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Anatomie de la fiche Anatomie interactive
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2Pierre Bleu

« Pierre Bleu est-il le fou du village ou le fils étrange né du conflit entre Dieu et le Diable? Il est, en tout cas, doté d’une longévité indéniable et il règnera sur les destinées du village acadien de Grand-Petit-Havre assez longtemps pour le voir grandir, se développer et accéder à sa modernité en s’arrachant au mythe de ses origines : la déportation.

À travers les ravages de la guerre et de la grippe espagnole, dans ce combat incessant pour la survie d’une culture, Pierre Bleu aura pour protégée la petite Bibiane, qui deviendra la mère supérieure du couvent, acharnée à sauver la langue de son peuple plus que son âme, car il faut une langue pour prier et une langue pour rêver.

Antonine Maillet poursuit ici la grande saga de son Acadie natale, lieu mythique autant que réel, où s’ébattent, dans l’absolue liberté d’une langue jubilatoire, Dieu, le Diable et les anges, les vivants et les morts, le Léviathan, des renards et des corbeaux et des Acadiens aussi démesurés que ce bout de pays dont ils sont l’incarnation. »

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

3 À propos du livre

Contenu

  • Deux personnages principaux, Pierre Bleu et Bibiane, entourés de personnages secondaires, membres de la famille de Bibiane et du voisinage, bien définis par des descriptions détaillées et par leur influence sur la vie des autres personnages.

    « Elle le voit. C’est lui. Un géant qui pourrait en levant le bras fendre le firmament en deux. Et si drôlement attifé! Cette fois elle a le temps de le détailler des pieds à la tête : chapeau pointu, boucle qui lui fait trois tours du cou, chemise à gros pois jaunes, culottes remplies de vent, des chaussures… […] Elle se demande, voudrait savoir, mais c’est lui encore qui se lance en premier, et avec des mots clairs cette fois et sans gargouilles dans la voix :
    – C’est quoi ton nom? Comment c’est que tu t’appelles?
    Elle bigle, puis :
    – D’où c’est que vous ersoudez? » (p. 14)

    « –  La petite Bibiane. L’insatiable Bibiane. Depuis le premier jour, elle n’avait cessé de mettre ses pas dans les larges pistes de galoches à la pointe retroussée. Et Pierre Bleu s’asseyait sur la roche plate en haut-du-champ, la prenait sur ses genoux et racontait. » (p. 42)

    « L’arrivée d’un fou errant dénommé Pierre Bleu qui reboutait des membres et arrêtait le sang, d’un prêtre ambulant venu de Québec qui ramenait des moribonds à la vie, tout ça en moins de temps qu’en avait pris un peuple pour rentrer d’exil, un siècle plus tôt… » (p. 54-55)

    « Le Fou saisit dans un éclair la frustration du Malin et comprend que Bibiane aussi est libre et pourrait lui échapper. Leur échapper à tous. Il n’aurait pas dû laisser son cœur s’attendrir et échafauder des rêves de bonheur autour de la tête de l’enfant qui l’a un jour accueilli et nommé Pierre Bleu. » (p. 86)
     

  • Nombreuses références à des enjeux sociopolitiques qui mettent en relief les blessures et les frustrations du peuple acadien.

    « Le trou à combler dans le cœur de Bibiane était si profond que seule une passion plus grande que sa propre vie pouvait la remettre en selle. Une langue à sauver, avait insinué l’abbé Michel, qui s’ambitionnait, greffait à la langue une culture, un passé, la mémoire de tout un peuple que l’Histoire avait maltraité. » (p. 99)

    « Et le Grand-Petit-Havre qui pensait avoir bien enterré ses morts, chassé la baleine blanche, vaincu la grippe espagnole, triomphé du krach économique… » (p. 275)
     

  • Narratrice omnisciente qui décrit les péripéties de la vie de Bibiane ainsi que les émotions de l’ensemble des personnages.

    « Le cerveau de Bibiane s’était embrouillé, elle n’entendait plus que des fins de phrases, des mots détachés et rares : destinée… raison d’être… appel d’En-Haut… Puis elle avait vu repartir en rajustant sa barrette et en se frottant les mains un curé qu’elle ne reconnaissait plus. L’automne suivant, on l’envoyait au pensionnat de Memramcook… » (p. 89)

    « Le temps pressait, l’abbé Michel le sentait courir dans sa hanche et tout le long de ses jambes et, sans se l’avouer, dans certain lobe de son cœur. Mais le cerveau restait clair et l’âme fougueuse. Et c’est de toute son âme qu’il entreprit la dernière bataille de sa vie. » (p. 119)

Langue

  • Chevauchement des registres courant, familier et populaire dans les séquences narratives et dialogales; mots et expressions empruntés à l’anglais, régionalismes et archaïsmes qui traduisent la réalité acadienne.

    « Et voilà la forge, les granges, les hangars à poissons qui prolongent le débat entretenu le soir précédent autour de la maçoune des Thibodeau. Dieu appelle qui Il veut, quand Il veut, et assignera à chacun la place de son choix.
    – J’ons rien à redire, nous autres, pauvres mortels, déclare Ozite à Pisse-vite.
    – Rien à redire, pourtant… c’est nous autres qui devrons payer pour. » (p. 49)

    « Et l’on put reprendre le fil du pèlerinage d’un curé parti en quête d’une paroisse.
    – Si c’est rendu qu’un prêtre a besoin de la permission de Rome pour évangéliser son monde! À quoi sert l’Ordinaire du lieu?
    – […]
    – Arrêtez de blasphémer!
    – […]
    Christ almighty! crache Pisse-vite, parsoune me pognera à me confesser en anglais, pas plusse qu’en chinois.
    Goddam non! ricane Télesphore. » (p. 58)

    « …le Fou arrache à la gibecière qu’il porte à la nuque quelques mots latins qui se mettent à tourbillonner dans la pièce avant d’atteindre l’évêque qui croit entendre :
    …Monsignore… requiescat in pace. » (p. 125)
     

  • Structures syntaxiques originales et figures de style variées (p. ex., énumération, personnification, métaphore) qui ajoutent à l’intérêt et à la beauté du texte.

    « Le printemps avançait à pas de géant et tout le monde, pour le rattraper, chaussait ses bottes de sept lieues. » (p. 62-63)

    « S’ensuivit une longue histoire de commerce sur l’eau où des générations se succèdent, où des cousins d’abord alliés et florissants commencent à se regarder du mauvais œil… » (p. 92)

    « Ces superstitions avaient assez duré, il fallait ramener sa paroisse à la raison. Ni baleine blanche, ni Léviathan, ni vaisseau fantôme. » (p. 127)

    « Et le foin salé se tortille, embrasse les chevilles de Bibiane qui cherche à enjamber les hautes herbes mais… mais l’île l’empoigne, l’emprisonne, l’enivre, la possède, elle se fond à ce jardin primitif, vestige d’un éden égaré. » (p. 273)
     

  • Champs lexicaux rattachés, entre autres, à la mort à l’oppression.

    « Bibiane ne se faisait plus d’illusions. Cette fois la menace était réelle. Elle sentait l’étau se serrer autour d’elle. […] The Ministry of Education, ses supérieures irlandaises, la vie tout entière se liguaient contre son peuple. » (p. 145)

    « Un long silence parcourt le village en voyant passer le petit cercueil blanc qui se dirige vers la Pointe-à-Jacquot. Un cercueil d’enfant avec des poignées d’argent. » (p. 153)

Référent(s) culturel(s)

  • Référents culturels de l’Acadie, dont la mer et le Grand Dérangement.

    « Et le Grand-Petit-Havre qui pensait avoir bien enterré ses morts, chassé la baleine blanche, vaincu la grippe espagnole, triomphé du krach économique, uni les Landry aux Léger puis entrelacé les familles Picard des Trois-Maisons avec les descendants des Charles à Charles, et finalement réduit au silence les habitants du cimetière et déménagé définitivement Dieu, ses anges, ses démons et son grand saint Jean-Baptiste de la Pointe-à-Jacquot au cœur de la place qui dominait le quai… comprit tout à coup qu’il ne dormirait plus tranquille. » (p. 275)

Pistes d'exploitation

  • Inviter les élèves à sélectionner des parties du roman traitant de l’histoire acadienne et en reconstituer les contextes historiques.
  • Inviter les élèves à créer des jeux de mots et de langage imitant le style parfois ludique de l’auteure.
  • Demander aux élèves d’analyser les conséquences de la déportation sur la construction identitaire des diverses communautés acadiennes du Canada actuel.

 

Conseils d'utilisation

  • Proposer le roman à un lectorat averti qui a la maturité nécessaire pour apprécier l’œuvre.
  • Raconter la déportation des Acadiens avant d’entreprendre la lecture de cette œuvre.
  • Relever et présenter certains acadianismes utilisés dans le texte.