- Œuvre pluridimensionnelle, à la fois roman, autobiographie et essai philosophique, dans laquelle s’entremêlent des anecdotes et des réflexions liées au vécu et aux états d’âme des cancres, mais aussi des parents et des enseignants qui essaient de leur venir en aide.
« Mon Dieu, cette solitude du cancre dans la honte de ne jamais faire ce qu'il faut! Et cette envie de fuir… J'ai ressenti très tôt l'envie de fuir. Pour où? Assez confus. Fuir de moi-même, disons, et pourtant en moi-même. » (p. 30)
« Il est difficile d’expliquer aux parents d’aujourd’hui les atouts de l’internat, tant ils l’envisagent comme un bagne. À leurs yeux, y envoyer ses enfants relève de l’abandon de paternité. » (p. 77)
« Ils étaient mes élèves. […] Une partie de mon métier consistait à persuader mes élèves les plus abandonnés par eux-mêmes que la courtoisie mieux que la baffe prédispose à la réflexion… » (p. 172)
- Un personnage principal, l’auteur, narrateur participant, dont le rôle alterne entre celui de cancre, d’écrivain et de professeur de français; multitude de personnages secondaires, pratiquement des figurants (p. ex., les membres de la famille du narrateur, ses anciens enseignants, ses collègues, ses nombreux élèves).
« D'où venait ma cancrerie? Enfant de bourgeoisie d'État, issu d'une famille aimante, sans conflit, entouré d'adultes responsables qui m'aidaient à faire mes devoirs… Père polytechnicien, mère au foyer, pas de divorce, pas d'alcooliques… » (p. 25)
« Je fais un rêve. Pas un rêve d'enfant, un rêve d'aujourd'hui, pendant que j'écris ce livre. » (p. 29)
« Une seule certitude, la présence de mes élèves dépend étroitement de la mienne : […] de ma présence physique, intellectuelle et mentale, pendant les cinquante-cinq minutes que durera mon cours. » (p. 133)
« Il suffit d’un professeur – un seul! – pour nous sauver de nous-mêmes […]
C’est, du moins, le souvenir que je garde de monsieur Bal. » (p. 262)
« Excellents élèves, Kahina, Minne, Pierre, Jérôme et toi, et mon amie Françoise… » (p. 277)
- Thème de la cancrerie traité avec une bonne dose d’humour et de compassion, ce qui dédramatise un peu l’inquiétude résultant de la nullité intellectuelle et laisse deviner la tendresse et la sympathie de l’auteur à l’égard de ces élèves malheureux, « réputés sans devenir ».
« Ah! Terribles sentinelles, les majuscules! Il me semblait qu'elles se dressaient entre les noms propres et moi pour m'en interdire la fréquentation. » (p. 23)
« Il y a ce père, agacé, qui m’affirme, catégorique :
– Mon fils manque de maturité. […]
Le lendemain je croise le même père dans la rue. Même costume, même raideur […]
Mais il se déplace en trottinette. » (p. 58-59)
« – …Qu’est-ce que tu n’arrives pas à comprendre? […]
– La… proposition-subordonnée-conjonctive-de-concession-et-d’opposition! […]
– …C’est elle qui te met dans un état pareil? » (p. 64)
« Je ne crois pas avoir fait de progrès substantiel en quoi que ce soit cette année-là mais, pour la première fois de ma scolarité, un professeur me donnait un statut; j'existais scolairement aux yeux de quelqu'un… » (p. 98-99)
- Structure de texte quelque peu anarchique : épilogue, placé au début de l’œuvre, suivi de tableaux de vie présentés dans un mouvement continu entre le passé et le présent.
« Commençons par l’épilogue : Maman, quasi centenaire, regardant un film sur un auteur qu’elle connaît bien. » (p. 13)
« C'est que je fus un mauvais élève et qu'elle ne s'en est jamais tout à fait remise. » (p. 15)
« J'annonce à Bernard que je songe à écrire un livre concernant l'école; […] sur ce qui ne change pas […] la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs… » (p. 20-21)
« J'étais une nullité scolaire et je n'avais jamais été que cela. » (p. 62)
« Je ne me rappelle jamais le nom de ces élèves de rencontre, ni d’ailleurs leurs visages… » (p. 110)