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Langue de poche

Ces récits fictifs de Danièle Vallée, illustrés par Christian Quesnel abordent avec naïveté, humour et émotions le thème de la crise identitaire en ces temps de mondialisation. Les personnages évoluent entre appartenance, vulnérabilité et conflits, à l’heure où une question demeure : rester soi-même ou changer d’identité? Il ne s’agit pas d’un discours politique, mais plutôt d’un discours poétique en réponse au Qui suis-je?

(Tiré de la quatrième de couverture du livre.)

 

À propos du livre

Contenu

  • Un personnage principal féminin différent (Marie deux-Poches, une demoiselle anonyme, Bérénice Lampeau et Marguerite, surnommée Maggie ou Magie) pour chacun des quatre courts récits.

    « Marie porte toujours des robes avec des poches sur les hanches. Deux poches bien ourlées pour que rien ne s’en échappe, et elle y range ses deux langues, quand elle n’en a pas besoin. La langue française dans la poche droite, la langue anglaise dans la poche gauche. » (p. 13)

    « Ce jour-là, j’ai vraiment constaté que j’étais devenue, à l’instar de mon entourage, une parfaite assimilée. Toute la vie se passait en anglais autour de moi et je nageais dans ce marais d’eau brunâtre en parfaite petite crapaude. Et bientôt, je plongerais dans une plus grande mare pour compléter mes études à l’University of Toronto. Ce constat me rassure.
    Adieu "French"! » (p. 49)

    « La locataire du "8" disparaît souvent. Trois semaines de suite. Sa valise dans une main, un parapluie noir dans l’autre, elle part. Madame Bérénice fait le tour de la Terre. Elle parle cinq langues couramment. Elle connaît les us et coutumes de cent pays. » (p. 101) 

    « Prénom de l’enfant : Marguerite. C’est officiel et bien imprimé sur son extrait de baptême de la minuscule paroisse de Notre-Dame-de-la-Paix, dans la Petite-Nation où elle a reçu son premier coup de goupillon en pleine église et en plein front, mais sûrement pas son dernier. » (p. 143)
     

  • Des personnages secondaires, occupant un rôle plus ou moins important selon le récit, parmi lesquels le mari de Marie, une religieuse acheteuse, les locataires d’un immeuble et le père de Marguerite.

    « Son général de mari est si décontenancé de l’entendre chanter en "frança" devant sa famille orangiste, qu’il lui arrache sa langue française, qui en était au deuxième couplet, sort sur la galerie et colle la langue sur la poignée de la porte pour la punir. » (p. 29)

    « Cette femme a le teint pâle et un petit Jésus crucifié et doré comme un agrès de pêche et qui ballotte au creux de sa gorge. » (p. 71)

    « Les neuf autres locataires se postent dans le couloir ou dans les escaliers. Tous, aux aguets, le corps raide, l’oreille attentive. La concierge, quant à elle, monte la garde et observe la scène du rez-de-chaussée. » (p. 105)

    « Nom du père : Jos Morin, identité empruntée. De race noire. Né au bout du rang Du nèg’. » (p. 143) 
     

  • Narrateur omniscient ou participant selon les nouvelles; quelques séquences dialoguées.

    « Cette mésaventure a rendu Marie très prudente et, maintenant, elle tourne au moins ses langues sept fois dans ses poches avant de parler français. » (p. 35)

    « Dix jours durant. C’était comme un grand jeûne, je faiblissais, je maigrissais, mes idées noircissaient, mes pensées s’embrouillaient. Pour me nourrir, pour m’abreuver, j’écoutais Cohen, j’écoutais Dylan et mes bons vieux Rolling Stones, je lisais Atwood, je relisais Hemingway. Rien à faire. Je dépérissais. » (p. 77)

    « – D’où viens-tu, Magie? De quel Sud? De quel ailleurs? Que faisais-tu avant de venir ici? Quelle langue parlais-tu avant?
    Avant? Avant? Avant quoi? Je suis née à Notre-Dame-de-la-Paix, c’est écrit sur mon baptistaire. C’est signé par le curé. » (p. 153)
     

  • Thèmes centraux (p. ex., assimilation, crise identitaire) convenant au lectorat visé et traités de façon à la fois légère et sérieuse, imagée et poétique.

    « Marie est triste. Sa langue la quitte doucement. Personne ne peut ni ne veut aider Marie. Sa famille, ses amis, se soucient peu de ce problème sans conséquences. Ils ont tous remisé leur langue française dans une boîte de carton au grenier et ne la ressortent que dans les veillées ou dans les célébrations folkloriques. » (p. 37)

    « Je suis débarrassée, une fois pour toutes, de cette culture qu’on a toujours menacé de me voler. Mieux vaut me vendre que d’être pillée. Je suis maintenant dépossédée et personne ne peut plus rien m’enlever. » (p. 75)

    « Magie imite à la perfection l’accent du Lac Saint-Jean, celui de la Beauce, celui de l’Acadie même, mais le créole, pas du tout! Alors, on exige d’elle des histoires de dieux vaudous avec des victimes piquées d’aiguilles comme des oursins et avec des bêtes sacrifiées desquelles coule un sang noir comme du boudin. Bien sûr, Magie connaît le mot, mais pas les histoires. Magie sent bien qu’elle désobéit aux lois de sa nature, parce qu’elle n’a rien d’exotique et qu’ainsi elle n’intéresse personne. Elle est juste une p’tite Canadienne-française décevante, une fille de Montréal si ordinaire. » (p. 161)
     

  • Tableaux occupant la page de gauche du recueil et textes courts, la page de droite; illustrations en noir et blanc pour la première moitié du livre et en couleurs chaudes pour la seconde; graphiques style dessin d’enfant illustrant les deux premiers récits, personnages moins naïfs à tête d’oiseau illustrant la troisième histoire; personnages librement imaginés par le dessinateur lorsque non caractérisés par l’auteure (p. ex., dans Madame Bérénice); concordance entre le texte et les illustrations dans les autres récits (p. ex., illustration p. 30).

    « Son mari a les yeux comme des canons. Elle va recevoir un boulet, c’est certain. » (p. 31)

Langue

  • Registre courant dans l’ensemble de l’œuvre; paragraphes courts facilitant la lecture; vocabulaire accessible au lectorat, plusieurs champs lexicaux dont un lié à la ville de Bangkok.

    « Soulagée, je rentre chez moi, je verrouille la porte et je tire les rideaux pour tenter de vivre autrement, sans musiques ni mots ni images me rappelant ce français que je venais de renier. » (p. 75)

    « – Eh bien, mademoiselle! Vous ne la méritez pas, vous n’aviez qu’à la conserver. Puis elle claque mon autre joue. » (p. 85)

    « Seule la voyageuse parle. Bangkok! Dix millions d’habitants, immensément polluée, délirante de circulation. Les canaux, les rivières si conviviales où l’on se rencontre, où l’on achète, où l’on se baigne et se lave. Les marchés multicolores et ceux qui flottent. Les pluies fines, lentes et douces. Le temple Wat Phra Keo et le fameux Bouddha d’Émeraude. Les baraques jaunes, bleues, vertes, si fragiles en équilibre sur des pilotis. » (p. 115) 
     

  • Ton léger, pointes d’humour, nombreuses figures de style (p. ex., personnification, ironie, métaphore) aidant à exagérer la réalité et créant des effets particuliers.

    « La langue moribonde qui a passé une nuit dehors, soudée à une poignée de porte glacée, n’en mène plus large. Elle perd la parole et l’appétit. Et que faire d’une langue qui ne mange pas et ne parle pas? Inutile! » (p. 35)

    « Là-bas, il y a toujours des petits snobs qui se disent amoureux du français. On les appelle francophiles. On verra bien… » (p. 57)

    « Puis vient ce moment décisif où la porte marquée d’un "8" s’entrouvre doucement. C’est la caverne d’Ali Baba. » (p. 107)
     

  • Usage varié de l’écriture : caractère italique, gras ou majuscule, taille de police, phrase disposée en oblique montante ou descendante mettant en relief certains termes et concepts ou embellissant la présentation.

    « Ce déhanchement donne à la jolie Marie un petit air militaire plutôt séduisant qui charme son Anglais de mari qui l’adore, quand elle ne parle pas trop ce français incommodant qu’il refuse de comprendre. » (p. 15)

Référent(s) culturel(s)

  • Référents à la francophonie canadienne et internationale parmi lesquels l’Île d’Orléans, Montréal, Ottawa, la revue Liaison, Le Petit Robert, Nelligan, Poliquin, Desbiens, Cano, Charlebois, Swing, La Bolduc, Balzac, Mauriac et la chanson V’là l’bon vent.

Pistes d'exploitation

  • Demander aux élèves d’imaginer les traits de caractère des locataires de Madame Bérénice d’après leur représentation animale dans les tableaux de l’œuvre.
  • Inviter les élèves à tenter l’expérience réalisée par l’auteure et l’illustrateur, soit composer et illustrer un court récit ou une nouvelle.
  • Inviter les élèves à porter une attention particulière à la présentation du texte et à la façon dont l’auteur utilise les éléments visuels; commenter ces éléments visuels en petites équipes et les inviter à faire part de leurs découvertes à la classe.
  • Proposer aux élèves une discussion au sujet de l’assimilation (p. ex., réalités, dangers, conséquences); les inviter à s’inspirer des récits Marie Deux-Poches et Vente de garage.

Conseils d'utilisation

  • Expliquer aux élèves quelques référents culturels qu'ils pourraient ne pas connaître.
  • Mener une discussion sur les thèmes centraux de l’œuvre à savoir l’assimilation et la quête identitaire.
  • Présenter l’œuvre à des élèves autant des filières préuniversitaire et précollégiale que préemploi.

Ressource(s) additionnelle(s)

  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 10e à 12e année, La lutte pour les écoles de langue française de l’Ontario.
  • IDÉLLO.org, ressources éducatives en ligne, 10e à 12e année, Série : Francophonies d’Amérique, Nous, Franco-Ontariens; Toronto, une francophonie plurielle.