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Chants d’un autre siècle

Chaque génération a sa mémoire chantante. La mienne recouvre la deuxième moitié du siècle dernier et a gagné en mobilité grâce au transistor et en diversité en s’ouvrant sur le monde. Des premiers tubes de Françoise Hardy aux titres anglo-saxons répercutés jusque dans les rues de Katmandou, de tous les possibles qu’elles ont entonnés à tous les impossibles qu’elles ont fait grincer, de celles qui se sont emmêlées aux clips à celles qui ont mené la danse, sans oublier celles que je croyais entendre dans une cathédrale de pierre, ces chansons m’ont accompagné et ont laissé des souvenirs dans mes pas. Ce recueil vous invite à les réécouter en fonction des échos qu’elles ont eus dans ma vie, peut-être aussi dans la vôtre, et qu’elles ont encore.

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

À propos du livre

Contenu

  • Recueil de pensées à propos de chansons dont le titre, l’interprète et l’année de sortie rappellent au narrateur des moments précis ou approximatifs des quarante premières années de sa vie (p. ex., naissance, éducation, événement historique, séjour à l’hôpital).

    « Bon voyage, Gloria Lasso, 1958
    C’est l’année du Grand Bond en avant de Mao Zedong. Tintin est au Tibet et de Gaulle se fait réponse à l’appel de la France. […] Ce que je n’ai pas entendu et que je n’ai pas vu, comme des reliquaires, quand j’arrive au monde. » (p. 11)

    « C’est beau la vie, Jean Ferrat, 1963
    Nous chantons en classe de catéchèse. Je suis d’un doigt les paroles copiées sur du papier carbone reproduit à la manivelle. […] Nous épelons en chœur toutes les formes du verbe être. […] Je fais des trous dans un couvercle qui se visse et attrape des guêpes dans un pot. » (p. 15)

    « Ya maa limtee eeja el deeb, Marcel Khalifé, 1980
    Des éboulis en continu aux nouvelles du jour. […] Le désastre est dans les yeux des vivants. Pour qui la guerre se fait avec la prière. Ainsi que les chants dans une langue que je ne comprends pas, mais que je vois danser. » (p. 50)

    « Lacrimosa, Elzbieta Towarnicka, 1998
    J’entrouve les yeux et reprends forme. […] une femme en blanc […] vérifie le débit de l’intraveineuse. Humecte mes lèvres gercées. Prend mon poignet dans sa main. » (p. 65)
     

  • Un personnage principal dans le rôle de narrateur participant livrant ses réflexions sur ce qu’il a vu et vécu; quelques personnages secondaires (p. ex., mère, famille, personne aimée, certains écrivains), tous absents, mais qui ont de toute évidence laissé leur empreinte sur le narrateur.

    « Je flâne dans les rues numérotées de la banlieue. Chaque maison a son entrée en asphalte. Pour stationner de vieilles américaines et quelques étrangères. L’une d’elles, bleu ciel, porte les initiales M. G. C’est une fille qui la conduit […] Et me donne envie de prendre la route… » (p. 12)

    « Nous marchons côte à côte jusqu’au bout de nos souvenirs. […] Ma mère lâche ma main. Elle a le regard lointain des femmes de la banlieue après la vaisselle du soir. » (p. 18)

    « Nos soirées en équilibre entre le jour et la nuit. […] Nous veillons en même temps que nos pensées. Nous nous étonnons de lire Genet de son vivant. » (p. 46)
     

  • Aucune intrigue ficelée; que des bribes du passé où s’exprime l’amour du narrateur pour la musique, à partir du jour où les paroles des chansons ont signifié quelque chose pour lui.

    « La maison où j’ai grandi, Françoise Hardy, 1966
    Je suis en l’air au bout du plongeoir. La piscine au-dessous semble un mirage dans le jour d'hiver. […] D'un haut-parleur fixé au mur commence la voix de Françoise Hardy. Je m'attarde subitement aux paroles d'une chanson. Je saute et fais plusieurs longueurs d'affilée. Comme ces foulées d'enfance de la maison au bois. Je suis encore essoufflé lorsque j'en demande le titre à la ronde. Je courrai le lendemain chez le disquaire acheter le quarante-cinq tours. Le premier d'une pile que le temps allongera. » (p. 19)

    « La maison sous les arbres, Gilbert Bécaud, 1971
    J'habite un arbre aux racines dispersées. Ici et là, en autant de printemps que d'automnes. De mes pieds pendant dans l'évier sur une photo jaunie aux fenêtres qui espèrent des forêts en sève. D'un escalier tournant où je grimpe au couchant à celui plus élevé que je descends au matin. De mes nuits d'enfant dans de beaux draps aux volées de cloches qui traversent les murs.» (p. 32)
     

  • Image redondante des saisons, procédé aidant le narrateur à mieux situer ses souvenirs dans le temps.

    « Nous projetons sur les murs des ciels d’automne. » (p. 26)

    « Par une nuit d’été où le vent rugit au palais des Papes. » (p. 49)

    « Près des arbres qui empiètent sur le trottoir. Des lilas pendant la saison. » (p. 52)

    « Au-dehors, par la fenêtre, j’essaie d’oublier mon nom. L’heure noire qui dure les trois quarts du jour en hiver. » (p. 62)

Langue

  • Registre de langue courant quant au vocabulaire, mais structures de phrases à l’allure singulièrement poétique : courtes, souvent sans verbe, ressemblant à des vers avec la majuscule au début, mais avec un point à la fin, et concentrées dans un même paragraphe tenant lieu de strophe.

    « Un jour mon rêve, Vicky Leandros, 1967
    [… ] Ma mère repousse dans le lecteur la cartouche huit pistes. Sur laquelle une Grecque retrousse d’un doigt le rebord de son chapeau. Je cligne les yeux. Dérive du ruban gris le long des champs. Ce ciel plus grand au pays des premiers contes. La route se recouvre d’une argile que mes mains remodèlent. En un lieu qui s’invente à mesure que je m’en éloigne. » (p. 21)

    « Space Oddity, David Bowie, 1969
    Cheveux droits et yeux ronds. Que tu plisses quand tu prends la dernière bouffée de ta cigarette. Cette veine qui traverse ton visage comme si tu l'avais maquillé. Ces tee-shirts ajustés que tu portes au saut du lit et de jour. Tes insomnies en tout temps sous le bras. En tous lieux avec toi. Sur le perron de l'école avant que ne sonne la cloche.» (p. 27)
     

  • Texte narratif au début, montrant la simplicité de l’enfance et devenant plus imagé, plus métaphorique par la suite, comme l’enfant (le narrateur lui-même) qui mûrit avec les années.

    « L’ennui d’une fille de la campagne pendant les mois d’été. Après qu’elle a fait ses gammes et est sortie pieds nus dans l’herbe fraîchement coupée… » (p. 13)

    « Le temps sans nombre et sans fin. Je me défais de tout ce qui pourrait arriver. L’envie d’écrire me prend en lieu et place de vivre. Comme une phrase de Marie-Claire Blais qui se gonfle et s’essouffle de peur de toucher la grève. » (p. 26)

    « Le dessus d’un lit superposé où je croise les bras sous la nuque. Pendant que se réarrangent les rumeurs du monde. J’en descends au matin comme on va vers les eaux du Gange. J’entends ceux qui reviennent de loin et ceux qui y vont. Je saurai au bout du compte que le premier voyage est aussi le dernier. De même que le ciel dans une flaque au milieu de l’inconnu. » (p. 44)
     

  • Figures de style nombreuses, notamment métaphore, comparaison, personnification et métonymie, ravivant les tableaux qu’on se trace au gré de la lecture, au son de la musique. 

    « Une voix et un saxophone réchauffent un piano grelottant. Comme un coryphée appelle la clémence des dieux. » (p. 20)

    « Les couleurs égrènent leurs chapelets à la fin du jour. L’encre pensive tombe de mes doigts. » (p. 34)

Référent(s) culturel(s)

  • Nombreux référents culturels de la francophonie, canadienne ou internationale, illustrant la richesse de la chanson en premier lieu, mais aussi celle de la littérature et de la cinématographie (p. ex., Ferrat, Hardy, Léveillée, Bécaud, Ferland, Charden, Bélanger, Cocteau, Nelligan, Blais, Genet, Hergé, de Gaulle, Delon).

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves d’identifier les auteurs d’une dizaine d’extraits de chansons francophones contemporaines et d’expliquer en quoi ces extraits suscitent leur intérêt.
  • Proposer aux élèves de mener, en équipe, une petite enquête pour déterminer quels sont les styles de musique les plus en vogue à l’école et la raison de leur popularité.
  • Inciter les élèves à s’inspirer de chansons connues, francophones de préférence, pour rédiger un paragraphe comme l’auteur Alain Bernard Marchand l’a fait; inviter les élèves plus avancés à étoffer leur paragraphe, par des figures de style, entre autres, pour en former un court poème en prose.
  • Inviter les élèves à se pencher sur un aspect plus philosophique de l’œuvre à l’étude en tentant de découvrir la nature du beau en musique et en littérature.

Conseils d'utilisation

  • Avant la lecture, faire comprendre aux élèves qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vécu à une époque lointaine pour en aimer les chansons; faire entendre une chanson par décennie, à partir des années 50, et demander aux élèves ce qu’elle évoque pour eux.
  • Avant la lecture, proposer aux élèves de dresser une liste des chansons qui leur plaisent; analyser quelques chansons pour leur style, leur vocabulaire et leur musicalité.
  • Noter que le narrateur fait référence à des chansons anglaises autant que françaises et qu’il identifie les paroliers et les compositeurs des chansons choisies aux pages 67 à 70.

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 11e et 12e année, Série : Panorama – Artistes de chez nous, Reportages : Le slam à Sudbury.