- Un personnage principal, Pascal Pigeon, homme dans la cinquantaine qui réalise son rêve de devenir écrivain tout en se vengeant; quelques personnages secondaires (p. ex., Béatrice, épouse puis ex-épouse de Pascal, le détective Peter Klomsky) dont le plus important est Camilla de Beaumarchais, célèbre critique littéraire.
« En fait, Pascal n’avait qu’un seul regret : ne pas être écrivain. L’idée de quitter cette terre sans laisser de traces lui était désagréable et décevante. Il souhaitait léguer ses mots, ses histoires et ses idées aux nouvelles générations. Il voulait qu’on le découvre avec bonheur, qu’on l’étudie dans les universités, qu’on le cite, qu’on l’admire, qu’on l’aime… tout simplement. » (p. 28)
« Paul Blondin, l’allègre animateur, salua Camilla de Beaumarchais, femme frêle, très mince, de petite taille, le regard allumé, le sourire impertinent, sûre d’elle. Trente-cinq ans, divorcée, sans enfant, elle séduisait autant par son intelligence et sa vivacité d’esprit que par sa beauté jugée singulière. Cheveux longs, lisses, teints en noir jais avec une seule mèche bleu prussien sur la tempe droite. Le teint clair, les yeux bleu faïence, en amande, le menton légèrement pointu et le nez allongé, conféraient à son visage une ressemblance avec les femmes des tableaux de Modigliani. » (p. 51)
« – Écoutez-moi bien, Monsieur L’Oiseau-Machin, je n’ai pas l’intention de m’éterniser dans votre fichu château! grinça Camilla. […]
– Donc, je résume : vous me séquestrez pendant une année. Je serai logée, nourrie et blanchie pour que j’écrive un roman. Quand j’aurai terminé, je retournerai à ma vie, comme si rien ne s’était passé, c’est bien ça?
– C’est juste. » (p. 108)
- Narrateur omniscient dans l’ensemble de l’œuvre qui révèle les pensées et états d’âme des personnages et qui permet de suivre leur évolution psychologique.
« Pascal posa son verre sur la table en secouant la tête. Était-il trop tard pour devenir cet écrivain? Le chemin du succès était-il praticable? S’était-il fixé des objectifs réalistes? Avait-il le talent et l’énergie de ses ambitions? Disposait-il d’assez de temps pour bien écrire? Laisser son poste de traducteur pour se consacrer à l’écriture semblait être la situation idéale, mais il s’agissait là d’un choix peu judicieux pour qui veut s’assurer une retraite confortable. » (p. 29)
« Pascal n’entendit même pas le reste de la phrase de son éditeur tant l’émotion l’étreignait. Tout allait si vite! Voilà que son roman serait présenté à la télévision nationale, dans l’émission culturelle la plus populaire du pays, commenté par la plus illustre des critiques littéraires. » (p. 49)
« La bouche arrondie, Camilla le regarda quitter la pièce. Puis, se ressaisissant, elle s’élança vers la porte et s’escrima sur la poignée. Évidemment, elle était déjà verrouillée. Elle aperçut une autre porte, près de la fenêtre. Fermée elle aussi. La panique s’empara d’elle. Elle s’assit pour rassembler ses idées et ses souvenirs. Elle pensa à Brigitte Boily. Ce ne pouvait être qu’elle… à moins qu’elle aussi soit victime de ce fou, captive quelque part dans cette prison. » (p. 92)
- Descriptions détaillées et imagées qui situent bien les lieux et temps de l’action et qui appuient le développement de l’intrigue.
« Bâti au cœur d’une forêt de quinze acres, le château, comme s’amusait à l’appeler Pascal, comptait, entre autres pièces, cinq chambres à coucher, une immense cuisine, deux salles à manger, deux salons, une salle de cinéma, et une tour. C’est dans cette tour que Pascal élut son quartier général : un bureau avec vue sur un ruisseau dévalant à travers les conifères. Il entra d’un pas solennel, là où il écrirait ses plus beaux romans. » (p. 37)
« Le premier jour d’allure printanière fut radieux et splendide. Tôt le matin, Camilla descendit dans son jardin cloîtré où elle put respirer le grand air et apprécier le bleu du ciel. Elle resta de longues heures à rêvasser en écoutant le chant des oiseaux. Elle pensa à la vie grouillante à l’extérieur de ces murs, aux poursuites qu’elle allait intenter contre son ravisseur. Il venait de lui voler deux mois de sa vie, et Dieu sait combien d’autres il allait lui prendre. » (p. 165)
« Fatigué, triste un peu aussi, Pascal ne s’était jamais senti aussi vulnérable au charme de Camilla. Hier, il avait pris la ferme décision de ne rien tenter pour la conquérir. Puis, quand il vit ses yeux d’eau douce posés sur lui, il se demanda si ce n’était déjà fait. Sans un mot, elle mit ses mains autour de son cou et l’embrassa tendrement. Il répondit à son baiser, sans fougue, sans élan. Un baiser d’adieu dans les règles de l’art. » (p. 223)
- Nombreuses séquences dialoguées qui contribuent à la vraisemblance de certaines situations et qui permettent de bien saisir les liens entre les personnages.
« Devant l’air ahuri de sa femme, Pascal s’arrêta.
– Si écrire te rend heureux, alors écris! dit-elle. Cependant, je te fais remarquer que l’année que tu as consacrée à l’écriture de ton roman n’a pas été la meilleure pour notre vie de famille.
– C’est vrai. Je ferai un effort pour établir un meilleur équilibre. » (p. 61)
« – N’avez-vous jamais entendu parler de critique constructive?
– Foutaise! Comme s’il incombait à la critique de parfaire le talent des artistes!
– Je sais, vous, c’est l’opération de destruction massive qui vous stimule. Carboniser les auteurs, ça vous connaît! Plusieurs ont déjà appris de quel bois vous vous chauffez… moi compris!
– Le sang ne peut pas sortir d’un navet, cher Monsieur Pigeon, dit Camilla, avec superbe.
– N’est-ce pas plutôt que vous trouvez les raisins toujours trop verts? répliqua Pascal.
Tous deux semblaient prendre un certain plaisir à cette joute verbale. » (p. 153)