- Registre de langue courant dans l’ensemble de l’œuvre; quelques mots nouveaux (p. ex., calebasse, gourdin, limoneuse, excentricités, ornières) et emploi du créole haïtien pour les chansons.
« Un poisson qui parle à ma fille et qui l’embrasse! Malédiction! hurle le père de Vélina, je dois le tuer! […]
Le lendemain, alors que Vélina se trouve à l’école, Paulo, accompagné de ses parents se rend à la rivière.
Le père s’est armé d’un filet et d’un gourdin. » (p. 20)
« Telle une flèche, Vélina part vers la rivière, elle court sans s’arrêter. Aveuglée par les larmes, elle trébuche dans les ornières, se cogne aux arbres, butte contre les souches mortes. Sa douleur est profonde, elle baigne de ses larmes d’amoureuse le squelette de Thézin. Au bord de l’eau, un dernier geste insensé la pousse à scruter les profondeurs de la rivière : Thézin, bon zanmi moin, zin, Thézin nan dlo… » (p. 26)
- Variété de types et de formes de phrases (p. ex., déclaratives, exclamatives, négatives), souvent à structures particulières, favorisant une lecture dynamique.
« Au fond de la rivière, loin, très loin, là où les yeux ne peuvent plus rien voir, là où les oreilles ne perçoivent plus aucun son, vivait un être mystérieux.
C’était Thézin, le poisson amoureux. » (p. 4)
« – Je voudrais tellement te revoir, belle Vélina, murmura Thézin. Mais je n’aime pas m’aventurer sans raison à la surface de l’eau où tant de dangers nous guettent. Il y a, dans le village, une bande de garçons turbulents qui s’amusent à nous lancer des pierres, et les pêcheurs, ah, les pêcheurs! ils jurent tous de m’attraper sitôt qu’ils me voient, ajoute le poisson d’une voix teintée d’un léger tremblement. » (p. 10)
- Nombreux procédés stylistiques (p. ex., énumérations, comparaisons, métaphores, onomatopées, personnifications) qui enrichissent le texte et permettent d’apprécier le style poétique de l’auteure.
« Tout au fond de l’eau, là où les yeux ne peuvent plus rien voir, Thézin le poisson mélangeait algues, brindilles, glaise et mousse. Il saupoudrait de-ci de-là, une pincée de sable gris, rose ou noir, puis, il attendait le lever du jour, l’arrivée des villageois. » (p. 5)
« Vélina n’avait jamais vu un si beau poisson. Son corps était parsemé d’écailles d’argent, aussi brillantes que des éclats de lune, larges comme des pièces de monnaie. Ses nageoires rappelaient des voiles de dentelle fine, elles bougeaient avec grâce, écumant l’eau. » (p. 8)
« KLAK KLIK KLIK. Il bat de la queue, et glougloute, affolé. Cette voix, c’est comme du métal rouillé. » (p. 23)
« Telle une prière, son chant monte. Il s’engouffre dans la brise, il est repris par les cocotiers, tous les arbres soudain accompagnent Vélina : Thézin, bon zanmi moin, Zin, Thézin, nan dlo, bon zanmi moin… La rivière chante elle aussi, tout en poursuivant sa course. » (p. 28)
- Quelques séquences dialoguées et plusieurs séquences descriptives qui apportent des précisions sur les événements, les émotions et les relations entre les personnages.
« Qu’est-ce que j’ai fait au ciel pour mériter de tels parents? se désole-t-il. Il se glisse dans l’herbe et rampe parmi les roseaux pour tenter de s’enfuir.
Cependant, hop! son père l’attrape par le manche.
– Où vas-tu, chenapan? Tu l’as vu, oui ou non, ce poisson aux écailles d’argent? Tu voulais nous faire perdre notre temps? C’est bien ça?
Pourquoi as-tu menti?
Paulo se fâche et proteste :
– De l’eau sale, oui, c’est vrai, j’en ai souvent rapporté. Mais mentir, moi, jamais! Comment peux-tu m’accuser? » (p. 23-24)
« Accablée par son chagrin, Vélina voudrait se laisser emporter par le courant. Elle est prête à aller loin, loin, là où les yeux ne peuvent plus rien voir, mais où le cœur et l’âme voient tout. Là, elle le sait, son cœur retrouvera Thézin. Soudain une voix semble lui souffler quelque chose. Alors elle s’accroupit lentement. Ses larmes baignent le squelette du poisson, elle défait le sac et commence à disposer les écailles sur le squelette qui, au même instant, se met à reprendre forme. » (p. 28-30)