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Il faut me prendre aux maux

Inutile d'essayer de départager la réalité de la fiction, le vrai du faux, le vécu du non-vécu dans les tableaux qui suivent, car tout y est vrai, et tout y est faux pourvu que l'on accepte le principe que les mots propagent indifféremment la vérité et le mensonge, la réalité et la fiction. En bout de piste, ce sont les mots qui nous inventent, qui nous engendrent. Mais pour la suite des choses, il est plus juste de dire que ce sont les maux qui nous créent.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Recueil de quatorze récits, véritables nouvelles humoristiques, dont le contenu est présenté, avant même l’avant-propos, par deux citations judicieusement choisies : la première de Maupassant et l’autre de Montaigne; avant-propos servant à préciser davantage la teneur de l’œuvre.

    « Mon Dieu! Mon Dieu! Je vais donc écrire ce qui m'est arrivé! Mais le pourrai-je? Cela est si bizarre, si inexplicable, si incompréhensible, si fou! » (p. 5)

    « Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un sujet si frivole & si vain. À Dieu donq. » (p. 5)

    « Est-ce que tout cela est vraiment arrivé? Est-ce que l’auteur nous abuse en nous racontant ses petits moments de vie plus ou moins pathétiques et ses lubies? Sont-ce là des fragments authentiques ou purement fantaisistes d’une autobiographie bassinante? » (p. 7)
     

  • Définition encyclopédique d’un mot-clé au début de chaque récit (p. ex., MIRAGE, APITOIEMENT, ZIZANIE, ÉTOURDERIE), que l’auteur utilise alors comme thème pour faire l’autodérision de son existence ainsi que montrer l’absurdité de la vie quotidienne.

    « ÉTOURDERIE,
    n. f. du latin turdus (grive, merle, linotte), dont dérive le latin populaire exturditus (fait d’agir sans attention, étourdi, tête de linotte). […]
    Quatre cents kilomètres à me taper sans carte d’identité, sans permis de conduire, sans certificat d’immatriculation, sans un sou en poche, dans un pays "étranger". » (p. 55 et 62)

    « DOUTE […]
    Le temps est au doute, au refus, au rejet, à la négation, à la dénégation. On conteste l’existence de Dieu, des anges, des licornes, des dragons et des sirènes. On a amputé le diable de sa queue, de ses cornes et de ses griffes. On met en doute l’honnêteté des hommes d’affaires, l’intelligence des politiciens, la moralité des scientifiques, la sagesse des philosophes. » (p. 85 et 87)

    « AVEUGLEMENT […]
    Après une panne de courant de près de neuf heures, je lus à l’écran de mon ordinateur cette ligne castratrice : "Windows n’a pas été fermé correctement. Il est possible que certains fichiers…" » (p. 133 et 141)
     

  • Narrateur participant, à la fois personnage principal, souvent porteur d’une opinion philosophique sur lui-même; rares personnages secondaires, ne servant au narrateur qu’à illustrer le thème de son récit. 

    « Dans la conduite de ma propre vie, je n’ai jamais cru à quelque déterminisme que ce soit, ni génétique, ni financier, ni lunaire, ni climatique, ni libidinal, ni homéopathique. Je suis totalement libre en tout temps de penser ce que je veux, de faire ce dont j’ai envie. » (p. 11)

    « Je ne sais rien de la vie ni de la mort; je ne sais rien de la nature profonde de l’univers, ni des huîtres d’ailleurs, ni des régimes hypocaloriques […] Tout est pour moi énigmatique, voilé, labyrinthique. » (p. 67)

    « CONFUSION […]
    Constance s’employait pendant six bonnes heures à détecter et à poursuivre avec vigueur les poussières, à astiquer les meubles et à nettoyer les parquets.
    […] mais je ne reconnaissais guère les profils si familiers en bosses et en creux des rayons de ma bibliothèque. » (p. 117 et 128-129)

    « AVEUGLEMENT […]
    Sophie, notre cicérone aveugle, y est certes pour quelque chose. Alerte, enjouée, prévenante, elle prend plaisir à écouter nos petites détresses, nous ouvre les yeux sur son monde d’obscurité. Elle qui, de sa vie, n’a jamais vu un être humain en connaît mieux que quiconque les replis de l’âme. » (p. 133 et 140) 
     

  • Lectorat souvent interpellé et lié au narrateur participant par une complicité certaine.

    « [Entre nous, combien faut-il de terre pour satisfaire aux besoins d’un homme? Vous connaissez peut-être cette légende étrange racontée par Tolstoï. Un jour, dans la steppe… ] » (p. 14-15) 

    « Que pensez-vous qu’un bouseux comme mon voisin faisait de ce fumier abondant? Je vous offre un choix de réponses (placez un X dans la case appropriée, vous pourriez recevoir ma brillante formule sur un aimantin [magnet] phosphorescent)… » (p. 52)

Langue

  • Langue vive, philosophique et parfois poétique, où alternent les registres soutenu, courant, familier et populaire, démontrant un souci intellectuel d’abord, mais évoquant également la condition humaine d’une société bigarrée.

    « Certains esprits malicieux, retors et dépravés particulièrement imaginatifs se sont d’ailleurs ingéniés à brouiller mes repères. Un seul exemple de leur scélératesse suffira, je l’espère, à vous les rendre à jamais odieux. » (p. 23)

    « Les écrivains, qui doivent affronter la désinvolture cynique de la critique, l’insensibilité encroûtée des éditeurs, le parti pris tenace des libraires, la jalousie inavouée des confrères, sans compter la médiocrité navrante de leurs œuvres, sont particulièrement doués pour ce type d’exercice. » (p. 35)

    « J’suis pas v’nu icitte pour faire des manières. Écoute-moi ben, crachai-je, j’en ai plein le c… d’entendre à cœur de jour ton c… de "Pays bleu" et le gueulard de Whittaker. J’en ai ras le c… d’avaler tes c… de chansonnettes. » (p. 49)

    « Mais moi, à quel type de voisins appartiens-je? Un peu contrit, je me heurte à l’implacable aporie : si tout le monde désire avoir de bons voisins, bien peu s’appliquent à exaucer ce vœu. » (p. 54)

    « Je suis à la recherche de la sensualité du monde. Je souhaiterais être le cartographe d'une nouvelle carte de Tendre, où montagnes et forêts, grottes, fontaines et ruisseaux seraient autant de lieux qui éveillent le désir. Qu'Éros me vienne en aide! » (p. 174)
     

  • Humour aux multiples visages (p. ex., mot inventé, aparté fréquent, calembour facile, description souple, multitude de mots de remplacement, ridicule quotidien), donnant à l’œuvre toute son éloquence.

    « Sur les conseils aussi bien attentionnés que déraisonnables de mes experts en bœuferie, avec qui il m’arrivait [très occasionnellement, je vous le jure] de prendre un verre… » (p. 20)

    « …je me sentais à l’aise aussi bien à l’étable qu’à l’université, que de toute manière la différence entre les deux institutions n’est pas si grande qu’on le croit, les deux pour remplir leur mission ayant besoin de beaucoup de foin! » (p. 24)

    « Les enchères montaient, montaient… Un rival poussait contre moi. À 500 $, le malotru manqua de souffle. Le marteau tomba : "Taureau adjugé à Bureau", rugit le crieur aux poumons d’acier. » (p. 27)

    « Or à l’instant où il entreprend la délicate manœuvre d’inclinaison, une forte décharge électrique lui traverse la région lombaire. […] son vaillant cosaque est en voie de rendre l’âme. […] Le grand éclopé […] L’estropié […] le bougre […] Notre martyr […] son hidalgo […] l’inculpé […] au blessé dénudé… » (p. 38 à 41)

    « J’avais dit "par auteur", elle avait compris "par hauteur"! Le mode de rangement inventé par Constance m’émut… » (p. 129)
     

  • Nombreuses figures de style parmi lesquelles la comparaison, l’énumération et la métaphore jouent un rôle capital pour témoigner de la condition humaine au quotidien.

    « L’agonisant a toutes les peines du monde à s’asseoir, à se coucher, à se lever […] il suit des émissions de télé aussi captivantes que les Grilles horaires, Yogi l’ours, Les arpents verts, Les Pierrafeu, Johnny Hallyday à l’Olympia le 9 octobre 1961, Les sentinelles de l’air… » (p. 38)

    « Je garde en mémoire le locataire d’une maison jumelée, au mur mitoyen aussi insonorisant qu’un écran de fumée… » (p. 48)

    « Je surprends des voitures de police partout […] Ils me cherchent, ces flicards […] En voilà justement un qui me double […] il me sourit et m’adresse un salut de sa main droite. Ah! le vilain loup qui tente de me séduire pour mieux me dévorer. » (p. 62-63)

Référent(s) culturel(s)

  • Allusions à la francophonie canadienne de divers milieux : Maria Chapdelaine (milieu culturel), Jean-Guy Bertrand (milieu judiciaire), Denise Bombardier (milieu journalistique).
  • Nombreuses autres allusions aux auteurs internationaux : Maupassant, Montaigne, La Fontaine, Rabelais, Rousseau, Rimbaud, France, Saint-Exupéry, de Montherlant, Villiers.
  • Quelques mentions de villes ou lieux francophones tels Québec, l’île d’Orléans et Montréal.

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves de comparer un récit de Bureau avec un récit de Montaigne ou de Maupassant afin de découvrir les caractéristiques du genre et d’identifier les styles des auteurs.
  • Dans le cadre d’un cours à la bibliothèque, inciter les élèves à faire une recherche de tous les auteurs et toutes les œuvres que Luc Bureau mentionne dans son livre.
  • Inviter les élèves à rédiger un récit en s’inspirant d’un mot thème, tel que l’a fait l’auteur à quatorze reprises dans son œuvre.
  • Demander aux élèves de commenter, en détail, la page couverture du livre et d’en proposer une autre.

Conseils d'utilisation

  • Avant la lecture, aborder avec les élèves le sujet délicat de la sexualité, contenu dans le chapitre sur la perfidie, et discuter également de la portée philosophique, voire existentialiste, de l’œuvre.
  • Avant la lecture, prévenir les élèves du ton narquois ou sarcastique de l’auteur.
  • Tout au long de la lecture, faire remarquer aux élèves une grande variété de figures de style et expliquer leur apport à la qualité de l’écriture et au récit.
  • Compte tenu des points mentionnés précédemment, réserver cette œuvre à des élèves chevronnés en lecture.