- Dernier roman d’aventures d’une série de trois qui présente un résumé des tomes précédents (p. 5-7) situant le lectorat et le préparant à la suite et à la fin des événements.
- Un personnage principal, Rachel de Kergorieu, influant sur les autres, mais perdant peu à peu ce rôle principal au profit de son fils Gilles; un troisième personnage, Louise, s’élevant graduellement à un rôle principal; plusieurs personnages dont le rôle secondaire ne fait qu’ajouter aux multiples rebondissements de l’intrigue.
« – C’est vrai que Jordaens est un cancer au sein de notre groupe. Si on le laisse agir, il pourrira l’ensemble de nos relations. Mais je suis fatiguée de jouer le rôle de meneuse. Nous ne sommes plus sur un bateau, je le répète. Je ne dispose ici d’aucun privilège, d’aucun pouvoir. Et je ne tiens pas à ce qu’on m’en prête un.
"Je comprends que Louise ne veuille pas porter cette affaire sur la place publique, mais toi, Gilles, tu peux le faire. Tu dois le faire." » (p. 27)
« Le capitaine de la plus grande des deux frégates est passé à notre bord, accompagné par son second. Celui-ci, un homme encore tout jeune, en uniforme, s’est avancé vers nous, l’air dur. Son visage ne m’était pas inconnu. Tout à coup, je me suis senti très mal à l’aise.
Puis l’homme s’est planté devant moi et il a planté ses yeux dans les miens. Je suis devenu blanc comme un linge. Lui-même a pâli et sa bouche s’est ouverte, mais il n’a pas prononcé un mot.
C’était mon frère. Mon frère Nicolas. » (p. 196)
- Même narrateur participant dans les trois tomes, Gilles, en constante introspection, mais qui devient dominant par ses gestes; narrateur substitué par une narratrice participante (Louise) dans les derniers moments de l’œuvre.
« Afin de ne pas sombrer dans le désespoir le plus total, j’essayais de me remémorer le visage de ceux que j’avais connus et aimés autrefois. Mon père, bien sûr, ainsi que mon frère Nicolas, mais aussi Amaury et Gilbert, qui me rappelaient une enfance heureuse disparue à jamais. Et, par-dessus tout, je me berçais à l’idée insensée qu’un jour, peut-être, je retrouverais Louise pour vivre avec elle. » (p. 138-139)
« J’ai mis mon enfant au monde. Une petite fille belle comme un cœur. Je l’ai appelée Rachel. […]
Quand Rachel a été sevrée, la vieille a écrit à Nicolas pour l’en informer, comme convenu. Celui-ci se trouvait à terre, à Nantes, et il est arrivé quelques jours plus tard pour prendre possession de ma fille. Je lui ai tranché la gorge le soir même. […]
Un jour peut-être, je reprendrai la mer. Avec elle? Qui sait… ll y a tant de choses à vivre… » (p. 206-208)
- Intrigue largement axée sur le jeu des personnages, dont plusieurs sont fort différents, parfois surprenants et dérangeants.
« À peine avait-on éteint la torche de celui qui voulait incendier la cabane du malade qu’une demi-douzaine d’hommes se précipitaient vers elle. Ils s’étaient confectionné des masques bizarres avec des plumes et des dépouilles animales, et ils avaient l’air de monstres baroques sortis des pires cauchemars. » (p. 46)
« Mon frère m’a considéré un long moment, puis il a congédié le matelot après lui avoir pris la chandelle des mains. Mais il ne m’a pas fait retirer mes fers, et ne s’est pas agenouillé pour se mettre à ma hauteur. Pendant la durée de notre entretien, il est resté debout, jambes légèrement écartées, me dominant de toute sa hauteur. » (p. 200)
- Quelques thèmes nouveaux s’ajoutant à ceux des deux tomes précédents : femme, autarcie, communication, code d’honneur.
« – Le seul fait que vous placiez les femmes et les armes au même rang d’objet qu’on peut posséder ou échanger vous fait perdre toute dignité. Personne ne possède personne ici. Et quiconque tentera de s’approprier son semblable subira le même sort que Jordaens. » (p. 39)
« À Eutopia, en revanche, nous vivions dans une autarcie totale et, une fois épuisées les provisions de farine, de fèves et de fruits secs que nous avions emportées avec nous en embarquant, il ne nous était resté que les produits de la forêt. » (p. 42-43)