- Registre de langue habituellement courant, mais parfois familier ou populaire selon la situation ou le statut des personnages en cause.
« Je reste un moment abasourdie à me demander où me précipiter, comment me protéger de la catastrophe qui s’est certainement abattue sur les lieux sous forme d’un incendie, d’un astéroïde, d’un tremblement de terre. Une femme m’adresse quelques mots inaudibles. » (p. 13)
« – Vous avez pas le droit d’être dans le parc la nuit. Quessé vous faites? réitère Cheval 1.
– On dirait qu’ils ont enterré quelque chose, dit Cheval 2.
Cheval 2 a une voix plus douce, une voix de femelle. » (p. 46)
« Bertrand Poche se met à glousser à son tour, et je lis clairement dans ses yeux, cette fois, que ce n’est pas lui. […]
– Ils lisent tous les mêmes livres. […] Je vais te dire, moi : ils toffent deux jours, pis ils détalent. Penses-tu que c’est grandissant, se tenir avec des vieux finis qui intéressent plus personne… » (p. 75)
- Mots, expressions et phrases complètes en anglais (p. ex., Log off, has been, fashionable, Not over my dead body, What did you expect?), évoquant la réalité linguistique du milieu des affaires; plusieurs mots inventés de toutes pièces, véritables passe-partout témoignant de la singularité de la narratrice (p. ex., agonique, égarouillé, Kodakophone, lalibertaire, Lalibertéphile).
- Style très imagé, souvent ponctué d’associations inattendues de mots (p. ex., des oies arthritiques, une baroque hallucination collective, de la gadoue précosmique, des boudins inopérants, sa masse de faux bouddha lubrique), typique de l’état d’égarement du personnage principal.
« Ah s’il disait mon nom, même en silence, même dans la cacophonie bafouillante de sa fièvre, ah s’il ne faisait que penser à mon nom, je l’entendrais, même esquissé dans une molécule agonisante de son cerveau, je l’entendrais. Dis mon nom, Pepa. » (p. 11-12)
« Qu’est-ce que New York, après tout? Un bout de terrain minuscule, que des spéculateurs ont transformé en fonds mutuel, tellement petit et engorgé par la cupidité humaine qu’on a dû s’y résoudre à bâtir en hauteur pour parvenir à loger toutes ces gueules voraces. Et il faudrait s’extasier devant les gratte-ciel? » (p. 105-106)
- Nombreuses figures de style variées (p. ex., personnification, hyperbole, métaphore, comparaison, énumération), souvent regroupées, alliant parfois humour et tendresse, deux éléments qui semblent, de prime abord, incompatibles avec la personnalité du personnage principal.
« Il laisse s’installer un silence. Il me lâche les mains et les yeux. Mais je ne m’en trouve pas libérée pour autant, au contraire, je ploie sous les dix tonnes de ce qu’il vient de dire. Pendant un instant, je vois ma vie déchirée brutalement en deux, la vieille partie battant au vent comme une merveilleuse chose légère qui s’apprête à me lâcher, la nouvelle exigeante, massive, enténébrée, ouvrant sa gueule noire de précipice directement sous mes pieds. » (p. 82)
« … dix fois il se rembrunit comme un gratte-ciel nocturne qui vient de perdre l’électricité. La dixième fois, il abat son poing sur la table, et nos deux steaks frites se jettent l’un sur l’autre en état de panique. » (p. 137)
« Je la regarde manger. Elle a retrouvé l’énergie intégrale, celle d’avant la chute du paradis terrestre. Avale, lape, frétille, agite la queue comme un plumeau dément, court jusqu’à moi pour me faire partager un peu de sa bave enrichie, revient ventre à terre jusqu’au plat qu’elle renverse, mordille, renifle, lèche, croque, glousse, pondrait des oeufs si elle était organisée pour ce faire. […] Je l’aimais plus déprimée. » (p. 312)