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Chemin faisant

Cela devait être une journée comme les autres pour Antoine, un retraité de Memramcook au Nouveau-Brunswick : marche active; rencontre avec Edgar, un ami joueur de boulingrin; taquineries; promenade dans la nature… Mais le destin en avait décidé autrement et alors qu’il circulait tranquillement au volant de sa voiture en rêvant d’une tasse de café, l’accident stupide survint… et il se réveilla à l’hôpital.

À propos du livre

Contenu

  • Un personnage principal, Antoine LeBlanc, ardent défenseur de la langue française, entouré de nombreux personnages secondaires parmi lesquels Samuel Beauregard, le responsable de l’accident, Cécile, la fille d’Antoine, et René, le père de Samuel.

    « Retraité actif, Antoine était un grand homme élégant, à la chevelure abondante, striée de gris. Il avait dépassé de huit ans la soixantaine.
    Natif de Memramcook, il avait commencé des études classiques à l’Université Saint-Joseph, où les professeurs se faisaient fort d’offrir aux étudiants un enseignement de haut niveau tout en accordant une place de choix à la qualité du français, ce qu’Antoine appréciait parce que pour rien au monde, il n’aurait voulu s’exprimer en chiac. » (p. 9-10)

    « Même de loin, même blessé, Samuel Beauregard avait une apparence séduisante qui ne lui avait pas échappé. Elle l’avait vu debout en train d’attraper le déambulateur qu’une infirmière lui tendait : grand, mince, musclé, une trentaine d’années. » (p. 67-68)

    « Un profil d’une délicatesse exquise, une chevelure rousse et bouclée qui virevoltait gaiement, des yeux verts pétillant d’excitation… une beauté délicate, régulière, parfaite, à la peau diaphane, à la voix enchanteresse; une beauté aux allures de bohème tout comme ses vêtements noirs un peu informes. […] Une dame tellement attrayante qu’elle avait suscité son admiration. S’il avait rêvé, il souhaitait que "ce rêve" ne s’arrête pas à sa porte, mais qu’il entre dans sa chambre sur la pointe des pieds… » (p. 79)

    « Il ne parvenait pas à y croire : en discutant avec monsieur LeBlanc, lui, René Beauregard, avait prononcé des paroles bienveillantes et valorisantes à l’égard de son fils. Sa fibre paternelle avait vibré… jusqu’à aujourd’hui, il ignorait qu’il en avait une. » (p. 109)
     

  • Intrigue de style feuilleton télévisé progressant grâce au cheminement des personnages, qui prennent conscience de leurs problèmes et tentent de les résoudre.

    « À l’hôpital Georges-Dumont, Samuel, confiné dans sa chambre, se sentait bien seul. Des souvenirs cauchemardesques se bousculaient dans sa tête.
    Il se revoyait en Asie où il habitait depuis onze ans. Pourtant, après tant d’années, il croyait avoir assumé cette tranche-là de sa vie… » (p. 57)

    « Il voulait à tout prix tirer au clair ce qui l’avait ainsi secoué. Il n’avait pas l’habitude de se laisser aller à pleurer… Par principe, il avait constamment refusé de se plaindre, de montrer son désarroi. Pendant les années difficiles qu’il avait traversées, il s’était strictement interdit les explosions de colère, comme les crises de larmes, persuadé que son devoir était d’afficher une façade forte et impassible. Bien souvent, par orgueil, il s’était drapé dans sa dignité et avait gardé bonne contenance. Il avait encaissé encore et encore jusqu’au jour où Samuel était revenu dans le décor. » (p. 112)

    « – La vérité, Jacques? C’est que j’ai eu peur de partir. Peur de me retrouver seule, peur que tu m’oublies, peur de me tromper, de prendre des risques, de donner sans recevoir. Peur de l’inconnu. La peur affecte le jugement et limite la liberté. J’en étais prisonnière, Jacques. Le recul m’a permis de voir clair. Je ne veux plus céder à la peur. Aujourd’hui, je me sens libre de l’intérieur et j’ai fermement l’intention de le rester. » (p. 173)
     

  • Narrateur omniscient; séquences descriptives et dialoguées précisant le temps ainsi que le lieu de l’action et permettant de mieux connaître les personnages et de s’immiscer dans leur esprit et leur imaginaire.

    « L’énorme boule de feu prenait d’assaut la chambre d’Antoine. Il se leva, s’étira en bâillant puis soupira d’aise… Tous les éléments étaient réunis pour sa marche quotidienne. Ce soleil promettait une journée parfaite! Du moins, le croyait-il. » (p. 9)

    « Penser à la dégustation d’un tendre et succulent homard le fit saliver. Rebecca et lui en avaient mangé plus d’un, particulièrement pendant le célèbre Festival du homard. Il pouvait encore sentir rouler sous ses pieds le sable doré des plus belles plages d’eau salée de l’impressionnante côte est du Nouveau-Brunswick. Des bateaux de plaisance et des planches à voile voguaient doucement sur l’eau pendant que le soleil et le vent lui hâlaient la peau. Shédiac… de doux souvenirs! » (p. 63)

    « – C’est le fait de prendre ta retraite qui te met dans un état pareil, René?
    – Peut-être. La retraite, le centenaire de ma mère, les retrouvailles de Samuel… c’est comme si tous ces événements se sont ligués pour réveiller les blessures de mon passé.
    – Voyons, René, à ton âge, tu peux faire la différence entre hier et aujourd’hui. Le passé est derrière toi. Inutile de t’y cramponner. Trinque plutôt aux belles années qu’il te reste et laisse le passé où il est.
    – Encore faut-il l’avoir assumé, Martin. » (p. 113)
     

  • Action suivant l’ordre chronologique, mais comptant plusieurs digressions (p. ex., analepse, télescopage, prolepse).

    « Le mot père l’avait ramené à de vieux souvenirs : le déménagement imposé par celui-ci au début de son adolescence… souvenirs qui remuaient beaucoup d’émotions et même un peu d’animosité. […]
    Quitter Shédiac, c’était se séparer de sa mamie adorée, celle qui avait été la mère qu’il n’avait jamais connue.
    C’était aussi et surtout se séparer de Rebecca, sa petite amie de cœur avec qui il nageait en plein bonheur. Il passait presque tous ses week-ends et plusieurs heures par semaine avec elle, après la classe. » (p. 36-37)

    « Son mandat terminé, René Beauregard revint à Shédiac et selon sa coutume, se consacra entièrement à son travail, laissant son fils se débattre avec ses études, ses combats, ses épreuves et son deuil.
    ***
    Après sa première blessure amoureuse et quelques années d’errance, Samuel avait bien eu un certain nombre d’aventures, mais un sentiment de solitude intense continuait de l’envahir, même le corps plongé dans celui d’une autre. » (p. 61)

    « Chemin faisant…, voyons le paysage intérieur de nos personnages, un an plus tard. » (p. 189)

Langue

  • Registre courant dans la narration et dans la plupart des séquences dialoguées; utilisation sporadique du registre populaire (chiac), dans certaines séquences dialoguées, qui servent à caractériser un des locuteurs.

    « La dame, qui devait subir un pontage coronarien prochainement, préféra garder ses énergies et, tournant sept fois sa langue dans sa bouche, décida de se taire. Ce qui ne l’empêcha toutefois pas de penser que son voisin avait la sienne très bien pendue. » (p. 21)

    « – Vous ne pensiez tout de même pas que c’était l’ange Gabriel!
    – C’est que vous m’avez fait peur. Je n’aime pas les surprises. » (p. 31)

    « – Tu worry trop, mame. Ça va worker. J’monte me changer avant de sortir. Yé déjà 7 h pis y faut que je seille su Maude à 8 h. Te rappelles-tu pas? Le club 4-H a été invité au fair de Ste-Marie. Y’en a qui s’meetant pour faire un website. On veut que le monde connaisse notre club. » (p. 41)
     

  • Vocabulaire accessible, champs lexicaux et sémantiques liés, entre autres, aux thèmes de la vieillesse, de la dépression et des amours ratées convenant mieux à un lectorat d’une certaine maturité.

    « J’ai maintenant soixante-huit ans… et voici que mon corps me trahit, il se retourne contre moi, il me freine. À cause de lui, je ne suis plus tout à fait à la hauteur des attentes sociales, je ne corresponds plus aux images que la société me propose, je ne réponds plus très bien aux normes de performance.
    Que dois-je faire? Me garer au bord de la vie pour ne pas nuire à ceux qui sont en forme, pressés et efficaces? Me taire pour ne pas mettre les autres mal à l’aise? » (p. 89-90)

    « La dépression. Un mot pour décrire une montagne de souffrances. Un mot qui éteint l’enthousiasme que l’on porte dans son cœur, et qui vous laisse seul et désemparé, dans un paysage de grisaille et de mélancolie, à la recherche d’une chose indéfinissable. » (p. 135)

    « Mon premier amoureux se nommait Justin. Il m’a préférée, jusqu’au jour où il a fait la connaissance de Pauline, ma cousine des États-Unis, en vacances chez moi. Il organisait des sorties à trois et la chimie, entre lui et elle, était de plus en plus évidente. Chaque fois qu’on se retrouvait tous ensemble, j’avais l’impression d’être le second violon, la fausse note de ces rencontres. […]
    – Le deuxième… c’était un amour impossible. Nous nous sommes rencontrés sur un bateau. Il était Hollandais. Un amour passionné, subit. La croisière de rêve : les bains de mer, le soleil […]. L’arrachement sur le quai, les larmes. Puis le retour. L’attente, les lettres sans réponses. Un mois, deux mois. La fin du rêve. » (p. 145-146)
     

  • Expressions idiomatiques; nombreux points de suspension traduisant des sous-entendus, des hésitations; procédés poétiques et figures de style (p. ex., anaphore, comparaison, énumération, métaphore, répétition); style assez sobre; phrases et paragraphes courts; texte très aéré facilitant la lecture.

    « Un père froid comme l’acier, distant comme l’infini de la mer. Un père toujours capable de maîtriser la situation, de tenir tête au désespoir, de contrôler la haine et l’amour.
    Un père qui frayait avec la crème de la société, trop pressé pour s’amuser avec son fils, pour penser à son anniversaire, pour assister à sa collation de diplôme.
    Il aimait Samuel de la même façon qu’il aimait le beau… le bon… la vertu… la vérité… à l’un comme à l’autre, il vouait le même intérêt, surtout lorsque cela l’accommodait. » (p. 26)

    « Antoine l’avait toujours trouvée différente des autres femmes… comme si elle vivait les choses un peu en marge : elle écoute, sourit, rit, s’étonne, mais ne raconte jamais rien de personnel. Elle avait cependant un tiroir secret qui ne s’ouvrait que lors des grandes circonstances. » (p. 30)

    « Onze ans, avant de recevoir la raison sociale de sa première usine. Onze ans de travail, de sacrifices, de solitude, de peur de ne pas y arriver, d’espoir et de dépassement. Onze ans à tenir le coup autant par dépit que par défi… son projet avait vu le jour et il en était fier. » (p. 64)

    « Il déposa ses armes une à une. Pourquoi frapper quand la victime est accablée? » (p. 160-161)

Référent(s) culturel(s)

  • Quelques référents culturels de la francophonie acadienne et canadienne : allusions à certains lieux (p. ex., Hôpital Georges-Dumont, École de musique Vincent-d’Indy, Université Saint-Joseph, Montréal, Place des Arts).
  • Emploi de mots utilisés dans le parler acadien (p. ex., escrabe, énarve, trantchille).

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves intéressés de composer un texte sur leur conception du partenaire idéal dans un vrai couple en se basant sur le texte de la page 194 du roman.
  • Demander aux élèves de faire une présentation au sujet de la musique de jazz afin de mieux comprendre le monde de Cécile et son processus de création.
  • Demander aux élèves de comparer le chiac parlé par un des personnages au joual utilisé par Michel Tremblay dans certaines de ses pièces (p. ex., Les Belles-Sœurs).

 

Conseils d'utilisation

  • Réserver ce roman à un lectorat d’une certaine maturité, en mesure d’apprécier le sujet, les thèmes et les points de vue exprimés.
  • Avant la lecture, proposer des aides visuelles (p. ex., cartes géographiques, photos du Nouveau-Brunswick) ainsi que des appuis auditifs (p. ex., musique de jazz et enregistrements sonores du parler acadien).
  • Inviter les élèves à porter une attention particulière à certains procédés de style utilisés par l’auteure (p. ex., l’anaphore de la page 194).
  • Prévoir des discussions par rapport à certains sujets délicats (p. ex., ruptures et conflits familiaux).

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 11e et 12e année, Série : Le pays dans l’âme, divers épisodes.