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En pleine terre

Avant d’écrire son célèbre roman, Le Survenant, Germaine Guèvremont avait publié des « paysanneries » et des contes. La plupart ont paru, à compter de 1938, dans la revue Paysana. Ils seront ensuite regroupés dans un livre, sous le titre évocateur de En pleine terre, édité pour la première fois en 1942. On voit déjà apparaître dans ces pages plusieurs des personnages auxquels s’attacheront les centaines de milliers de lecteurs de Germaine Guèvremont : Didace, Amable, Phonsine, Marie-Amanda…

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Personnages principaux différents selon les textes, la plupart d’entre eux issus du clan des Beauchemin, notamment Amable, Marie-Amanda et Didace.

« L’éclaircie qu’il a raclée à l’aide de ses gros ongles et qu’il a élargie à la chaleur de son souffle, dans le frimas qui engivre la vitre, permet à Amable Beauchemin d’observer les choses du dehors. Assis près de la fenêtre, il suit des yeux, sans les voir, les charrois de bois qui défilent lentement sur le chemin du roi. » (p. 9)

« Le soleil avait glissé derrière les arbres tassés en forêt quand Marie-Amanda se décida à rentrer. La tombée du soir teintait de violet la commune et fraîchissait l’air tiède de tantôt. Le tourment, oublié un instant, de songer que son amoureux retournerait naviguer la reprit avec un regain d’énergie. » (p. 21-22)

« Depuis que le malheur était entré dans la maison, la voix du maître avait perdu de son aigreur et les angles de son caractère s’étaient arrondis, pour ainsi dire, au frottement du chagrin. Comme le vin, Didace s’abonnissait en vieillissant. » (p. 59)

  • Nombreux personnages secondaires, tous vraisemblables et originaux, appartenant surtout à la communauté de la région du Chenal du Moine.

« LÀ-BAS DANS LES TERRES BASSES, au bout du chemin herbu qui meurt à la lisière du bois, vivait un homme tout différent des autres. Entouré des plus humbles, il ne connaissait pas l’humilité de cœur. Grand de taille, les épaules renversées, le corps raidi d’orgueil, il portait la fierté comme un roi la pourpre, et son regard altier, planant au-dessus des choses, semblait régner sur quelque empire secret. […] De son nom Godefroi, on avait fait Defroi… » (p. 67-68)

« Sèches et ossues, jaunes de teint, Ombéline et Énervale, les filles à Déi Mondor, avaient passé fleur depuis longtemps : elles approchaient de la soixantaine. À cause de la dignité de leur maintien et d’une réserve exagérée dans leurs relations avec le voisinage, on ne les nommait pas autrement que : les Demoiselles. » (p. 118)

  • Recueil de paysanneries et de contes entrelacés, souvent enchâssés les uns dans les autres, dont les thèmes traditionnels (p. ex., religion, us et coutumes) rappellent le Québec d’autrefois.
  • Mise en page aérée; œuvre divisée en dix-huit courts récits, regroupant des textes littéraires de structures variées (p. ex., récit, monologue, poème, conte) suivis d’un lexique regroupant des termes et des expressions d’antan; éléments graphiques (p. ex., italiques, symboles indiquant un laps de temps ou un changement de scène, points de suspension, guillemets, majuscules) facilitant l’interprétation du texte; renseignements sur l’auteure et liste de ses œuvres au début; proverbe espagnol précédant le quinzième récit; table des matières et liste d’ auteurs publiés dans la collection à la fin.

Langue

  • Registre de langue courant dans les séquences narratives; mots moins connus (p. ex., plantureuses, fournil, rasade, héliotrope, riverains), compréhensibles grâce au contexte; vocabulaire désuet (p. ex., veilloche, repoussi, jeunesser) expliqué dans le lexique; registre de langue familier dans les séquences dialoguées (p. ex., quêteux, te greyer, moé, j’parle p’us, flambant neuf) et abondance de régionalismes (p. ex., sa blonde, chauffe le poêle, fiérot, tomber tour dret, mille piastres) reflétant le parler de l’époque en milieu rural.
  • Phrases transformées et phrases à construction particulière; variété de types et de formes de phrases; phrases courtes lourdement ponctuées, dans les dialogues, traduisant les émotions des personnages; emploi du présent, du passé simple et de l’imparfait de l’indicatif dans la narration.

« « Pas besoin de vous dire que j’ai pas vidé mon assiette jusqu’au fond. Le garde-chasse finit par partir. Encore sur le seuil de la porte, il nous remerciait, la bouche fendue d’un travers à l’autre de la face, en s’excusant de nous avoir causé du trouble.
– Y a pas d’offense, que j’réponds, en riant plus fort que lui, à mon tour.
« Le samedi suivant, je m’adonnais à passer par le Petit Fort quand je rencontre une connaissance qui me dit : Paraît que tu manges de ce qui porte plume, à c’t’heure?
– Qui c’est qui t’a parlé de ça? que je demande.
« Devinez qui? Mes vieux! devinez qui! Le garde-chasse! Et par-dessus le marché, y avait conté devant toute la compagnie, à l’hôtel, que si jamais j’me vantais de pas manger rien de ce qui porte plume, il me ferait payer l’amende. » » (p. 63-64)

« Et Marie-Ange grandit dans la pauvreté et la joie jusqu’à ce qu’elle eût seize ans. Un midi, en allant comme à l’ordinaire puiser l’eau à la rivière, elle vit, dans une embarcation à la dérive, un jeune étranger qui lui souriait. » (p. 70)

  • Nombreux procédés stylistiques (p. ex., personnification, énumération, métaphore, comparaison, antithèse) illustrant joliment le décor ou la description des événements.

« « Le temps se chagrine […] » » (p. 32)

« Aux yeux des convives éblouis défilaient en procession les charlottes russes, les bagatelles, les blancs-mangers roulés en lions, les œufs à la neige… » (p. 40)

« Tandis qu’il s’assoupit à son tour, des images éparses voyagent dans les lointains de son rêve. » (p. 94)

« – […] Elle s’est éteinte comme une lampe qui manque d’huile. Elle a passé, sans une plainte, comme un petit poulet. » (p. 90)

« Seuls le riche ou le pauvre peuvent être extravagants. » (p. 126)

  • Multitude d’expressions imagées permettant d’apprécier le style de l’auteure.

« Un frisson la parcourait de la tête aux pieds et elle sentait que, malgré la grande chaleur, elle avait la chair de poule. » (p. 50)

« Didace vit rouge… » (p. 57)

« Didace, resté de fatigue, qui cognait des clous dans son coin, s’était réveillé. » (p. 78)

  • Prédominance de séquences descriptives qui apportent des précisions sur les personnages et les situent, entre autres, dans leur milieu social ou familial; quelques séquences dialoguées qui permettent de mieux comprendre les relations entre les personnages.

« [… ] Prié de chanter, le chanteur de couplets s’était affaissé sur une chaise, dans l’attitude du complet découragement, comme si semblable invitation signifiait pour lui le pire des malheurs. Prostré, les yeux mi-clos, il s’était recueilli. Soudain il sortit de sa torpeur : ce ne fut d’abord qu’un frémissement des orteils, puis un mouvement plus accentué du pied droit, avant de devenir un plein accompagnement du genou et de la jambe. La voix du chanteur s’éleva… » (p. 40)

« – Vous savez que je fréquente Marie-Amanda pour le bon motif?
– Sans doute.
– Quoi c’est que vous diriez si je la mariais, vot’ fille?
– Je dirais… ah! je dirais rien en tout. » (p. 81)

« [… ] D’avoir cette fleur vivante, la chair de leur chair, accrochée à son cou, de regarder sa fière épouse accomplir pour leur joie à eux trois la besogne nécessaire, il tressaille de bonheur, d’un débordement de bonheur. Il voudrait en parler le surplus à Marie-Amanda, d’un parler franc, dans le droit fil de la vérité, mais il ne le peut pas. Toutes les choses qui rendent son sentiment fort et d’un grain serré sont liées à lui : elles adhèrent à lui comme l’écorce à l’arbre, il ne saurait les détacher pour en faire des mots. » (p. 93-94)

Référent(s) culturel(s)

  • Référents culturels et géographiques de la francophonie canadienne (p. ex., Montréal, Sorel, Québec, Chenal du Moine, Maskinongé).
  • Mention du réveillon et des chansons à répondre, traditions québécoises.

Pistes d'exploitation

  • Avec les élèves, analyser le tableau d’Edmond-Joseph Massicotte à la première de couverture du livre. Leur suggérer, regroupés en dyades, d’effectuer une recherche sur les peintres ayant créé des scènes représentatives de la société canadienne-française de l’époque (p. ex., J.P. Lemieux, Clarence Gagnon), puis de créer une nouvelle page couverture pour représenter la société canadienne-française du XXIe siècle. Animer une mise en commun afin de leur permettre de présenter leur création au groupe-classe.
  • Demander aux élèves, réunis en équipes, de créer une saynète relatant un des contes du recueil (p. ex., Une grosse noce), puis les inviter à la présenter devant le groupe-classe.
  • Lire aux élèves l’œuvre Le Survenant, de la même auteure. Leur demander, réunis en équipes, de comparer les deux œuvres en tenant compte de critères particuliers (p. ex., langue, personnages, conflits). Les inviter à présenter leur travail au groupe-classe à l’aide d’un outil organisationnel.
  • Présenter quelques expressions idiomatiques (p. ex., donner sa langue au chat, faire d’une pierre deux coups, mettre la main à la pâte). Proposer aux élèves de noter, au cours de la lecture, les nombreuses expressions idiomatiques qu’utilise l’auteure (p. ex., un vent à écorner les bœufs (p. 21) ; les joies simples ne s’achètent pas à prix d’or (p. 21) ; ça tombait comme des mouches (p. 61)). À la suite de la lecture de chaque chapitre, définir, en groupe-classe, les expressions relevées, puis inviter les élèves à les ajouter dans leur carnet de lecture.

Conseils d'utilisation

  • Accorder une attention particulière aux sujets délicats dont on traite dans l’œuvre (p. ex., noyade, décès d’un être cher).
  • Encourager les élèves à lire d’autres recueils de contes, tels que Contes et récits de l’Outaouais, tome 1, et Les Contes d’Émile et une nuit, dont les fiches pédagogiques se trouvent dans FousDeLire.

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 4e à 10e année, Série : Contes à la belle étoile, divers épisodes.