordés sont-ils accidentels ou essentiels? Que faudrait-il changer si l’action racontée se déroulait dans un milieu, voire un pays différent?

Conseils d'utilisation

  • Choisir les textes étudiés en fonction du lectorat visé, certaines nouvelles traitant de sujets délicats, par exemple Une coquetterie et La diagonale du fou.
  • Avant et durant la lecture du recueil, discuter avec les élèves de la solitude, de ses causes et de ses effets chez l’individu. Discuter ensuite du symbolisme de l’illustration de la page couverture.
  • Pour permettre aux élèves d’apprécier les décisions de l’auteur lors de l’écriture de son œuvre, comparer en classe le rôle et l’importance de la narration dans trois des nouvelles de ce recueil : La dernière allumette (narrateur participant), Le dernier jour d’école (une narratrice et deux narrateurs participants), Larmes de vie (narrateur omniprésent).
  • À la suite de la lecture de la nouvelle La diagonale du fou, discuter avec les élèves de la réalité du trafic et de la vente d’organes, qui se font de plus en plus dans certains pays ou quartiers défavorisés.