- Un personnage principal féminin différent (Marie deux-Poches, une demoiselle anonyme, Bérénice Lampeau et Marguerite, surnommée Maggie ou Magie) pour chacun des quatre courts récits.
« Marie porte toujours des robes avec des poches sur les hanches. Deux poches bien ourlées pour que rien ne s’en échappe, et elle y range ses deux langues, quand elle n’en a pas besoin. La langue française dans la poche droite, la langue anglaise dans la poche gauche. » (p. 13)
« Ce jour-là, j’ai vraiment constaté que j’étais devenue, à l’instar de mon entourage, une parfaite assimilée. Toute la vie se passait en anglais autour de moi et je nageais dans ce marais d’eau brunâtre en parfaite petite crapaude. Et bientôt, je plongerais dans une plus grande mare pour compléter mes études à l’University of Toronto. Ce constat me rassure.
– Adieu "French"! » (p. 49)
« La locataire du "8" disparaît souvent. Trois semaines de suite. Sa valise dans une main, un parapluie noir dans l’autre, elle part. Madame Bérénice fait le tour de la Terre. Elle parle cinq langues couramment. Elle connaît les us et coutumes de cent pays. » (p. 101)
« Prénom de l’enfant : Marguerite. C’est officiel et bien imprimé sur son extrait de baptême de la minuscule paroisse de Notre-Dame-de-la-Paix, dans la Petite-Nation où elle a reçu son premier coup de goupillon en pleine église et en plein front, mais sûrement pas son dernier. » (p. 143)
- Des personnages secondaires, occupant un rôle plus ou moins important selon le récit, parmi lesquels le mari de Marie, une religieuse acheteuse, les locataires d’un immeuble et le père de Marguerite.
« Son général de mari est si décontenancé de l’entendre chanter en "frança" devant sa famille orangiste, qu’il lui arrache sa langue française, qui en était au deuxième couplet, sort sur la galerie et colle la langue sur la poignée de la porte pour la punir. » (p. 29)
« Cette femme a le teint pâle et un petit Jésus crucifié et doré comme un agrès de pêche et qui ballotte au creux de sa gorge. » (p. 71)
« Les neuf autres locataires se postent dans le couloir ou dans les escaliers. Tous, aux aguets, le corps raide, l’oreille attentive. La concierge, quant à elle, monte la garde et observe la scène du rez-de-chaussée. » (p. 105)
« Nom du père : Jos Morin, identité empruntée. De race noire. Né au bout du rang Du nèg’. » (p. 143)
- Narrateur omniscient ou participant selon les nouvelles; quelques séquences dialoguées.
« Cette mésaventure a rendu Marie très prudente et, maintenant, elle tourne au moins ses langues sept fois dans ses poches avant de parler français. » (p. 35)
« Dix jours durant. C’était comme un grand jeûne, je faiblissais, je maigrissais, mes idées noircissaient, mes pensées s’embrouillaient. Pour me nourrir, pour m’abreuver, j’écoutais Cohen, j’écoutais Dylan et mes bons vieux Rolling Stones, je lisais Atwood, je relisais Hemingway. Rien à faire. Je dépérissais. » (p. 77)
« – D’où viens-tu, Magie? De quel Sud? De quel ailleurs? Que faisais-tu avant de venir ici? Quelle langue parlais-tu avant?
– Avant? Avant? Avant quoi? Je suis née à Notre-Dame-de-la-Paix, c’est écrit sur mon baptistaire. C’est signé par le curé. » (p. 153)
- Thèmes centraux (p. ex., assimilation, crise identitaire) convenant au lectorat visé et traités de façon à la fois légère et sérieuse, imagée et poétique.
« Marie est triste. Sa langue la quitte doucement. Personne ne peut ni ne veut aider Marie. Sa famille, ses amis, se soucient peu de ce problème sans conséquences. Ils ont tous remisé leur langue française dans une boîte de carton au grenier et ne la ressortent que dans les veillées ou dans les célébrations folkloriques. » (p. 37)
« Je suis débarrassée, une fois pour toutes, de cette culture qu’on a toujours menacé de me voler. Mieux vaut me vendre que d’être pillée. Je suis maintenant dépossédée et personne ne peut plus rien m’enlever. » (p. 75)
« Magie imite à la perfection l’accent du Lac Saint-Jean, celui de la Beauce, celui de l’Acadie même, mais le créole, pas du tout! Alors, on exige d’elle des histoires de dieux vaudous avec des victimes piquées d’aiguilles comme des oursins et avec des bêtes sacrifiées desquelles coule un sang noir comme du boudin. Bien sûr, Magie connaît le mot, mais pas les histoires. Magie sent bien qu’elle désobéit aux lois de sa nature, parce qu’elle n’a rien d’exotique et qu’ainsi elle n’intéresse personne. Elle est juste une p’tite Canadienne-française décevante, une fille de Montréal si ordinaire. » (p. 161)
- Tableaux occupant la page de gauche du recueil et textes courts, la page de droite; illustrations en noir et blanc pour la première moitié du livre et en couleurs chaudes pour la seconde; graphiques style dessin d’enfant illustrant les deux premiers récits, personnages moins naïfs à tête d’oiseau illustrant la troisième histoire; personnages librement imaginés par le dessinateur lorsque non caractérisés par l’auteure (p. ex., dans Madame Bérénice); concordance entre le texte et les illustrations dans les autres récits (p. ex., illustration p. 30).
« Son mari a les yeux comme des canons. Elle va recevoir un boulet, c’est certain. » (p. 31)