- Roman psychologique où réalisme et symbolisme se côtoient sur fond de solitude.
« – Écoute, je ne veux pas avoir l’air d’insister, mais je voudrais bien que tu m’expliques pourquoi tu tiens tellement à te faire embaucher sur ton Récif du Prince.
– Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans un état pareil. J’ai trouvé un emploi d’été. Je pars pour six semaines. C’est pas la fin du monde. » (p. 12)
« Je suis entre les draps froids et blancs de mon lit. Je tourne le dos à l’Amérique et à la Broadcasting Life qui brouille toujours tout. […] En fait, je t’écris pour dire que si on pouvait passer trois heures ensemble sans parler de la Broadcasting, ce serait comme être à Paris. Je sais que je peux tout te dire, Francœur. […]
Alors, il n’y a pas que moi qui suffoque ici, il n’y a pas que moi qui cherche le Récif du Prince. Elle a bien raison Tania. Mais elle ferait mieux de venir chercher de ce côté-ci. » (p. 54-55)
« Je tourne en rond dans la tour de l’horloge. Je devrais aller m’occuper de Francœur, lui raconter une histoire peut-être, lui montrer où j’en suis. Mais je reste encore un moment, pour être bien sûre qu’on s’ennuie quand on est seule trop longtemps. » (p. 99)
« C’est contre la solitude que j’en ai, rien de moins. À force de m’intéresser aux petits bobos de ce monde, je me suis éloignée de toi, de Yéléna et de Vapeur… » (p. 104)
- Narratrice participante jouant le rôle principal de l’adolescente typique à la recherche de soi : mordante mais aimante, rancunière mais contrite, irritable mais romantique.
« – Écoute, Vassilie, tu as dix-sept ans. Il y a un type sur ton phare qui est là depuis vingt ans au moins. […]
– J’ai fait le concours. Il y avait trente candidats. J’étais la meilleure. Et puis qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, qu’il ne dise pas un mot, ce type? Ça me changera de toujours entendre parler de la Broadcasting Life. » (p. 13)
« Je pose ma tête contre celle de mon père. […] Je déteste être en brouille avec lui. Alors je lui fais des câlins. » (p. 15)
« …et j’en veux à Tatiana qui court les nouvelles, quelque part dans les rues de Paris. J’en veux à Yéléna qui est en route pour le Massachusetts avec son Coffre-fort. J’en veux au monde entier et les yeux de Francœur s’accrochent aux miens comme si mon regard seul pouvait le sauver. J’ai une boule dans le ventre, un nœud d’ulcère. » (p. 39)
« Yéléna sourit, je broie du noir. Quand il s’agit de parler théâtre, il n’y a pas assez d’espace dans l’air du temps pour tous les mots qu’ils ont à se dire. Mais si je m’intéresse à la vraie vie, il hausse le ton. » (p. 117-118)
« Mais au fond, je suis du côté de Driss, moi. Je suis une romantique. D’ailleurs, c’est lui que j’irai voir pour me faire l’amour. Si je l’aime, s’il m’aime, la douleur sera ailleurs, chez ceux qui la cherchent à tout prix. » (p. 121)
- Personnages secondaires nombreux dont les plus importants aux yeux de Vassilie sont Arthur Francœur (son père, avec qui se forme le nœud de l’intrigue), Tania Braun (sa mère), Yéléna (sa sœur), Jeanne-Mance (l’infirmière) et Rousseau (le collègue de travail de Francœur).
« – Vous exagérez, toi et ta sœur. Tu m’en diras ce que tu veux, de ton Récif du Prince, je suis quand même contre. […] Et puis tu diras à Yéléna que si elle ne met pas un terme à ses pariades, je vais m’en occuper moi-même… » (p. 19)
« Très éclectique, Yéléna. Elle est un peu comme Tania Braun. Impossible de savoir d’où elle vient et où elle va. Seul détail connu : sa passion pour le théâtre. » (p. 23)
« – …Vous comprenez, votre mère est à Paris depuis hier. Elle nous a envoyé un reportage, enfin, comment dire? Ce n’est pas du Tania Braun. Je veux dire… elle couvrait une conférence de presse à la S.O.I.F. Le reportage qu’elle nous a envoyé est un véritable torchon. » (p. 41)
« Jeanne-Mance fait partie de la conspiration. […]
– Votre père va beaucoup mieux. Les médecins lui ont donné son congé. […]
– On l’aurait laissé sortir aujourd’hui, nous. Mais les gens de la Broadcasting Life ont insisté. Ils préfèrent que ce soit demain… parce que votre mère sera là.
Qui ça, les gens de la Broadcasting? Vous parlez de Rousseau, le Sénateur de la météo? » (p. 114)
- Nombreux retours en arrière marqués parfois de la nostalgie, parfois du ressentiment qu’éprouve la narratrice.
« Quand j’avais trois ans, j’étais toute frêle et toujours malade. Francœur passait ses journées à me raconter des histoires. Presque toujours la même, d’ailleurs : un voyage qu’il avait fait en Yougoslavie lorsqu’il était plus jeune. » (p. 18)
« Tu es retourné dans l’autobus chercher ton sac à dos. Elle t’attendait toujours. Vous avez traversé Rudine à l’heure de la sieste, sans rencontrer personne. Elle t’a dit qu’elle s’appelait Vassilie. Le nom s’est gravé dans ta tête. Tu me l’as même donné, ce nom. M’entends-tu, Francœur? » (p. 36)
« Avec Yéléna, on venait ici pour se cacher du reste du monde. Personne ne nous cherchait, d’ailleurs. » (p. 98)
- Discours direct abondant, répliques plutôt courtes et détails de mise en scène donnant des airs de pièce de théâtre au roman.
« – On dit tant de choses, vous savez, mais ça suffit maintenant. Est-ce que Rock Million va venir? Gladys s’arrête devant les trois lits et me regarde d’un air triste. […]
– Une autre qui veut faire du théâtre, c’est ça? Et tu t’appelles comment, toi?
Yéléna bondit devant la vieille femme et répond à ma place.
– Elle s’appelle Vapeur. Ce n’est pas une comédienne. Elle a peur, c’est tout… » (p. 88-89)