- Recueil de quatorze récits, incluant un prologue et un épilogue, sous forme de nouvelles anodines, insolites et saugrenues, provoquant sinon le rire, tout au moins le sourire, en raison des situations cocasses que l’on y vit au quotidien; liminaire et postliminaire ajoutant au caractère déjà inusité du contenu.
« Propriétaire d’une bibliothèque privée, Wright était débordé par ses tâches diverses et n’arrivait plus à les effectuer adéquatement. Il avait entendu parler de mes talents et voulait m’embaucher. N’ayant jamais œuvré en bibliothéconomie, j’ai cependant promptement accepté son offre. » (p. 10)
« Je disais? Ah oui : Jacques Leblanc menait une vie extraordinairement, vraiment très ordinaire. Outre son travail, il passait son temps à maîtriser son activité quotidienne préférée : la paresse, un passe-temps qui, d’ailleurs, ne lui coûtait presque rien. » (p. 16)
« Par contre, rien ne m’exaspère autant que d’acheter un stylo. Êtes-vous déjà allé dans un magasin de stylos? […] Parmi des milliers d’exemplaires de plumes, il faut d’abord choisir entre un stylo bille, un stylo roller, un stylo feutre ou un stylo plume et j’ignore s’il en existe d’autres sortes […] Il faut connaître les avantages de chacun d’entre eux afin de faire un choix judicieux. » (p. 25-26)
« À PRÉSENT, je reviens à cette fameuse première phrase que je n’ai toujours pas réussi à écrire. […] Peu importe mes intentions, à l’instant où ma main se fige, où les mots me manquent, où les phrases se défont, je pense devoir tout effacer. Il ne restera plus que les espaces entre les mots. Vacuité. Une page blanche… » (p. 125)
- Narrateur-participant de connivence avec le personnage principal, mais plus souvent, lui-même personnage principal, tenant jusqu’à deux rôles à la fois; mise à part la récurrence de M. Wright, rareté de personnages, caractéristique de la nouvelle littéraire.
« Petit à petit, le bruit courut que M. Wright voulait avant tout que son établissement soit un lieu où les gens pouvaient venir vivre une expérience unique. […]
On m’a raconté que lors de l’ouverture du restaurant, personne ne savait ce qui les attendait en la personne de M. Wright. » (p. 30-31)
« … Je me promène au rayon du vin rouge au magasin d’alcool du coin […] J’hésite en délibérant entre les vins canadiens ou espagnols, italiens, français ou sud-américains. […]
J’attends patiemment la fin de mon quart de travail. Il ne me reste plus qu’une heure, heureusement. Je supporte mal l’industrie du service à la clientèle, pire encore le rôle de caissier. » (p. 73)
« Il s’est présenté comme étant le propriétaire de la place, M. Wright. […] J’ai appris qu’avant de devenir bibliophile, il avait été autrefois propriétaire d’un restaurant mais avait décidé de suivre sa vraie passion, les livres. » (p. 108-109)
- Thèmes variés (p. ex., paresse, impatience, séparation, anglicisation, curiosité) camouflés en titres trompeurs,se mariant bien avec les idées de l’auteur sur le quotidien.
« LA PETITE FABRIQUE DE BONNES MANIÈRES
[…]
En observant davantage les gens, il s’aperçoit que toutes leurs belles manières lui paraissent trop factices. Elles souffrent d’authenticité. Les gens ne sont pas sincères dans leur politesse! » (p. 29 et 38)
« CONTRETEMPS
[…]
Enfin, ma décision était prise : je renoncerais dorénavant à tout lien avec la littérature. Je renouerais avec le refuge que m’offrait l’inaction. Je me perdrais dans la banalité de la vie… » (p. 103 et 117)
- Lectorat souvent interpellé, selon le bon vouloir du narrateur, retenant ainsi son intérêt.
« Pardonnez-moi, chers lecteurs! Quelle honte de ma part. Je vous prie d’accepter mes excuses les plus sincères. J’ai manqué à mon devoir comme narrateur. J’étais tellement ennuyé par le canevas vide de l’histoire de Jacques Leblanc que ce dernier a été la victime de mes rêveries. Ce n’est que grâce à ma somnolence que Jacques est devenu un brigand de renommée. » (p. 23)
« ÇA FAIT LONGTEMPS que je veux vous raconter cette histoire, mais les conditions n’étaient jamais idéales … » (p. 41)
- Quelques nomenclatures contribuant à la vraisemblance, voire au caractère saugrenu, de la situation; dialogues peu fréquents, en raison de la rareté des personnages secondaires.
« Parmi les nombreuses infractions que pouvait commettre un client, on pouvait trouver les suivantes :
a) Arriver avec une tenue ou une apparence mal soignée […];
b) Être d’humeur massacrante;
c) Ignorer le personnel lorsqu’il vous sert… » (p. 33)
« Je me référai alors immédiatement au manuel afin de bien suivre les étapes énumérées :
Pour la réception
1-Faire le tri par destinataire
2-Décacheter l’enveloppe et l’épingler à la lettre
3-Classer les lettres par destinataire et par ordre d’importance… » (p. 53-54)
« – Et me voilà arrivé chez toi, dis-je à Simon.
[…]
– C’est ça la source de ta mauvaise humeur? Et du malheur qui t’a suivi jusqu’ici? Des bas blancs? demanda-t-il, incrédule.
– Oui, lui répondis-je d’un ton relativement sec, car je ne trouvais pas qu’il prenait la chose au sérieux. Il n’y avait pourtant rien de risible dans cette histoire.
En me regardant, il me lança tout bonnement :
– Bien la, solution est simple. Tu n’as qu’à jeter tes bas blancs à la poubelle. » (p. 71)
- Séquences descriptives principalement axées sur les événements; descriptions courtes mais précises des lieux, des objets et des personnages, engendrant des conséquences directes sur le narrateur.
« JE M’APPRÊTE À RENDRE VISITE à un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps. […]
Il y a tellement de monde que cela finit par gêner le passage. C’est devenu bruyant, agité même. Le trottoir est désormais congestionné. Sur la pointe des pieds, j’essaie de trouver les raisons du ralentissement du groupe, mais je n’arrive pas à voir ce qui se passe au-delà de la masse des passants qui avance d’un pas mesuré. » (p. 80)
« … cette chaise […] avait une allure moderne. Il me semblait qu’elle avait probablement été choisie plutôt pour des raisons esthétiques que pour son confort […] Mais son cuir rouge et ses courbes simples m’attiraient malgré moi. » (p. 99)
« Mon directeur était un type érudit, dont le niveau de connaissances était impressionnant. Il avait la capacité de s’exprimer avec une telle justesse que je n’arrivais jamais à le comprendre. Son éloquence me dépassait, m’intimidait. À la suite de nos discussions, j’étais désorienté. » (p. 103)
- Éléments graphiques variés (p. ex., majuscules, caractères italiques, nomenclatures numérotées, renvois et notes de bas de page, parenthèses) rajoutant à l’originalité qui se dégage de l’œuvre.
« IL ÉTAIT DIX HEURES DU MATIN et il ne restait que les toilettes du premier étage à nettoyer avant la première pause de la journée. » (p. 15)
« B. Pour l’envoi (le cas qui me concernait présentement)
1-Faire le tri du courrier
2-Prendre les dimensions et le poids du courrier
3-Affranchir le courrier » (p. 54)
« Sans trop réfléchir je relance avec assurance :
– Moi, je dis change, Monsieur!
Il me répond en affirmant davantage son premier postulat, mais cette fois avec encore plus d’ardeur :
– C’est monnaie en français. Change, c’est de l’anglais!
Je veux bien me prêter au jeu pour lui faire plaisir, mais je choisis plutôt de souligner un petit détail :
– En fait, change, c’est un anglicisme. S’il s’agissait de l’anglais, j’aurais dit "tchaindge"…
Mais cet homme ne veut rien savoir et ne lâche pas prise. Il répète avec véhémence :
– C’est M-O-N-N-A-I-E en français! » (p. 76)
« Ce que j’y ai vu m’a perturbé : j’étais là, griffonnant avec ardeur, jusqu’aux petites heures du matin. Était-ce là le résultat de somnambulisme?17
[…]
17 Il est à noter que les dénouements basés soit sur un rêve, soit sur le somnambulisme sont de piètres stratégies, très peu originales, pour conclure un drame (ils devraient être évités à tout prix!) » (p. 115)