- Un personnage principal, Hò, haltérophile naïf, dont le récit fait état de son évolution sociale, physique et intellectuelle.
« …j’étais plutôt taciturne, introverti, têtu et patient au point d’en devenir obsessionnel. En plus d’avoir le bagage génétique idéal pour devenir haltérophile, j’en avais le tempérament. Mon seul handicap était d’ordre morphologique : j’avais en effet une faiblesse au niveau du bassin qui m’empêchait de développer entièrement mes capacités. » (p. 80)
« – Voici donc ce que nous attendons de vous, camarade Hò. Dès la semaine prochaine, vous allez vivre en concubinage complet avec Lin, un de nos meilleurs espoirs en haltérophilie féminine. Vous remplirez pour cela un contrat de mariage en bonne et due forme. » (p. 107)
« …ma progression a été régulière pendant les semaines qui ont suivi notre mariage, et il en a été de même pour Lin. À quatorze ans, le corps est en plein développement et il ne peut que tirer profit de ces exercices supplémentaires. J'ai aussi remarqué que mon sommeil était plus profond, donc plus réparateur, et que je mangeais avec plus d'appétit. » (p. 147-148)
« À ma grande surprise, il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour apprendre à lire. Le plus difficile a été de ne pas remuer les lèvres en même temps. Quand j'y suis arrivé, j'ai pu lire de plus en plus vite. » (p. 159)
- Un personnage secondaire important, Lin, veuve de Hò, réalisant l'œuvre de son mari et ajoutant des détails manquants à l'histoire; autres personnages secondaires s'impliquant indirectement dans les activités du protagoniste (p. ex., madame Wo et Qiu); mentions fréquentes de Dao Kha, chef et dictateur du pays où se déroule l'histoire.
« J'ai préféré laisser parler Hò, qui n'a jamais su la vérité au sujet de celui que j'ai rebaptisé Dao Kha. Je me suis contentée de rétablir la vérité du mieux que je le pouvais en ajoutant quelques notes de bas de page. » (p. 10)
« La femme qui s'occupait de nous s'appelait madame Wo. Elle lavait nos vêtements, nous mesurait, nous pesait. Nous avions le droit de l'appeler maman. » (p. 27)
« Qiu, notre responsable politique, était si chétif et si pâle qu'il avait tout juste assez de force pour soulever ses lunettes. […] Nous l'écoutions toujours avec déférence, convaincus que c'était dans notre intérêt. Il était un athlète de la politique et avait toujours réponse à tout. Un seul mot de sa part aurait suffi à nous exclure du camp à tout jamais. » (p. 76)
« Ce n'est que lorsque j'ai réussi à quitter le pays, quelques années plus tard, que j'ai connu la vérité au sujet de Dao Kha. On me l'a alors décrit comme un menteur, un manipulateur, un criminel paranoïaque et mégalomane. » (p. 198-199)
« J'avais dix-sept ans quand Dao Kha a été pendu à un lampadaire par la population en colère, en face de son palais. » (p. 213)
- Une narratrice participante, Lin, dont le texte (en italique) comprend une introduction au récit de Hò, des commentaires rétrospectifs ainsi qu’une conclusion racontant son destin et celui de leur pays après la mort de son mari; un narrateur participant, Hò, dominant l'œuvre et présentant ses réactions aux situations de vie difficiles qui lui sont imposées.
« Quand je mourrai à mon tour, plus personne ne se souviendra de mon mari. Sa trop courte vie et ses horribles souffrances n'auront servi à rien.
Ce livre n'est pas un roman, mais le témoignage d'un jeune homme sur qui on a tenté des expériences atroces. » (p. 8-9)
« 5Comme nous tous, Hò a toujours été convaincu que les jeunes qui étaient exclus de notre programme rentraient tout bonnement dans leur village natal. Il ne lui serait jamais passé par l'esprit qu'ils aient pu être réorientés vers des camps de travail, où ils étaient condamnés aux travaux forcés, quand ils n'étaient pas purement et simplement éliminés. » (p. 79)
« Je restais étendu sur mon banc d'exercice, me demandant à quoi ressemblerait ma vie avec Lin. Je craignais surtout les longues soirées que nous devrions passer ensemble, quand il n'y aurait pas de cours de politique ni de rencontres de renforcement psychologique. » (p. 119)
« J'étais tellement abattu par cet épisode que je passais toutes mes journées au lit. J'étais incapable de me lever ni même de manger. Je n'avais plus d'énergie. On aurait dit que le ressort de ma volonté s'était brisé. Lin avait beau tenter de m'encourager de toutes les manières, rien n'y faisait. » (p. 175-176)
- Intrigue contenant des retours en arrière, des ellipses et des allusions à des événements futurs, permettant de présenter de façon originale une histoire s'étalant sur plus de 40 ans, depuis l'enfance de Hò jusqu'à l'émigration de Lin au Canada.
« Mes souvenirs les plus lointains remontent à mes quatre ans. Je vivais alors dans une famille à qui on avait confié la garde de futurs athlètes. Nous étions six garçons du même âge, six champions en devenir. » (p. 27)
« Huit ans plus tard, j'ai fait un autre voyage en autobus pour participer à un championnat. » (p. 45)
« Lin et moi, nous nous racontions parfois des histoires muettes de cette manière, et cela nous faisait beaucoup rire. Si j’avais su ce qui allait se passer par la suite, j’aurais gardé certains de ces rires en réserve… » (p. 162)
« J'ai mis vingt ans avant de retourner dans le pays où je suis née. C'est mon second mari, un Canadien, qui a insisté pour que nous fassions ce voyage. Il voulait voir de ses propres yeux mon village natal… » (p. 224)
- Thèmes du contrôle gouvernemental, de la génétique et du patriotisme dont le traitement, parfois teinté d’ironie et de cynisme, permet de constater le lavage de cerveau imposé au personnage principal.
« J'ai rencontré plus tard quelqu'un qui venait du village où habitait ma mère. Il m'a raconté qu'elle avait désobéi à Dao Kha en cherchant à me revoir, et qu'elle avait été expédiée dans un camp de travail. J'ai préféré ne pas le croire […] De toute façon, si ma mère a vraiment désobéi à Dao Kha, elle méritait d'être punie. » (p. 31-32)
« N'est-ce pas plutôt à Dao Kha que je dois la vie? C'est lui qui a choisi mes parents pour que j'hérite de leur bagage génétique. C'est donc à lui que va ma reconnaissance, à lui que je dois respect et obéissance. » (p. 32)
« – […] Je vous remercie de la confiance que vous m'accordez en me permettant de participer à cette expérience. Je suis fier de servir mon pays et je m'engage à m'inspirer de la pensée de Dao Kha pour accomplir de mon mieux ce qu'on attend de moi. » (p. 113-114)
- Sujets délicats (p. ex., dopage, exploitation des athlètes, souffrance physique, avortement) représentant de manière réaliste le contexte sociopolitique du pays où se déroule l’intrigue et pouvant intéresser le lectorat visé.
« On a d'abord testé sur moi d'autres comprimés, qui m'asséchaient la gorge et qui entraînaient des vertiges et des évanouissements. On a bientôt cessé ce traitement pour me faire avaler une autre sorte de pilules… » (p. 177)
« Un jour, elle est rentrée d'un examen médical en se tordant de douleur. […] Elle a perdu beaucoup de sang, et j'ai eu peur qu'elle meure. » (p. 181)
« Il n’était évidemment pas question de rendre ces fœtus à terme, car cela m’aurait empêchée de poursuivre mon entraînement. Nos médecins s’intéressaient aux médailles, pas à la vie. » (p. 205)
- Nombreuses séquences descriptives précises, exposant la vie des personnages soumis à un régime dictatorial.
« Qiu nous a alors expliqué que notre pays était entouré d'ennemis prêts à toutes les perfidies pour nous détruire. Comme ces ennemis craignaient d'affronter notre puissante armée, ils préféraient envoyer des saboteurs parmi nous pour nous attaquer de l'intérieur. Ces saboteurs dynamitaient parfois des usines et empoisonnaient l'eau des rivières… » (p. 43)
« Il était difficile d'imaginer plus simple : c'était une cabane d'une seule pièce, en bois, sans salle de bain, et munie d'une petite fenêtre. Qiu m'a expliqué qu'avant la Révolution, c'était dans ce type de maison que logeaient les employés de l'hôtel, du moins les plus favorisés d'entre eux. » (p. 127)
« Des soldats armés de mitrailleuses en sont descendus. Celui qui semblait être leur chef nous a informés de ce qu'il appelait la "nouvelle situation politique" : Dao Kha était mort, le pays était à feu et à sang, et l'armée ne pouvait ni protéger notre camp ni l'entretenir. » (p. 216-217)