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Anatomie d’un suicide et autres mensonges

Un appartement à moitié vide, un homme désespéré, un ordinateur. Avant de poser un geste irréparable, l’homme s’installe devant son clavier et se met à écrire. Il interpelle le lecteur et l’invite à le suivre dans une exploration qui prend parfois des détours inattendus. « Que vous le vouliez ou non, nous sommes maintenant partenaires dans toute cette histoire, enfin, jusqu’au moment où vous déciderez d’arrêter de jouer. S’il y a quelqu’un de mal placé pour décréter qu’on devrait continuer à jouer quand on ne veut plus, c’est bien moi! » Défile sur la page la trame d’une vie apparemment banale jusqu’au moment où tout bascule. En racontant l’enfant mal aimé, l’adolescent désabusé, l’adulte tenaillé par l’angoisse, notre homme devient, presque malgré lui, le héros de son propre roman. Que cherche-t-il au juste? Et à qui s’adresse-t-il vraiment?

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Roman qui s’apparente à un essai autobiographique thérapeutique.

    « Je ne les baisais pas toutes (ceci est un essai autobiographique après tout, pas un roman!), mais je les côtoyais, je m’immisçais dans leur vie, je devenais leur ami, leur confident, leur compagnon d’étude, leur chevalier servant, leur punching bag – j’avais l’habitude – et parfois, lorsque les étoiles s’enlignaient en ma faveur, leur amant. » (p. 82)

    « Une des trames de ma vie que je devrais certainement dérouler afin que vous me compreniez mieux (est-ce donc ça mon objectif, être mieux compris? Avouons que ça fait pas mal pathétique!), ce sont mes nombreuses tentatives de soulager mon mal de vivre par des médicaments, thérapies, régimes ou autres recettes miracles. » (p. 113)

    « Et moi, une semaine plus tard, je m’apprête à refermer ce carnet pour de bon. J’ai le goût de vous remercier de m’avoir accompagné jusque-là, mais je sais maintenant que vous n’existez pas, que c’est à moi-même que j’écrivais depuis le début. » (p. 201)
     

  • Narration écrite à la première personne, le narrateur participant, dont on ne connaît jamais le nom, racontant des épisodes troublants de sa vie et présentant son propre point de vue au sujet des gens qu’il côtoie.

    « Au fond, si je veux être complètement honnête, et l’honnêteté est, malheureusement sans doute, une des qualités dont je suis affublé, je dois avouer que mon désir de déranger le moins possible par ma mort est moins grand que mon désir de mourir. » (p. 10)

    « Tout ça pour dire qu’il y a plein de choses dont je ne vous parle pas et qui importent peu : elles n’ont pas changé le cours de ma vie et n’influeront en rien sur ma décision ultime. Ma relation avec Violaine (voilà, j’ai réussi à écrire son prénom) n’en fait pas partie et, si je veux continuer à être honnête avec vous et avec moi-même, je devrai vous en parler. Seulement, pas tout de suite. » (p. 112)

    « Au fond, je crois que je voulais avant tout épargner les deux filles. Leur vie avait été suffisamment chamboulée comme ça, je ne voulais pas ajouter à leur fardeau. Moi qui jugeais sévèrement l’égoïsme de leur mère qui n’avait pas su les mettre à l’abri de ses démons, je me refusais à poser un tel geste sans tenir compte de l’impact sur elles. » (p. 190)
     

  • Réflexion sur l’importance de la parole, sur le geste de dire, d’écrire et sur le désir de créer un lien avec le lecteur.

    « Je ne sais pas ce qui me poussait au juste à retranscrire ensuite presque mot à mot ces scènes ridicules. […] J’écrivais à toute vitesse, jusqu’à en avoir mal à la main tellement je tenais mon crayon serré. J’écrivais d’un seul souffle, comme si j’étais en transe, et j’arrêtais subitement lorsque j’avais tout dit, tout noté, dans les moindres détails. Il m’arrivait rarement d’ajouter autre chose, une réflexion, un commentaire ou une émotion. Il me semblait que c’était complet en soi : qu’est-ce que j’aurais pu dire de plus? » (p. 47-48)

    « Il faut que j’arrête de tout remettre en question. Tout ce que j’ai écrit, je le croyais au moment de l’écrire. C’est la seule réalité à laquelle je puisse m’accrocher. Lorsque je laisse les mots couler d’eux-mêmes, sans les examiner, les juger ou en freiner le flot, c’est là qu’ils me semblent le plus vrais. Je vais donc me laisser aller à vous raconter combien j’ai été heureux durant ces années tumultueuses. » (p. 158)

    « Maintenant que j’y suis, je ne sais pas trop comment procéder. Je m’en veux un peu de vous avoir entraîné jusque-là avec moi et en même temps, votre présence, bien qu’uniquement le fruit de mon imagination, m’est d’un certain réconfort alors que je m’apprête à revivre les semaines au cours desquelles ma vie a basculé. J’imagine que la seule chose à faire est de tout raconter, simplement, froidement, franchement. » (p. 177)
     

  • Récit sérieux parsemé de passages humoristiques, reflets d’une certaine légèreté chez le narrateur participant.

    « Une heure ou deux plus tard, elle se levait brusquement, semblait surprise de me voir là, à côté d’elle, et se remettait à bourrasser (tiens, mon correcteur informatique me souligne que ce n’est pas un mot, mais il me semble bien que c’est ce qu’elle faisait. Bourrasser : déplacer beaucoup d’air, comme une bourrasque, en marmonnant d’un ton bourru). C’était à rendre fou et d’aucuns affirmeront sûrement que je l’étais. » (p. 25)

    « Je constatais que, bien qu’ils observassent (pardonnez-moi, j’ai toujours eu un petit faible pour l’imparfait de subjonctif!) les pratiques religieuses prescrites, ils n’avaient pas laissé la Lumière les pénétrer. » (p. 55)

    « Saint Pierre : Vous voudriez aller où, alors ?
    Moi : Nulle part.
    Saint Pierre : Nulle part?
    Moi : C’est ça, nulle part.
    Saint Pierre : C’est impossible.
    Moi : Comment ça, impossible? Je me suis tué parce que je voulais être mort, pas pour aller vivre ailleurs.
    Saint Pierre : Vous vous êtes tué? C’est sérieux, ça. C’est un péché mortel, vous savez. Vous êtes-vous repenti avant de mourir?
    Moi (Sarcastique.) : Non, mais je commence à le regretter de plus en plus!
    Saint Pierre : Avec une telle attitude, vous ne me donnez pas d’autre choix que de vous envoyer en enfer.
    Moi : C’est quoi, l’enfer?
    Saint Pierre : C’est de ne pas voir le visage de Dieu.
    Moi (Horrifié.) : Oh! non, vous allez donc me renvoyer sur Terre! » (p. 59)

Langue

  • Descriptions détaillées permettant de bien saisir l’état physique et psychologique des personnages.

    « Je regarde autour de moi et mon appartement à moitié vide ressemble à une chambre d’hôtel anonyme. Je me sens étranger chez moi, étranger dans mon propre corps. J’ai l’impression de perdre pied, de ne plus vraiment être là, de ne plus être assis devant mon clavier à écrire cette phrase. J’ai souvent senti que ma vie avait quelque chose d’irréel, de flou, mais là c’est pire. Est-ce cela " l’insoutenable légèreté de l’être […]?" » (p. 93-94)

    « Au bout de quelques heures, elle en savait plus sur moi que la plupart des gens et je ne savais rien d’elle. Non, ce n’est pas tout à fait vrai. Je savais qu’elle avait une fossette juste du côté droit, que même lorsqu’elle souriait, ses yeux gardaient quelque chose de sérieux, qu’elle avait quelques cheveux argentés dans son épaisse chevelure brune, qu’elle fumait avec avidité, tout en s’en excusant d’un haussement d’épaule qu’elle aurait voulu désinvolte mais qui paraissait plutôt défaitiste… » (p. 139)

    « Je ne sais toujours pas ce que je ferai du reste de ma vie mais pour l’instant, ça ne me dérange pas vraiment. À vrai dire, je me sens plutôt bien, pas heureux, non, le terme serait trop fort, mais juste correct. […] Je ne peux pas être certain de ne plus jamais penser au suicide, mais pour le moment, j’ai encore le goût de me lever le matin et de profiter d’une autre journée. Cela me suffit. Que pourrais-je vouloir de plus? » (p. 201-202)
     

  • Nombreuses figures de style (p. ex., comparaison, répétition, énumération, métaphore) et structures inhabituelles de phrases ajoutant une touche particulière à la couleur et à la portée du récit.

    « Quant à ma mère, discuter avec elle, c’était comme se défendre contre une pieuvre : dès qu’on réussissait à se défaire d’un tentacule, il y en avait deux ou trois autres qui s’entortillaient autour d’un bras, d’une jambe, du torse, au point qu’on ne savait plus où donner de la tête et qu’on finissait par cesser de se débattre, étourdi, épuisé, défait. » (p. 52)

    « Je n’ai pas souvent pleuré dans ma vie, après les pleurs inévitables de l’enfance, mais ce jour-là, je me rappelle avoir voulu pleurer, pleurer parce qu’il faisait beau et que personne ne s’en rendait compte, pleurer pour le bébé dont cette famille de fous n’allait faire qu’une bouchée, pleurer pour Jacinthe qui se tenait toute raide à mes côtés, le regard clos et les trais durs, pleurer parce que parfois, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. » (p. 129-130)

    « Elle avait complété son éducation par un menu éclectique d’émissions de télé : jeux questionnaires, documentaires, talk-shows américains (Oprah était son idole), séries dramatiques, tribunes téléphoniques. D’autre part, elle refusait d’écouter les nouvelles (c’est trop déprimant), ne s’intéressait ni à la politique (qu’est-ce que ça va changer dans ma vie que ce soit un gouvernement libéral ou péquiste, ce sont tous des hommes, tous des menteurs et tous des voleurs), ni à la culture (je ne comprends rien à ces affaires-là). » (p. 143)
     

  • Registre de langue courant dans l’ensemble de l’œuvre; vocabulaire juste, parfois recherché et quelques passages en langue familière selon le contexte ou l’effet recherché.

    « Vous êtes bien aimable de m’avoir accompagné jusque-là dans mes réminiscences et mes divagations, mais ça me fait très étrange de ne pas savoir qui vous êtes. » (p. 33)

    « Mon père et moi rivalisions donc de mutisme pendant que ma mère ergotait, que ma sœur pleurnichait et que le thérapeute dépassé se contentait de hocher la tête et d’offrir de temps en temps quelque cliché insipide. » (p. 46)

    « "[…] J’me suis toujours débrouillée avant pis j’vas continuer à me débrouiller après. Alors fais-toi pas croire que tu restes pour moi ou pour nous autres. Si t’es icitte, c’est parce que ça fait ben ton affaire, pas pour d’autre raison." » (p. 171)

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves de relever tout au long du roman des éléments qui permettent de croire que le « crime » qu’est le suicide ne sera peut-être pas commis. Par exemple :

    « On dirait que je retrouve un peu de ce plaisir aujourd’hui à écrire ces pages : alors que je croyais au départ y consacrer à peine quelques heures, je m’étends, je digresse, j’élabore et je me perds. J’oublie le but de l’exercice et je m’amuse à suivre les mots là où ils m’entraînent. » (p. 40)

    « Il me vient de nouveau l’impulsion de tout simplement effacer mon document, mais je m’en sens incapable, comme si j’avais commencé à tisser un lien véritable avec vous et que je ne voulais pas le rompre, pas avant d’avoir tout dit en tout cas. La tête me tourne vraiment. Je crois que je vais aller prendre l’air un peu, m’acheter quelques provisions peut-être et décider plus tard ce que je veux faire avec tout ça. » (p. 95)

    « Je ne sais pas si j’en ai assez dit. Il me semble que non. Mais je me méfie tout de même de moi. Je ne sais pas si le besoin d’en dire plus est authentique ou si ce n’est qu’une tactique d’évitement – une autre! – pour retarder l’arrivée au moment fatidique. » (p. 167)
     

  • Discuter avec les élèves de la possibilité de faire une adaptation cinématographique de ce roman en prenant en considération quelques éléments-clés : le ton, le scénario possible, les thèmes privilégiés, les personnages, la musique de fond, les interprètes.
  • À la suite de la lecture du roman, inviter un travailleur social à venir discuter du phénomène du suicide chez les jeunes.

Conseils d'utilisation

  • Présenter ce roman à un groupe d’élèves matures et prévenir le lectorat des différents sujets délicats dont traite l’œuvre (suicide, quête du sens de la vie, relations amoureuses, sexualité, religion).
  • Préparer la lecture du roman par une étude du phénomène du suicide en tenant compte des différences possibles selon l’époque, les valeurs socioculturelles et religieuses, le groupe d’âge.